Le maire du Mas-d'Azil, également vice-président du Conseil départemental, a été condamné en novembre 2020 pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique en récidive. Ce qui lui a valu de la prison ferme et pose question quant à l'exercice de son mandat.
Les faits se sont déroulés dans la nuit du 7 au 8 novembre. Raymond Berdou ne s'arrête pas lorsqu'il croise les gendarmes qui lui font signe de se ranger sur le bas-côté pour un contrôle. Il poursuit sa route et "se plante" selon ses propres termes un peu plus loin dans un fossé. Sa voiture est immobilisée. Ce qui lui vaut d'être rejoint par les forces de l'ordre et de souffler dans le ballon.
Résultat : une comparution pour "refus d’obtempérer, conduite sous l’empire d’un état alcoolique et défaut de maîtrise". L'élu se voit retirer le permis et comme il est sous le coup du sursis pour un délit antérieur de même nature, il est condamné à 6 mois de prison dont 3 mois fermes assortis d'une obligation de soins, de l'annulation du permis de conduire et de l'interdiction de le repasser pendant six mois.
Récidive
Depuis au Mas-d'Azil et un peu au-delà, puisque le maire est aussi le 5e vice-président du Conseil départemental en charge de la jeunesse, de la culture et des équipements sportifs, un débat est ouvert entre ses partisans et ceux qui sont choqués que le premier magistrat d'une commune puisse continuer d'exercer son mandat alors qu'il est sous le coup d'une peine de prison ferme.
Surtout du fait qu'il s'agit d'alcoolisation au volant avec les risques inhérents. Et que ce n'est pas la première fois que Raymond Berdou est pris dans les feux des gyrophares de la gendarmerie avec un taux d'alcoolémie hors des clous.
"Je n'ai pas tué !"
"Je n'ai pas tué, je n'ai pas volé, je n'ai pas violé !" s'exclame le maire quand on lui demande si, en terme d'exemplarité, les faits qu'il a d'ailleurs reconnu, sont compatibles avec l'exercice de sa fonction. "Si on parle d'exemplarité, poursuit-il, ça fait longtemps que je suis élu et que je construis des écoles, des bibliothèques, des médiathèques, etc. Si vous saviez le nombre de témoignages que j'ai reçus, ça a été très très impressionnant !".
Raymond Berdou ne nie pas qu'il y a eu par le passé des retraits de permis liés à cette question de l'alcoolisation au volant. "Mais c'est vieux", explique-t-il avant de mentionner des problèmes privés qui font que la vie n'est pas toujours une partie de plaisir.
"Le message... l'impunité"
Un fait que ne contestent pas des opposants politiques au conseil qui ont souhaité par un tract sobre, selon leurs termes, informer les habitants de la commune de la situation. "Le reproche que l'on nous fait, c'est de nous attaquer à un malade, explique Jean-Marc Supery, conseiller municipal au Mas-d'Azil. Il ne s'agit pas pour nous de nous en prendre à l'homme mais quand on est une personne publique et qu'environ tous les 2 ans, on est condamné pour fait d'alcoolisme au volant, ça fait tâche. Quand quelqu'un qui travaille est malade, il est en arrêt maladie".
Ce que déplore cet opposant, parmi d'autres, c'est le sentiment qui se dégage au fil du temps. "Le message, c'est qu'on peut faire ce qu'on veut en toute impunité", poursuit Jean-Marc Supéry. On vient de voter une augmentation du budget pour l'assurance des immeubles de la commune de 33% parce que les bâtiments font l'objet de tentatives d'incendies ou de vrais sinistres. Pour nous, c'est lié. Il y a une dégradation du vivre-ensemble, la perte de toute notion morale. Résultat : la communauté se délite".
Silence
Sollicitée, la présidente du Conseil départemental, Christine Téqui, dit ne pas vouloir réagir. Il s'agit pour elle d'une affaire personnelle qui concerne le maire et lui seul. La préfète, Sylvie Daniélo-Feucher, dont on attendait une réaction dans la mesure où elle est la représentante de la politique de l'Etat en matière de sécurité routière, ne souhaite pas faire de commentaire. Quant au procureur de la République, il n'a pas répondu à nos interrogations.
"Il y a une véritable omerta sur ce sujet", résume Jean-Marc Supery quant à l'état d'esprit général. Serait-ce le cas ? Nul ne sait. Quoiqu'il en soit, la justice a tranché et "rien n'empêche un élu d'exercer tant que le juge ne prononce pas l'inéligibilité", précise le secrétaire général de la Ligue contre la violence routière, Michel Barthélémy.
Ce que dit ou ne dit pas la loi
"Mais c'est tout-à-fait moralement condamnable, poursuit cet ancien commissaire de police avec vigueur. Le maire est officier de police judiciaire. Il peut constater les infractions et en théorie, placer quelqu'un en garde à vue !". Un paradoxe effectivement. Selon ce référent de la Ligue au plan national, la loi doit changer pour des cas comme celui-ci. Députés et sénateurs doivent se prendre par la main pour la sécurité de tous.
Reste plusieurs options : le préfet peut ne pas restituer le permis tant que la commission médicale du permis de conduire n'a pas donné un avis positif. Avant la condamnation, il peut exiger que le véhicule de la personne soit équipé d'un éthylotest au démarrage. Le juge peut faire la même chose après la condamnation. Ceci afin de prévenir tout risque d'accident.
"L'alcool est présent dans 32% des accidents mortels en 2019, 50% la nuit, sans compter la multiplicité des accidents corporels", rappelle Michel Barthélémy qui ajoute : "rien n'empêche le maire de prendre l'initiative d'installer lui-même le dispositif quand il aura le droit de conduire". Raymond Berdou roule pour l'heure en voiturette et il attend de rencontrer le juge d'application des peines pour l'aménagement de sa peine de prison ferme. Le juge devra choisir entre trois options : le port d’un bracelet électronique, un paiement de jours-amendes ou du travail d’intérêt général.