Le Conseil d'État vient d'annuler l'arrêté ministériel de 2020 autorisant, à titre expérimental, la mise en place de mesures d'effarouchement de l'ours brun pour protéger les troupeaux. Une décision saluée par les associations de défense de la faune sauvage.
Dans une décision rendue le 25 avril 2022, les mesures d’effarouchement de l’ours des Pyrénées mises en place par le ministère de la Transition écologique pour prévenir les dommages aux troupeaux viennent d'être retoquées par le Conseil d'Etat.
L'arrêté ministériel du 12 juin 2020 de la ministre de la Transition écologique et solidaire ainsi que du ministre de l’Agriculture et de l’alimentation a été annulé pour excès de pouvoir et méconnaissance du code de l'environnement et des directives européennes en matière de protection de la faune sauvage.
L’association Ferus - Ours, Loup, Lynx, l’association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, l’association Pays de l’Ours - Adet, le comité écologique ariégeois, l’association Nature en Occitanie, le fond d’intervention éco pastoral, la société nationale de protection de la nature et d’acclimatation de France et l’association Animal Cross se félicitent de cette décision dans un communiqué de presse du 2 mai 2022.
Sur quoi porte l'arrêté du 12 juin 2020 ?
L’arrêté ministériel du 12 juin 2020 avait pour objet de fixer, à titre expérimental jusqu’au 1er novembre 2020, les conditions et limites dans lesquelles des dérogations à l’interdiction de perturbation intentionnelle des ours bruns pouvaient être accordées aux éleveurs par les préfets, en vue de la protection des troupeaux domestiques.
Son article 2 autorisait le recours à des moyens d’effarouchement selon deux modalités :
- L’effarouchement simple, par des moyens sonores, olfactifs ou lumineux. La demande de dérogation doit être justifiée par la survenance d'au moins une attaque sur l'estive dans les 12 derniers mois ou d'au moins quatre attaques cumulées sur l'estive au cours des deux années précédant cette demande.
- L'effarouchement renforcé, au moyen de tirs non létaux. Cette demande peut être présentée dès la deuxième attaque intervenue dans un délai inférieur à un mois malgré la mise en œuvre effective de moyens d'effarouchement sonores, olfactifs et lumineux au cours de cette période
Que dit le droit ?
L’article L. 411-1 du code de l’environnement prévoit en substance que: lorsqu’il y a un intérêt scientifique particulier, un rôle essentiel dans l’écosystème ou la nécessité de préservation du patrimoine naturel justifiant la conservation d’espèces animales non domestiques et de leurs habitats, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces sont interdits.
La directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive "Habitats" prévoit dans son article 12 que : Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales (figurant à l’annexe IV) dans leur aire de répartition naturelle, interdisant la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance. L’ours brun (Ursus arctos) est au nombre des espèces figurant à l’annexe IV de cette directive.
L'État déjà condamné
C'est la deuxième fois que l'État est censuré précise le communiqué des associations. "Déjà en 2019, et tout laisse penser que celui de 2021 le sera également dans quelques mois".
Et les associations de s'interroger sur les intentions et la stratégie de l'État à mener ces opérations d'effarouchement :
"La cinquantaine d’opérations d’effarouchement menées en 2019 et 2020 dans les Pyrénées, notamment les 144 tirs en direction d’ours réalisés dans ce cadre, sont toutes illégales et constituent autant de perturbations intentionnelles que l’OFB (Office Français de la Biodiversité) lui-même aurait pu verbaliser s’il n’en n’était l’auteur... !" assure le communiqué qui conclut : "Dans ce contexte, il est impensable que l’État prenne à nouveau un arrêté autorisant les effarouchements renforcés en 2022 comme il semble en avoir l’intention !"
L'ours : une population fragile
Pour le Conseil d'État, la population de plantigrades dans son aire de répartition naturelle n'est pas favorable et ne constitue pas un motif de dérogation à la directive européenne et au code de l'environnement, pour justifier de la protection de l'élevage.
"De telles mesures dérogatoires ne sauraient être légalement adoptées que si elles ne portent pas atteinte au maintien des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle et ne compromettent pas l’amélioration de l’état de l’espèce".
"Il ressort ainsi des différentes études produites au dossier que les effectifs d’ours bruns dans la chaîne pyrénéenne s’élevaient à une soixantaine d’individus en 2020. Il ressort, en outre, du rapport d’évaluation établi le 26 septembre 2013 par le Muséum national d’histoire naturelle à la demande du Gouvernement que, malgré l’évolution positive des effectifs et de l’aire de répartition et malgré la stabilité de l’habitat de l’espèce, les perspectives futures restent défavorables, dans la mesure où les effectifs sur l’aire de répartition demeurent inférieurs à la valeur de référence jugée nécessaire pour assurer la survie de l’espèce, estimée à une centaine d’individus."
Selon le rapport annuel du Réseau Ours Brun qui assure le suivi de la population dans le massif pyrénéen, l'effectif est en augmentation de 9 % par rapport à 2020.
70 spécimens ont été recensés en 2021 : 34 femelles et 32 mâles sur une zone géographique couvrant une superficie de 6 500 km².
Huit portées, comprenant 15 oursons, ont été repérées en 2021 contre neuf en 2020, d'après le rapport publié jeudi 31 mars 2022 par ce réseau.
Un nouveau préfet délégué à l'ours
Dans un communiqué de presse, la préfecture de Haute-Garonne (31) annonce la nomination ce 2 mai 2022 d'un nouveau préfet délégué « ours » dans le massif des Pyrénées.
"Denis Olagnon est ainsi désigné auprès d'Étienne Guyot préfet coordonnateur du massif des Pyrénées, en charge des sujets "ours" dans le massif des Pyrénées et succède à Jean-Yves Chiaro. Il aura pour mission de poursuivre et renforcer le dialogue entre tous les acteurs et d'appuyer les préfets de département dans l'action qu'ils mènent au plus près de territoires", précise la communication de la préfecture.