PORTRAIT. André Trigano, la fin de carrière du maire de Pamiers qui espérait "mourir sur la scène politique"

André Trigano rêvait d'un cinquième mandat à la tête de la mairie de Pamiers (Ariège). L'élu de 94 ans tire sa révérence après une riche carrière  politique et d'homme d'affaire. Mais sa dernière campagne a fortement écorché son image.  

Durant cette campagne, André Trigano a eu droit à tous les honneurs de la presse nationale comme internationale. Il faut le reconnaître. Le maire de Pamiers a tout du "bon client". Outre la curiosité autour de sa candidature à un 5e mandat, à l’âge canonique de 94 ans, l’homme a eu plusieurs vies, souvent remarquables.

" Ces derniers temps, le défaut que l’on me trouve c’est mon âge" assène malicieusement le candidat.

Durant la seconde guerre mondiale, ce fils de pied-noirs d’Algérie, né en 1925, fuit la région parisienne avec sa famille après avoir appris la publication d’un mandat d’arrêt de la Gestapo à leur encontre. Ils trouvent refuge, dans le sud, en zone libre, à Ax-les-Thermes (Ariège) puis dans le village ariégeois de Mazères. C’est là qu’André Trigano et ses trois frères entrent dans la Résistance. 

Pendant la guerre ma famille a été accueillie et protégée durant l’occupation nazie. J’ai vécu grâce à l’Ariège. J’ai une dette envers l’Ariège, que j’ai remplie je crois correctement. C’est ça la vie. La reconnaissance, la passion, l’envie de travailler et aimer ce que l’on fait.

André Trigano

Trigano, le développeur

A l’issue du conflit mondial, cette envie de travailler, il l’a. Sa famille remonte à Paris. Le jeune André se lance alors avec succès, dans le monde des affaires, au sein des entreprises familiales (Trigano Vacances et club med) et dans plusieurs autres sociétés (Triginter, Société Innovation, Semm Caravalair,…). "Des hommes comme André Trigano sont trop rares" confie Pascale Fontenel-Personne. La députée de la Sarthe (LREM) a travaillé durant 15 ans aux côtés de l’homme d’affaires au développement du chèque-vacances 

il est engagé, impliqué, bienveillant, toujours dans l’action. Il m’a appris à être humble et à toujours en croire dans ce que je proposais. C’est un développeur.

Pascale Fontenel-Personne, députée de la Sarthe

C’est peut-être pour cette raison que l’entrepreneur décide se lancer en politique. Une carrière longue de 50 ans, accumulant succès électoraux et mandats. En 1972, à l’âge de 47 ans, il est élu dès le 1er tour avec 82% des voix, maire de Mazères.

Durant 24 ans, il va rester à la tête de cette commune de l’Ariège collectionnant, dans le même temps, les postes de conseiller général (11 ans de mandat), de conseiller régional (18 ans de mandat) et de député (1993 – 1997). Malgré ce "tableau de chasse ", en 1995, André Trigano se lance un nouveau challenge. Il choisi de se présenter à la mairie de Pamiers. Il y sera élu 4 fois de suite.

"J'ai gagné 19 élections, nous expliquait-il fièrement avant le premier tour des élections municipales. La seule que j’ai perdu, c’était la députation de 1997 lors de la dissolution de l’Assemblée Nationale. Quoi qu’il en soit, tant que j’ai envie, tant que j’ai la passion, tant que j’ai la tête, qu’est-ce que vous voulez que je devienne, entre nous ? "

Trigano, l'homme d'action

Cette longévité politique rend admirative la députée Fontenel-Personne "Lorsque je vois son investissement et sa croyance en son utilité de rester en politique, moi je dis « Chapeau ! ». C’est une personne qui mourra « sur scène », dans l’action. Il est dans la transmission."

Le point de vue est loin d’être partagé par tous. Cette candidature d’André Trigano a provoqué une rupture définitive avec plusieurs de ses proches, révélant certains traits de caractère du personnage, jusque là gommés.

C’est quelqu’un d’attachant avec des idées intéressantes. Il a véritablement boosté la ville, notamment au cours des deux premières élections. Je le dis avec beaucoup de bienveillance, mais c’est aussi un homme qui a vieilli et qui a les réactions de son âge. Il n’a plus ma confiance.

Françoise Pancaldi, ancienne adjointe municipale de Pamiers

Décrit par plusieurs personnes comme quelqu’un devenu "très autocrate", "très personnel", "aigri", André Trigano est apparu ainsi très méprisant et très agressif au cours du débat organisé par France 3 Occitanie pour le deuxième tour de cette élection municipale. L’image tranche avec celle du petit homme, par la taille, courtois, affable, plein d’humour et de roublardise offerte souvent un grand sourire à ses visiteurs.

Trigano, la rupture

Pour Xavier Fauré, ancien adjoint qui a décidé de se présenter face à lui pour cette élection municipale, "c’est un séducteur capable de passer du blanc au noir, d’utiliser tous les moyens possibles pour obtenir ce qu’il souhaite. Au contraire de ce que l’on peut croire, il gère tout, tout seul. Il n’a pas l’esprit d’équipe.  D'ailleurs il n'a pas désigné de successeur. Il tient tout le monde et ses troupes de façon impressionnante. C’est un homme de pouvoir. C’est probablement la marque des grands chefs d’entreprise."

"C’est facile de dire cela, réagit Pascale Fontenel-Personne. Ce n’est pas la vision que j’en ai. C’est un homme qui donne énormément de son temps et de son action. Je ne le vois pas comme un maire mais comme une équipe avec Trigano à sa tête. C’est d’ailleurs ce qu’il a toujours fait lorsqu’il ouvrait un village vacances. Pour moi qui suis du Mans, André Trigano conjugue ce qu’il faut pour un politique comme pour la course des 24 heures du Mans : de la vitesse et de l’endurance."

Mais il faut aussi éviter la sortie de route pour ce collectionneur de belles voitures. Le principal intéressé ne s’en cache pas. Il a mal vécu cette remise en cause.

Il y en a quelques-uns qui ont eu envie de prendre ma place. Au lieu de rester et d’attendre que les élections se passent, ils m’ont dit « vous êtes trop vieux faites la place aux jeunes ». Il est sûr que cela ne m’a pas plu. Je veux décider de mon sort car tant que je peux servir, aujourd’hui, j’ai envie de faire ce que j’aime.

André Trigano

Pour Xavier Fauré hors de question. "Pamiers n’est pas un médicament." Françoise Pancaldi, elle y voit "un instinct de survie mais il y a un problème, soulève-t-elle, Pamiers ce n’est pas André Trigano." Depuis ce dimanche 28 juin, la ville de Pamiers ne l'est plus en effet.

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