"J'ai toujours dit que j'ai vendu du cheval": jugé à Paris dans l'affaire de la viande chevaline vendue comme du boeuf, l'intermédiaire néerlandais Johannes Fasen a rejeté mardi l'entière faute sur l'entreprise française Spanghero, tout en ayant du mal à expliquer certains éléments gênants.
Ce Néerlandais de 68 ans, petit homme à la chevelure blanche et fournie, est l'un des deux principaux prévenus au procès de ce scandale alimentaire qui avait éclaté en Europe début 2013.
Lui et Jacques Poujol, alors directeur général de l'entreprise de transformation de viande Spanghero implantée en Occitanie, sont soupçonnés de s'être entendus pour tromper Tavola, une entreprise luxembourgeoise qui fabrique des plats cuisinés, en lui vendant 500 tonnes de viande de cheval comme étant du boeuf, plus cher.
500 tonnes de viande de cheval comme étant du boeuf, plus cher
Mais l'ambiance est à couteaux tirés sur les bancs de la défense, car les deux anciens partenaires en affaires se renvoient la faute. "Jacques Poujol savait-il que vous faisiez livrer de la viande de cheval chez Spanghero ?", l'interroge la présidente du tribunal correctionnel.
- "Oui. Je lui ai vendu du cheval", répond le Néerlandais, qui s'exprime dans un français parfois hésitant.
- "Que vous commandait-il ?"
- "Du cheval. Et du boeuf après. Quand il a commandé du cheval, il a eu du cheval".
Quand il a commandé du cheval, il a eu du cheval
Jacques Poujol assure avoir toujours commandé du boeuf et avoir été trompé par M. Fasen, malgré des années d'expérience dans la viande. Difficile de vérifier qui dit vrai: les commandes étaient orales. "On achète et on vend par téléphone", "c'est une question de confiance", dit Johannes Fasen.
Spanghero passait par le négociant néerlandais pour fournir de la viande à l'usine de plats préparés Tavola. La marchandise, du cheval roumain ou belge, s'est retrouvée dans des millions de plats cuisinés supposément "pur boeuf" de marques comme Findus ou Picard.
On achète et on vend par téléphone, c'est une question de confiance
Entre les abattoirs et Tavola, la viande congelée passait par des entrepôts aux Pays-Bas, où ses étiquettes perdaient toute référence à l'espèce "cheval", sauf un code douanier. Elle transitait ensuite par Spanghero, où son origine était remplacée par la mention "UE" et d'où elle était réexpédiée vers le Luxembourg étiquetée comme du boeuf.
D'autres affaires de cheval
Surnommé "Le roi des chevaux" par une ancienne directrice des achats de Jacques Poujol, Johannes Fasen semble toutefois perdre un peu la mémoire lorsqu'il est confronté à des éléments qui le contredisent.
S'il vendait du cheval en toute transparence à Spanghero, pourquoi ne pas avoir contredit des salariés de l'entreprise qui lui faisaient part de difficultés avec le boeuf ? Pourquoi avoir adressé à Spanghero des certificats de qualité portant sur du boeuf quand le scandale a éclaté ? Pourquoi avoir invoqué une "contamination croisée" chez un fournisseur pour justifier la présence de cheval ?
Pourquoi avoir adressé à Spanghero des certificats de qualité portant sur du boeuf quand le scandale a éclaté ?
A tout cela, ce spécialiste de la viande n'apporte pas de réponse claire. Il insiste: "J'ai toujours dit que j'ai vendu du cheval". Plusieurs fois, il dit ne pas comprendre la question. La présidente du tribunal s'interroge: "On peut se demander si ce n'est pas la question qui vous gêne".
Johannes Fasen a d'autres problèmes judiciaires, sur lesquels les avocats de Jacques Poujol ne se privent pas d'insister. En 2012, il a été condamné aux Pays-Bas pour avoir vendu du cheval comme du boeuf halal. A l'époque de cette condamnation, il vendait du cheval à Spanghero.
"Vous seriez fou, vous recommenceriez la même opération après la saisie de tous vos biens en Hollande ?", ironise son conseil, Jérôme Triomphe. Aux Pays-Bas toujours, il est sous la menace d'un procès pour avoir vendu du cheval pour du boeuf à deux sociétés françaises, Gel Alpes et Metraco - une procédure dans laquelle il clame son innocence.
Il est par ailleurs soumis à un strict contrôle judiciaire en Espagne dans une vaste enquête concernant là encore de la viande de cheval, "des chevaux abattus qui n'avaient pas les documents exacts". Le procès est prévu jusqu'au 13 février, voire jusqu'au 20.