Dietmar, Sophie, Zorah, Sabine et Michèle souffrent de troubles psychiques. Après des années de repli sur la maladie, comment reprendre goût à la vie ? Au contact des trois animateurs et des 130 usagers du GEM, le Groupe d'Entraide Mutuelle de Narbonne, les sourires reviennent ainsi que les projets, avec l’espoir d’une vie meilleure.
"Toutes nos différences", un film de Caroline Agullo à voir le jeudi 7 décembre 2023 à 22h50. Une coproduction France Télévisions et Cerigo Films
Le documentaire commence sur une chanson de Charles Aznavour "Emmenez-moi". Le long de la route, les paysages défilent. Dans la voiture qui les mène à la montagne, tous chantent. "Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil", des paroles qui font écho. Ici le soleil, c’est le GEM Narbonne, Groupe d’Entraide Mutuelle, avec ses animateurs tous aussi dynamiques les uns que les autres. Une association qui accueille des personnes souffrant de troubles psychiques pour leur rendre la vie plus belle "Tous les jours, on ouvre et on voit des personnes déprimées qui repartent avec le sourire" explique Hélène Thieffry, animatrice et coordinatrice au sein de la structure.
Les situations d'isolement des personnes en proie à des difficultés psychiatriques peuvent parfois être désastreuses "On a vu quelqu’un qui habitait dans le milieu rural et qui n’avait parlé à personne depuis quatre ans (…) c’est dingue de se dire qu’on peut en arriver là" explique-t-elle.
Parmi les usagers, Dietmar, Sophie, Zorah, Sabine et Michèle, se livrent devant la caméra de la réalisatrice Caroline Agullo. Après des années de repli sur la maladie, leur rencontre avec le GEM a transformé leurs existences.
Qu'est-ce que le GEM ? (Groupe d’Entraide Mutuelle)
Le GEM, Groupe d'Entraide Mutuelle "c’est un lieu où l’on vit et où l’on réapprend les codes sociaux" explique une des animatrices. Créées par la loi du 11 février 2005, ces structures, spécialisées en accueil de jour, sont destinées aux personnes souffrant de troubles psychiatriques. Il en existe 600 en France.
Si les usagers sont pleinement actifs du projet associatif, le but est de contribuer à leur réinsertion sociale, favorisant des temps d’échanges, d’activités et de rencontres susceptibles de créer du lien et de l’entraide entre tous. Ces structures reçoivent des subventions de l’état, mais comme mentionné dans le film, les animateurs sont constamment à la recherche de subventions ou de dons pour subvenir aux besoins de l’association.
Le militantisme est également très présent "On passe énormément de temps à réaliser des projets pour lutter contre les discriminations, pour que les personnes qui ont un handicap psychique ne soient plus stigmatisées" explique Hélène Thieffry, l'une des animatrices.
Changer le regard sur le handicap
Entourés de quelques usagers, Hélène et Aymeric, deux animateurs de l’association, décident de mener une opération auprès de lycéens de la ville pour échanger sur la maladie psychique "J’avais été diagnostiquée bipolaire. J’avais des délires et grâce aux traitements, je ne délire plus du tout et j’ai une vie normale" raconte Michèle, adhérente au GEM, devant une assemblée de jeunes.
De son côté, Zohra évoque la perte de son fils et explique comment l’association l’aide au quotidien grâce au collectif "on se fait des super potes et on se soutient entre nous".
"Le mot psychopathe, celui des séries, il faut l’oublier car ce n’est pas du tout ça" explique à son tour Aymeric : "Psychopathe signifie qu’on ne sait pas gérer ses émotions (...) Il y a 0.02% des schizophrènes qui un jour vont faire un acte violent (…) mais sans forcément faire mal aux gens."
Si ce qu’on fait là, peut changer 0,5 % des mentalités, on aura tout gagné.
Aymeric, animateur au GEM
Se dire que la maladie fait partie de soi et l'accepter, c'est aussi le travail du GEM. Évoquant les usagers, Hélène Thieffry explique "Ils osent en parler aujourd'hui, ça a changé dans ce sens-là".
La vie et l'espoir au cœur du GEM Narbonne
Dans les locaux du GEM de Narbonne, la vie reprend ses droits. Tandis que l’une se fait couper les cheveux, deux autres entament une partie de ping-pong. Entre discussions et rigolades, repas partagés, danse, ateliers peinture, écriture, arts créatifs, chant ou balades, la vie devient plus douce.
Dietmar, Sophie, Zorah, Sabine ou encore Michèle racontent comment ils ont basculé dans la souffrance et l’isolement. Aujourd’hui, plongés dans un univers bienveillant et plein d’entrain, les sourires reviennent, ainsi que les projets, avec l’espoir d’une vie meilleure.
Sophie, elle, baigne au milieu des arts : peinture, musique et chant "Les psychotiques ont une perception différence de la réalité" explique-t-elle "Quand j’étais petite, j’étais déjà comme ça dans ma tête (…)". Le passé et ses souffrances, l’enfermement dans la maladie, elle ne veut plus en entendre parler. Aujourd’hui, elle se sent plus libre. Ce qu’elle veut, c’est vivre au présent et aller de l’avant "Je veux être heureuse. Je n’ai plus de temps à perdre" confie-t-elle.
Sabine évoque le suicide de son père, directeur d’entreprise, au moment de la crise des années 68. Plus tard, à l’âge adulte, lorsque sa petite fille d’un an et demi décède et devant le manque de soutien, elle perd pied et s'enfonce dans la dépression "à moment donné tout a explosé" confie-t'elle.
J’ai commencé le sport à 69 ans. Moi, mon projet, c’est d’aller bien. Je me laisse un peu porter par la vie.
Sabine, usagère du GEM
De son côté, Dietmar raconte son burn-out, le trou noir "J'avais des crises d'angoisse, je me sentais très très mal (...) Je restais en pyjama toute la journée, je ne voulais voir personne". Revenant sur ses traumatismes d’enfance, il explique "Ici on se sent soutenus, ce que je n’ai pas trouvé avec mes propres parents, je le retrouve dans le GEM". Aujourd’hui, il s'estime heureux et affirme pouvoir commencer à profiter de la vie.
"Toutes nos différences" un documentaire plein d’espoir qui montre que malgré les fragilités psychiques, la vie peut toujours changer et devenir, un jour, plus belle.