Après une parenthèse due au coronavirus, les travaux reprennent autour de l'ancienne mine de Salsigne, pour contenir et limiter la pollution à l'arsenic. Mais la défiance des assocations reste de mise.
C'est un ballet inhabituel d'engins de chantier qui a donné l'alerte. Les 05 et 06 juin derniers, des bulldozers et des camions s'activent autour de la Combe du Sault. Un site sensible, à proximité du village de Lastours, dans l'Aude, puisqu 'il a servi de stockage pour des déchets toxiques. Car les contreforts de la Montagne Noire ont été exploités pendant plus d'un siècle pour en extraire l'or et l'arsenic, laissant des terres et des résidus de minérais saturés de métaux lourds polluants.
Les quantités relâchées dans la nature restent énormes.
4 500 tonnes d'arseniate de chaux sont encore aujourd'hui stockés à la Combe du Sault. Ce composant chimique est un précipité produit par la station d'épuration, mise en service dans les années 1970 et modifiée par des travaux à la fin du siècle dernier. Pour limiter les rejets d'arsenic dans la nature, l'équipement filtre une partie des eaux et des éléments chimiques en provenance de sites de stockage de déchets miniers. "Ca marche très bien, mais les quantités relâchées dans la nature restent énormes", précise Guy Augé, de l'Association des riverains de Salsigne. "Et ca ne filtre que l'arsenic sur les 10 à 15 éléments chimiques lourdement polluants."
La station d'épuration de la Combe-du-Sault devait être un équipement provisoire. Mais devant les nombreuses fuites des différents stockages construits ces dernières années pour contenir la pollution, la durée de vie de la station a du être prolongée. Et les équipements ont vite été saturés : "Ils avaient contruit une alvéole étanche pour stocker les arseniates de chaux, très polluants. Mais l'alvéole a vite été remplie. Donc ils les ont stockés à l'air libre", continue Guy Augé. Et effectivement, sur le site, depuis 2006, les "bigs bags", ces contenants utilisés sur les chantiers, s'accumulent.
C'est ce stock de 4500 tonnes qui a fait l'objet de travaux début juin. Des bulldozers ont recouvert les sacs d'arseniate de chaux par une couche de terre. Depuis 2019, une commission de suivi de site a été mise en place pour permettre à tous les acteurs du dossier (Etat, élus, collectivité et associations) d'échanger régulièrement. Dans un courrier adressé aux membres du bureau de cette commission, Sophie Elyzéon, la préfète de l'Aude, veut rassurer : elle confirme "que la récente opération de couverture temporaire par une couche de terre des bigs-bags présents dans une alvéole sur le site de la Combe du Sault est destinée à limiter les éventuels envols de poussières dans l'attente de leur évacutaion complète programmée en 2020".
Des prélèvements inquiétants
Une nouvelle a priori rassurante. Mais qui inquiète autour des anciennes mines de Salsigne. Pour comprendre cette défiance, il faut remonter au 15 octobre 2018, jour des inondations dans l'Aude. Les précipitations exceptionnelles de cette nuit-là, avaient lessivé les sols de la Montagne Noire. Les associations de riverains, qui luttent depuis des nombreuses années contre la pollution, avaient alors exprimé leurs craintes que les éléments toxiques des sites miniers n'aient été emportés plus bas dans la vallée. Des craintes confirmées quelques mois plus tard, quand le maire de Lastours avait fait réaliser des analyses de la terre de la cour d'école de son village, qui avait été inondée en octobre 2018. Les taux en arsenic étaient alors bien supérieurs aux normes. Des prélèvements d'urine réalisés sur les enfants des écoles de Lastours et de Conques-sur-Orbiel, plus bas dans la vallée, d'abord à l'initiative des parents, puis finalement de l'Etat, avaient montré des concentrations en arsenic anormalement élevées pour 58 des 191 enfants testés.
Devant l'émoi provoqué par la situation, Emmanuelle Wargon, la secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la transition écologique, en visite officielle sur le département, avait annoncé en octobre 2019 un plan prévoyant 50 actions pour le suivi environnemental et sanitaire de l'ancien site minier. Le plan présenté par la Préfète en novembre, accédait notamment à l'une des revendications des associations : une campagne destinée à mesurer la quantité de poussières d'arsenic contenue dans l'air ambiant, pour aider à déterminer si celles-ci peuvent être une des sources de contamination. Un bureau d'études spécialisé devrait lancer les analyses dans l'année.
Les populations de la vallée de l'Orbiel ont été très largement exposées aux envols d'arseniate de chaux
Max Brail, le maire de Lastours craint que les travaux récents de couverture des arseniates de chaux ne soient destiné "à préparer la campagne de relevé de poussières, en limitant au maximum les possibilités pour le vent d'emporter les poussières dans l'atmosphère." Des travaux qui risqueraient donc de fausser les résultats des mesures. Dans un communiqué, l'Association des Grattes-papiers, qui lutte depuis de nombreuses années contre la pollution de la mine et qui siège à la commission de suivi de site, s'étonne : "Par sa jolie lettre, la préfète de l'Aude démontre que, depuis les premiers dépots de big-bag dans cette alvéole en 2006, les populations de la vallée de l'Orbiel ont été très largement exposées aux envols d'arseniate de chaux, d'autant plus que le secteur est venté plus de 300 jours par an, dont 100 jours sous des vents forts."
Après une parenthèse due à l'épidémie de coronavirus, le plan d'action de la Préfecture devrait reprendre son déploiement. La Préfète de l'Aude a convoqué le bureau de la commisision de suivi de site pour la fin du mois de juin.