La présidente de la région Occitanie Carole Delga a demandé l'exclusion du nutri-score pour les produits AOP dans une série de tweets dimanche 11 juin. Selon elle, cet outil de notation ne prend pas en compte tous les apports nutritionnels. Une sortie qui a crispé les associations de consommateurs, mais qui ne choque pas une nutritionniste qui pointe les limites du nutri-score.
Une nouvelle sortie de Carole Delga suscite l'interrogation : après ses propos polémiques sur l'immigration lors d'une interview à Franceinfo, la présidente de la région Occitanie s'est fendue d'une série de tweets dimanche 11 juin à la mi-journée. Sa cible : le nutri-score pour les produits AOP/IGP, notamment pour le roquefort.
Plusieurs condamnations sur Twitter
Selon l'élue, l'outil de classification des produits alimentaires "ne tient pas compte des qualités nutritionnelles" pour le roquefort, un fromage "riche en protéines, en calcium, en micro nutriments" selon elle "pas comparable à un produit ultra-transformé".
Elle poursuit en réclamant "d’exclure les AOP/IGP du nutri-score et de n’appliquer ce dernier qu’aux produits transformés", en prenant l'argument qu'un producteur traditionnel ne peut transformer une recette au contraire des industriels. Cette déclaration a suscité l'indignation, comme celle d'une association nationale de défense des consommateurs et usagers, la CLCV.
Toujours sur Twitter, cette association fustige Carole Delga, "qui choisit les intérêts catégoriels locaux (parfois assez industriels = roquefort...) contre la santé publique, contre la communauté scientifique, contre les assos de conso". Certains élus ont aussi dénoncé les propos de la présidente de région.
L'association ONG Santé Diabète a également critiqué la communication de Carole Delga dans un tweet, lui reprochant de "reprendre mot pour mot des notes de briefing de Lactalis".
"Une position clientéliste"
Contactée, l'association CLCV persiste et signe via son délégué général, François Carlier. "Cela fait 15 ans qu'on est sur le nutri-score, la communauté scientifique a mis huit ans pour se mettre d'accord. Il a été testé avec de nombreuses études" avance-t-il pour justifier la pertinence de cette notation. "C'est un système d'infos sur les produits qui n'interdit rien."
Le débat du nutri-score n'est pas nouveau. Il divise les professionnels, industriels et médecins. Dans une tribune dans Le Monde datant de novembre 2021, un collectif de professionnels de santé critiquait les anti nutri-score.
"Derrière l’image de petits producteurs et d’éleveurs locaux mise en avant dans la communication anti-nutri-score se cachent de grands groupes agroalimentaires qui protègent avant tout leurs propres intérêts financiers" affirmait notamment ce groupe de médecins. Selon eux, ces aliments ont "une composition nutritionnelle qui n’est pas favorable", mais "peuvent être consommés dans le cadre d’une alimentation équilibrée".
C'est exactement ce que reproche François Carlier à Carole Delga, "opposée au nutri-score depuis longtemps" selon lui. "En réalité, sa position est clientéliste, avec des intérêts catégoriels qui s'opposent au nutri-score alors que c'est quelque chose de simple, de santé publique." François Carlier illustre son propos en allant plus loin : "si vous faites une carte des élus qui sont contre le nutri-score, ce sont ceux qui se trouvent là où sont produits les produits AOP".
Pour une nutritionniste, "tout est une question de fréquence et de quantité"
70 % des produits AOP sont gérés par Lactalis. Sans oublier que le président de la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort, Hugues Meaudre, est directeur général de Lactalis AOP & Terroirs. De quoi semer le doute.
Mais pour Florence Foucaut, une diététicienne nutritionniste basée à Paris (Île-de-France), les arguments avancés par Carole Delga sont recevables. "Le nutri-score prend en compte les apports en sels, liquides et en calories, mais ne prend pas en compte des nutriments importants alors que les produits laitiers sont la première source de calcium dans l'alimentation" avance-t-elle.
Le nutri-score est adapté à certains produits plus que d'autres, selon elle. "Il est intéressant pour les produits ultra-transformés, mais pas les produits classiques. Il n'intègre pas la notion de portion".
Pour le roquefort comme l'huile d'olive par exemple, "tout est une question de fréquence et de quantité de consommation" selon la spécialiste. Elle renvoie à la responsabilité du consommateur. "Ces produits sont salés, caloriques, gras. Le consommateur n'est pas complètement inculte : s’il mange du roquefort, il sait que c’est gras et salé. Il en est conscient avant même qu’il y ait un nutri-score."
Un argumentaire peu entendable pour François Carlier de la CLCV. "Le roquefort reste un produit assez industriel, avec un apport calorique. On peut tourner autour du pot longtemps, mais c'est un rappel qui n'est pas forcément évident pour tous."
Le mode de calcul de nutri-score va être modifié d'ici à la fin de l'année 2023. Une perspective qui crispait déjà les spécialistes de la filière du roquefort il y a quelques semaines, car les futurs changements ne devraient toujours pas exclure les produits AOP de la classification selon les modalités mentionnés par Santé Publique France.