ENTRETIEN. Fin de vie : "on veut arrêter la souffrance, pas la vie", se défend Sarah Halioui, médecin investie dans le débat de la convention citoyenne

Sarah Halioui travaille à l'hôpital du Grand Narbonne, dans l'Aude. Elle a fait partie des 16 praticiens invités par Emmanuel Macron à partager un dîner à l'Elysée, le 9 mars dernier. Au menu des discussions, le débat sur la fin de vie.

Une loi sur la fin de vie devrait voir le jour "d'ici la fin de l'été" a annoncé Emmanuel Macron, ce lundi 3 avril. Un sujet qui suscite des clivages entre les pro et anti-euthanasie. Un panel de 185 personnes ont pu débattre du sujet pendant le mois de mars au sein de la convention citoyenne sur la fin de vie. 

Parmi les membres de ce débat, le Dr Sarah Halioui. La médecin exerce à l'hôpital privé du Grand Narbonne, dans le service de soins palliatifs. Elle a rencontré Olivier Véran, lors d'une visite hospitalière en décembre dernier. Le porte-parole du gouvernement l'a invitée à prendre part au débat lors d'un dîner à l'Elysée, le 9 mars dernier.

Le modèle de fin de vie aujourd'hui est-il adapté ?

Je pense que le modèle théorique et législatif est adapté depuis 1999. La loi Claeys-Leonetti dit que tous les Français doivent avoir accès aux soins palliatifs. Or, deux choses posent problème. La mise en place de ce modèle est insuffisante : deux tiers des patients sur le territoire n'ont pas accès aux soins palliatifs, 21 départements n'ont pas de service de la discipline. Donc en ce sens, la loi de 1999 n'est pas respectée. 

Au-delà de la disparité démographique, il y a aussi une disparité de pratique et de formation qui pose problème. Il faut que les facultés se saisissent aussi du sujet. En médecine, on n'a que six heures de cours sur le traitement de la douleur.

Selon vous, l'euthanasie est-elle à légiférer aujourd'hui ?

Ce n'est pas à la loi d'évoluer, il faudrait plutôt créer des staffs, des réunions pluridisciplinaires pour évoquer des cas de fin de vie. En Suisse par exemple, il y a eu 42 patients euthanasiés l'an dernier. Un nombre qui serait gérable par des rencontres entre des praticiens pour évaluer les cas précis et prendre une décision.

Aujourd'hui, il y a trop d'acharnement thérapeutique en France mais quand on ne peut plus guérir, on peut encore soigner. Moi, des angoisses de mort, j'en entend tous les jours dans mon service. Mais à partir du moment où on soulage les souffrances liées à la douleur, la demande des patients n'est pas renouvelée.

En temps que soignant, dans mon service, on veut arrêter la souffrance, pas la vie. On ne pratiquera pas d'euthanasie. Mettre le suicide dans le panel thérapeutique est antinomique.

Que retenez-vous des échanges avec le gouvernement ? 

Pendant le dîner, le Président avait dit qu’il ne ferait pas d’annonce, qu'il fallait que la réflexion mûrisse. C’est un débat complexe : on ne peut pas être pour ou contre. Abréger les souffrances, ce n’est pas  provoquer la mort pour moi.

Autour de la table, les ministres n’étaient pas d’accord. On a beaucoup échangé. C’est bien qu’il y ait eu cette convention mais dès le début du débat, les questions étaient biaisées à cause de la façon dont les avis étaient exprimés, très théoriquement et avec des algorithmes. Or on ne fait pas du théorique, en tant que soignant, on fait du sur-mesure, tout dépend du patient et sa pathologie.

Emmanuel Macron semble avoir entendu en partie les soignants. Lors de son discours ce 3 mars 2023, le président a annoncé un "plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et pour les soins palliatifs."

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