Dans l'Ariège, un village d'une dizaine d'âmes fait parler de lui. Deux habitantes se plaignent du bruit généré par les cloches de l'église. Elles veulent aller en justice, au grand dam du conseil municipal.
Saint-Amans, bientôt rebaptisée Clochemerle ? En tout cas, ce sont bien les cloches de l'église qui troublent la quiétude de cette commune d'une dizaine d'habitants, située au nord-ouest de Pamiers.
Christine Carbonne est née à Saint-Amans. Elle vit avec son père (épargné "grâce" à ses problèmes d'audition) dans une petite maison, située à une vingtaine de mètres de l'église. "Devoir supporter ce bruit, c'est tout simplement infernal, s'insurge la quarantenaire. J'ai des problèmes d'audition à force et des maux de tête. C'est juste invivable."
Un huissier pour mesurer les décibels
C'est en particulier l'Angelus que Christine ne parvient plus à supporter. Chaque jour, à 7h00, 12h00 et 19h00, les cloches claironnent durant deux minutes. "On ne s'entend plus parler et l'été, on est obligé de fermer les fenêtres tellement ça résonne dans la maison."
Au point qu'avec sa voisine, Geneviève, elles ont décidé de faire venir un huissier de justice sur la commune pour mesurer les décibels. "L'huissier doit revenir dans la semaine pour donner sa réponse. Nous avons aussi écrit à l'Agence régionale de santé et contacté le Défenseur des droits pour qu'il raisonne le maire", détaille Christine.
Car selon elle, ce dernier ne veut rien entendre : "Il habite à 2 kilomètres d'ici, donc c'est sûr que, lui, ça ne le dérange pas".
"Ça fait partie du patrimoine"
L'édile, lui, reste pantois. "Ça fait 100 ans que les cloches de l'église sonnent, et ça n'avait jamais dérangé personne, balaie Claude Sans. D'ailleurs, ça ne l'avait pas non plus dérangée jusqu'à présent puisque cette habitante est née ici."
C'est un joli clocher, et les cloches sont les emblèmes de tous les petits villages
Claude Sans, maire de Saint-Amans
Le conseil municipal ne l'entend pas non plus de cette oreille. "Ça fait partie du patrimoine, explique Rachida Portet, adjointe. Alors, on a voté à l'unanimité de conserver le son des cloches."
Et quand on parle de la plainte que projettent de déposer les deux habitantes, le maire de Saint-Amans hausse les épaules : "Si on dépose plainte pour ça, alors on dépose plainte pour les coqs, les vaches et les tracteurs".
Que dit la loi ?
En janvier 2021, une loi avait été adoptée définitivement par le Parlement pour protéger le "patrimoine sensoriel des campagnes". Autrement dit, les sonneries des cloches, le chant du coq ou les effluves de bouse de vache sont inscrits dans le code de l'environnement.
Cette loi se veut un outil pour accompagner les élus locaux dans leurs démarches de médiation et pour désamorcer en amont les contentieux. Car les nuisances olfactives et sonores auraient généré plus de 18.000 procès en France ces dix dernières années.
Cependant, la loi protégeant le patrimoine sensoriel des campagnes reste difficile à appliquer car chaque département doit définir son propre patrimoine sensoriel (et ses limites).