Coronavirus : le village de Banhars en Aveyron ou la preuve qu'à la campagne aussi la solidarité s’organise

Comment créer du lien, aider ses voisins, agir près de chez soi sans prendre de risque pendant le confinement ? Faut-il absolument passer par les réseaux sociaux ? A Banhars, petit village de l’Aveyron, des petits gestes s’inventent au quotidien sans passer par Facebook ou Instagram. 

 

C’est devenu un rituel pour Monique Boiché et sa voisine. Chaque jour à 16h00, l’une sort de chez elle et l’autre se présente. A plusieurs mètres de distance, bien sûr. C’est parti pour quinze minutes de discussion, séparées par la route.
"On discute de tout, de rien mais finalement ce petit quart d’heure est devenu important." Depuis un an et demi, Monique est maire de la commune de Campouriez, 365 habitants. Le 15 mars dernier, l’élue de 81 ans espérait rendre son tablier et ne s’était pas représentée. Son successeur, Christophe Delmas, élu dès le premier tour, n’a pas encore pu prendre officiellement ses fonctions à cause de l’épidémie de coronavirus, mais avec sa nouvelle équipe, il lui a proposé un plan d’actions. 

 

"On a une vingtaine de personnes isolées sur la commune, on les a appelées pour voir si elles avaient besoin de quelque chose" précise Monique Boiché.
"Moi-même j’habite une maison isolée et un monsieur qui habite plus loin m’a téléphoné, il m’a dit : je suis à votre disposition ! Quelle surprise, j’ai trouvé que c’était gentil.
 

Le confinement crée du lien

Petit village rattaché à la commune de Campouriez, au Nord de l’Aveyron, Banhars n’a plus d’école, ni de commerce. La majorité de ses habitants sont retraités et savent déjà composer avec l’isolement et ses contraintes. Mais depuis le début de la période de confinement, le village a aussi gagné des habitants, ceux qui ont choisi de réinvestir leurs résidences secondaires. "Tout le monde les voit, les volets s’ouvrent, les gens du cru ont peur que cela ramène le virus", précise la maire. Des inquiétudes que Monique Madamours, 74 ans, préfère ignorer. Elle explique :

Nous menons un combat ensemble, nous devons être solidaires et faire preuve de civisme.
 

Sa maison est centrale, face à la fontaine du village où un affichage interdira bientôt de boire pour éviter tout risque de contagion. Depuis quelques jours, elle a de nouveaux voisins, un jeune couple et leur petit garçon de 17 mois partis précipitamment de New York pour rentrer en France, avant que l’épidémie ne touche les Etats-Unis.
"Leur présence nous amène un souffle de jeunesse, ça me réconforte", témoigne Monique Madamours, "je retrouve le village un peu comme il y a 50 ans."
 

Les petits gestes se multiplient

Entre voisins, les petits gestes se multiplient, des attentions déposées aux portails ou sur les murets de pierres : un gâteau maison contre un peu de bois pour se chauffer, des jouets ou des livres, des attestations de déplacement éditées pour ceux qui ne disposent pas d’imprimante.

Sans jamais se croiser ou presque, le confinement tisse de nouveaux liens.

Priorité aux plus fragiles

Un peu plus haut dans le village, au Puech, André Grandjean, 74 ans, revient de faire ses courses pour la semaine. Sa femme est partie retrouver leurs enfants et petits-enfants en Normandie pour toute la durée du confinement. La vie s’est un peu arrêtée pour lui aussi. Enseignant à la retraite, il préside le club des aînés de la commune. Spectacles, visite d’Albi, assemblée générale, tout a été bien sûr annulé. Alors il a choisi lui de prendre son téléphone, tous les jours, pour appeler les plus fragiles, comme cette voisine atteinte de la sclérose en plaques. "Je pense que ce sera long, peut-être jusqu’en juin si on regarde ce qui s’est passé en Chine" dit-il.
 

Les aides à domicile manquent de masques

La situation est délicate pour les plus vulnérables. Pour leur venir en aide ici, les salariés et bénévoles de l’ADMR, l’aide à Domicile en Milieu Rural  sont en première ligne. L’Aveyron est justement l’un des départements français qui compte le plus de bénévoles, près de 700. S’y ajoutent en temps normal près de 1430 salariés, auxiliaires de vie, infirmiers et infirmières qui apportent les repas, s’occupent des soins médicaux et accompagnent le handicap. Faute de masques et d’équipements suffisants, un tiers de ses salariés manquent pourtant à l’appel cette semaine.

Les interventions ont dû être recentrées sur les personnes les plus dépendantes et isolées, sans famille à proximité. Habituellement dans le secteur, 250 personnes sont accompagnées, aujourd’hui une cinquantaine ont été jugés prioritaires

explique Gilbert Vigneron, responsable local de l’ADMR.


Beaucoup de personnes âgées sont donc privées de la visite quotidienne de leur auxiliaire de vie avec tout ce que cela implique même si le portage des repas à domicile, lui, est maintenu. De nouveaux bénévoles se sont portés volontaires mais hors de question pour Gilbert Vigneron de multiplier le nombre de personnes se rendant à domicile. La présidente nationale de l’ADMR, Marie-Josée Daguin, lance un cri d’alarme : "nous sommes une ressource, une force de frappe considérable pour aider et accompagner, face à cette crise, les personnes âgées (…) mais donnez-nous les moyens d’agir et d’assurer nos missions auprès des plus fragiles !"

Soutien moral et voisins solidaires

Sans attendre, à Banhars, des habitants ont donc décidé de se rendre de leur propre initiative chez des voisins isolés, en gardant une distance suffisante pour apporter leur soutien moral, un petit geste qui compte. "Cette période malheureuse aura renforcé les liens entre les gens" note le nouveau maire Christophe Delmas. Certains auront même fait connaissance, pour la première fois, à distance.

 
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