A Ax 3 Domaines, des travaux illégaux plus rapides que la justice détruisent des espèces protégées

Le tribunal administratif de Toulouse vient d'annuler l'arrêté préfectoral autorisant la destruction de nombreuses espèces protégées, dont la chouette de Tengmalm, pour réaliser des travaux...déjà terminés sur la station de ski ariégeoise d'Ax 3 Domaines.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

C'est une histoire de bulldozers plus rapides que les juges et de biodiversité qui trinque.

Pour moderniser son domaine skiable des Campels, situé dans la station ariégeoise d’Ax 3 Domaines, la municipalité d'Ax-les-Thermes avait prévu de gros travaux : démontage de télésièges, retrait d’adduction d’eau, installation de deux nouvelles remontées mécaniques, extension du réseau d’électrification et création et réhabilitation de pistes. 

65 espèces protégées autorisées à être détruites malgré l'avis du Conseil National de Protection de la Nature

Mais la réalisation de ce projet nécessitait l’autorisation de déroger à l’interdiction de détruire les espèces protégées, au nombre - excusez du peu - de 65 dans le secteur, notamment la chouette de de Tengmalm, vivant dans une forêt ancienne,  que le projet était amené à déboiser,  et la Drosera, une plante poussant dans des zones humides appelées à être ratiboisées.

Sans trop y regarder, malgré l'avis très  défavorable du Conseil National de Protection de la Nature, la préfète de l’Ariège autorise par un arrêté du 11 août 2017 les travaux. Pour la représentante de l'Etat, la biodiversité peut attendre. Il s'agit pour elle de pérenniser 50 emplois qui dépendent de la modernisation du domaine skiable.

Le temps des juges n'est pas celui des bulledozers

Trois associations - France Nature Environnement, le Comité Ecologique Ariégeois et APRA Le Chabot -attaquent alors l'autorisation de destruction des espèces protégées.

Mais moins d'une semaine sera nécessaire après l'arrêté aux bulldozers qui s'empressent de passer à l'action, conduisant, selon le juge administratif, à "un impact fort sur la zone humide, le boisement, la population de Drosera et sur la Buxbomie verte et très fort sur l'avifaune forestière".

Le temps des juges n'étant pas celui des bulledozers, trois ans plus tard, le tribunal administratif de Toulouse annule l'arrêté de la préfète pour les trois raisons suivantes :
  • une consultation du public irrégulière compte tenu de la non mise à disposition de l’avis défavorable du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) ;
  • des aménagements qui ne présentent pas d’intérêt public du fait du réchauffement climatique, de la vulnérabilité aux vents et de l’impact fort sur la biodiversité ;
  • des mesures compensatoires inexistantes.

Les travaux sont faits. Les bulledozers passent avant les juges

Daniel Strub, co-président du Comité Ecologique Ariégeois



"Une fois encore par le passage en force des gestionnaires de la station, c’est l’environnement et les deniers publics qui trinquent", déplore pour sa part le porte-parole de APRA Le Chabot, Henri Delrieu.

Mises devant le fait accompli, les associations de défense de l'environnement ne peuvent que constater qu'il semble difficile de revenir en arrière. Elles n'excluent cependant pas de se retourner contre l'Etat "qui a délivré une autorisation illégale et qui a détruit des espèces protégées". "Il va falloir que nous discutions de mesures compensatoires", prévient notamment Hervé Hourcade, juriste à France Nature Environnement.

Investissements publics et dérèglement climatique

Ce  jugement du tribunal administratif de Toulouse "remet en cause les investissements publics pour nos vallées face au dérèglement climatique", s'accordent à analyser les associations requérantes.

"Sur Ax les 3 domaines,  comme dans toutes les autres stations du département, l’enneigement artificiel est présenté encore aujourd’hui comme une réponse aux conséquences du changement climatique. Par son jugement sans ambiguïté à l’encontre de cette opération, le tribunal administratif condamne cette assertion et confirme nos critiques sur les investissements massifs que les collectivités font en ce moment sur les stations de ski", expliquent-elle.

Les effets du dérèglement climatique ne sont pour elles pas du tout pris en compte. "On porte atteinte à des espèces patrimoniales pour satisfaire à l'hypothétique ouverture d'une piste en fonction de la météo", regrette encore Hervé Hourcade.

Contacté, le maire d'Ax-les-Thermes, commune maître d'oeuvre des travaux, se déclare "surpris" par la décision du tribunal. "On verra. Je n'ai pas encore lu le jugement", poursuit Dominique Fourcade. "De toutes façons, les travaux sont faits et heureusement !", ajoute-t-il.  Pour lui, il s'agissait de "changer un vieux télésiège pour en mettre un autre à la place". "Je ne me considère pas comme un assassin de la biodiversité. Je trouve que ce n'est pas du tout le problème", s'exclame-t-il.

De son côté, la préfecture n'a pas encore indiqué si elle comptait relever appel du jugement du tribunal administratif.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information