Aurélie Fleury vient de passer trois ans à sillonner les routes du Couserans au volant de son camion d'épicerie mobile. Enceinte, elle a découvert qu'elle ne toucherait pas 100% de son congé maternité mais 5,60 € par jour pour vivre. Mais comment est-ce possible ?
Elle a créé son entreprise en novembre 2018. Une entreprise qui marche bien. Aurélie Fleury est auto-entrepreneuse. Elle a desservi de multiples villes et villages isolés aux alentours de Saint-Girons dans le Couserans en Ariège.
Ce projet, elle l'a construit seule et entièrement autofinancé dans un esprit d'économie circulaire. Elle s'est appuyée sur un réseau de producteurs en circuit court. Objectifs : proposer des produits locaux et bio. Créer du lien social dans des villages dépourvus d’offre alimentaire.
150 € par mois pour élever son bébé
Or, Aurélie Fleury tombe enceinte en février 2021. Lorsqu'elle se renseigne sur les indemnités pour son congé maternité quelques mois plus tard, elle tombe des nues. Elle ne touchera que 5,60€ par jour... En septembre, elle est arrêtée. La route peut nuire au bon déroulement de la grossesse. Puis son statut change, elle est en congé pathologique avant la naissance de Gabriel le 12 novembre dernier.
Or, l'arrêt maladie n'est pas indemnisé du tout. Quant au congé pathologique et au congé maternité, leur indemnisation s'élève à 5,60€ par jour. Aurélie, dont le compagnon est en formation, n'a d'autre choix que de siphonner ses économies et se voit contrainte de demander une pension à ses parents.
Un calcul lié au statut des travailleurs indépendants
"Je n’ai droit qu’à 10% du montant de l’indemnisation pour congé maternité au taux plein, soit 5,6 € / jour (au lieu de 56 euros par jour au taux plein), s'indigne-t-elle. Comment peut-on accueillir un enfant avec 150 euros par mois et le faire vivre décemment ?"
"Je suis d’autant plus surprise que j’ai perçu un revenu mensuel moyen de 1300 net au cours des trois dernières années et honoré les cotisations Urssaf correspondant à ce revenu, soit environ 300 euros par mois", poursuit-elle.
A la CPAM de l'Ariège, on lui explique que le problème vient du fait qu'elle n'a pas cotisé suffisamment durant sa première année d'activité. La caisse ne lisse pas, semble-t-il, l'ensemble des revenus et ne veut pas prendre en compte les six premiers mois de mise en route du projet, durant lesquels elle a perçu des indemnités chômage.
Un refus que la jeune femme digère très mal. Surtout que "dès le début de la crise sanitaire liée au Covid en janvier 2020, le "château ambulant" (c'est le nom du camion-épicerie) a livré plus d’une centaine de foyers confinés en produits alimentaires de première nécessité, explique-t-elle. J’ai également été sollicitée par la Caisse d’Allocations Familiales et le Conseil départemental pour fournir des paniers bio et solidaires à des personnes en situation de précarité".
"Dans la mise en oeuvre de mon projet j’ai toujours eu à coeur de rompre l’isolement des personnes âgées vivant en milieu rural en me rendant à leur domicile et sur les places de leurs villages. Le volet social de l’épicerie mobile est primordial particulièrement en cette période de crise sanitaire inédite".
Dans un communiqué, la CPAM de l'Ariège affirme que la situation d'Aurélie Fleury est suivie par le biais de son service médiation depuis plusieurs semaines. "Toutes les vérifications internes relatives à la juste application des textes en vigueur ont été réalisées. Aucune erreur d’appréciation n’a été faite par les services de la CPAM."
La réglementation doit évoluer
Aurélie Fleury se bat pour elle mais aussi pour l'ensemble des femmes qui sont confrontées à ce problème. "Nous sommes plus de 7000 femmes entrepreneuses concernées par cette injustice en France chaque année" argumente-t-elle sur la base d'un rapport de la Fédération Nationale des Autoentrepreneurs et Microentrepreneurs.
"Pour rappel, les indépendants ont rejoint le régime général pour leur couverture maladie, accident et maternité début 2020. En fonction du revenu généré les trois années précédentes, elles perçoivent des indemnités journalières à hauteur de 5,635 € ou de 56,35 €. C’est une différence importante sans palier intermédiaire", précise ainsi la Fédération.
Une loi votée fin décembre pourrait changer la donne lorsque les décrets d'application seront publiés. Et la CPAM de l’Ariège "étudiera bien entendu avec bienveillance les possibilités de régularisation du montant des indemnités, si les conditions fixées par la nouvelle réglementation le permettent". La Caisse affirme par ailleurs rester "disponible pour étudier l'opportunité d'une aide financière ponctuelle, par le biais de son action sanitaire et sociale".