Alors que les restaurants pourraient rouvrir leurs portes début juin, une soixantaine de chefs dont l'étoilé audois Gilles Goujon craignent une décision précipitée. Il tire la sonnette d'alarme dans une lettre ouverte.
La décision devrait tomber ce lundi 25 mai. Les restaurants pourront-ils rouvrir leurs portes le 2 juin prochain ? Pour l’heure, cette interrogation reste en suspens : des négociations sont en cours entre le pouvoir exécutif et des représentants de ces professionnels pour envisager la réouverture des restaurants situés dans les départements classés en zone verte par rapport aux cas de Covid-19.
Mais quid des conditions sanitaires qui seront imposées à ces professionnels ? Comment reprendre l'activité tout en respectant les gestes barrières ?
Pour le chef triplement étoilé au Guide Michelin Gilles Goujon, chef de l'établissement "L'auberge du vieux puits" situé à Fontjoncouse dans l'Aude, il est encore "tôt" pour envisager une réouverture :
On est aujourd'hui dans une situation très compliqué, beaucoup de restaurateurs sont dans le rouge, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut se précipiter pour rouvrir les restaurants. Il y a aujourd'hui un important revirement parce qu'il faut relancer l'économie, mais il faut être prudent.
Depuis deux mois, ses cuisines sont à l'arrêt et ses 48 salariés au chômage partiel. Pour autant, le chef ne veut pas se précipiter, il craint que les restaurants se transforment en foyer de transmission.
Lettre ouverte
Depuis le 21 avril dernier, le chef s'attelle à la rédaction d'une lettre ouverte pour mettre en exergue la situation des restaurateurs. Une lettre dans laquelle il propose notamment des solutions pour accompagner les restaurateurs vers le déconfinement.
Monsieur Le Président de la République, Monsieur Emmanuel Macron: Sauvons les métiers de la restauration ! - Signez la pétition ! https://t.co/YBeNcgs9EC via @ChangeFrance
— Michel Sarran (@MichelSarran1) May 12, 2020
On est tous dans le même bateau, cafés, bars, brasseries, restaurants étoilés… Il est urgent de réagir parce que depuis deux mois, pas un sou ne rentre dans nos entreprises.
Dans la lettre qu’il a rédigée, après concertation avec différents professionnels et députés, l’étoilé audois demande :
- Une généralisation du Prêt Garanti par l’Etat (PGE), afin de soutenir toutes les entreprises qui souffrent.
- Un soutien des assurances afin d'assurer le remboursement de la perte d'exploitation pour tous à hauteur de 15 à 25%.
- Une prolongation de l’aide au chômage partiel jusqu’à la fin de l’année pour compenser la baisse de l'activité.
- Une baisse de la TVA afin de proposer un levier aux restaurateurs.
Ouvrir ? "Oui, mais dans de bonnes conditions"
Différentes mesures qui devraient selon lui permettre aux restaurateurs "d'ouvrir dans de bonnes conditions" :
Le président a parlé de guerre, j’essaye d’être dans un consensus pour ne pas être en guerre contre les assurances et l’Etat. Si les assurances viennent sur la table des négociations, je pense qu’on peut arriver à trouver des solutions. Il est préférable de trouver un compromis que de faire face à des milliers de procès.
En effet, la semaine dernière un restaurateur a remporté une première victoire face à son assureur, Axa, qui refusait d'indemniser ses pertes liées à la crise sanitaire. Le chef commente la victoire de son confrère parisien : "je le félicite. Bravo, il n'a rien lâché. Mais c'est une situation différente car il avait un contrat de courtier, ce n'est pas mon cas. Je ne pense pas que cela pourra faire un précédent juridique, mais en tout cas, ça pourra fortement aider pour les futures procédures".
Avenir incertain
Aujourd'hui, le chef ne sait pas encore s'il rouvrira les portes de son établissement en juin, si le gouvernement le lui permet :
On peut potentiellement mettre en danger la vie des gens, c’est une responsabilité que j'aimerais ne pas prendre. La cuisine, c’est ma passion depuis que j’ai 17 ans, mais aujourd’hui je ne me vois pas prendre le risque de rendre malade des gens. Tant qu’on n’a pas la maîtrise du coronavirus, il faut faire attention.
Selon ce chef, difficile de mettre en oeuvre des mesures sanitaires strictes en si peu de temps dans les restaurants. "Il faut des formations pour qu'il y ait un vrai respect de ces règles, on ne peut pas tout mettre en place du jour au lendemain", regrette-t-il. Il espère ainsi que les restaurateurs qui le souhaitent pourront exercer leur droit de retrait et rester ainsi fermés.
Si le chef fécilite malgré tout le gouvernement pour les aides et mesures qui ont été mises en place jusqu'à présent, il espère que cela pourra perdurer le temps du retour à la normale.
La vente à emporter, bonne alternative ?
Face à des situations financières catastrophiques, certains restaurants ont fait le choix de développer la vente à emporter, afin de maintenir malgré tout, une activité. Une solution de secours inenvisageable pour le chef Gilles Goujon, qui possède un établisement trop excentré des grandes villes.
Les initiatives sont louables, cela permet entre autres de ne pas couper le fil avec les clients. Mais pour tous ceux qui sont à la campagne, c'est même pas la peine d’y penser. Je ne pense pas que les gens vont faire des centaines de kilomètres pour manger ma cuisine,
précise-t-il avec humour.
Une interview du chef Gilles Goujon est à retrouver en direct ce dimanche 24 mai à 19h dans notre Journal France 3 Occitanie.