Réforme de la justice : entretien avec l'Aveyronnais Stéphane Mazars, rapporteur du projet de loi Dupond-Moretti

C'est l'une des dernières lois fondamentales du quinquennat Macron : redonner confiance aux citoyens en la justice. Le projet de loi est porté par le député LREM de l'Aveyron Stéphane Mazars. Il reçoit ce mercredi 3 novembre le ministre de la Justice pour un grand débat organisé à Rodez. Entretien.

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Procès filmés, enquêtes préliminaires limitées à deux ans, une cour criminelle dans chaque département en 2023, secret des avocats, voici quelques mesures phares que l'on retrouve dans la loi de confiance dans l'institution judiciaire sur le point d'entrer en vigueur. Qu'est-ce qui va changer pour le citoyen, pour le justiciable dans les mois et les années à venir ? Cette énième réforme de la justice est menée par un avocat et ministre, Eric Dupond-Moretti, et son rapporteur n'est autre que le député aveyronnais Stéphane Mazars lui aussi avocat. Il nous explique comment de manière pragmatique certaines évolutions ont pour but de rapprocher la justice du citoyen. 

En quoi cette énième réforme de la justice était nécessaire ?

Stéphane Mazars : il y a un manque de confiance flagrant envers la justice, le citoyen n’adhére plus. Il faut renouer ce lien de confiance. Les Etats Généraux de la Justice, avec un grand débat organisé aujourd'hui à Rodez avec le garde des sceaux Eric Dupond Moretti qui répond en direct, vont dans ce sens. Vous savez, je viens d'un département (l'Aveyron) qui a beaucoup souffert de la réforme de la carte judiciaire menée en 2007 par Rachida Dati. Dans mon département, ils ont supprimé le TGI et le tribunal de commerce de Millau, les tribunaux d’instance de Villefranche-de-Rouergue et de Saint Affrique. Ils ont créé des pôles d'instruction qui ont éloigné les gens de la justice. Avec ce quinquennat, on remet de la présence judiciaire dans les territoires. C’est un marqueur fort.

Selon vous, quelles sont les mesures phares prévues par le texte ?

S.M. Tout d'abord l'article 1 va permettre de filmer les audiences. Avant, c'était l'exception et maintenant ce sera la règle avec des garanties comme le droit à l'oubli ou encore la présomption d'innocence. Nous allons équiper les tribunaux pour pouvoir filmer les audiences, faire des reportages pour les présenter aux citoyens. Nous avons la volonté d’être pédagogue, de montrer comment la justice fonctionne. Encore aujourd'hui, beaucoup de personnes se présentent au tribunal et s'adressent au président en disant "Votre Honneur". On se croirait dans une série américaine! On a un problème de culture judiciaire. Nous allons montrer comment ça se passe dans une salle d'audience avec des explications derrière. Nous souhaitons diffuser ces reportages de préférence sur une chaîne publique. Ce sera soumis à un appel d’offre.

L'Aveyron comme les autres départements aura sa cour criminelle. Eric Dupond-Moretti était pourtant contre...?

S. M. Eric Dupond-Moretti qui n'était pas encore garde des Sceaux était contre effectivement comme tout avocat pénaliste. Des cours criminelles ont été installées à titre expérimental il y a 3 ans, dont une à Montpellier. Nous avons évalué ce travail avec un autre député Les Républicains et nous avons trouvé que ce fonctionnement était satisfaisant. Il nous a écoutés et il a changé d’avis.

Comment vont fonctionner ces cours criminelles?

S.M. Les cours criminelles départementales, composées uniquement de cinq magistrats, sans jurés populaires et compétentes pour les crimes punis de 15 ou 20 ans de réclusion, seront généralisées au 1er janvier 2023. Pour les peines encourues au-delà de 20 ans, ce sera la cour d'assises. Ça va permettre de juger les gens plus rapidement. Les délais aux Assises sont très longs. Le temps de jugement sera plus rapide car il n'y a pas de jury populaire, ce qui est souvent très lourd pour le président de la cour d'assises. Dans la loi, le président de la cour criminelle sera le président de la cour d’assises car ils ont une pratique. Autre avantage : continuer à traiter devant une juridiction criminelle des choses qui étaient jugées en correctionnel comme les affaires de viols. Beaucoup de victimes ne veulent pas se retrouver devant une cour d’assises plus impressionnante et avec des délais plus longs. Dans l'Aveyron, les affaires criminelles partaient en instruction à Montpellier. Là, ce sera jugé dans notre département. On remet de la proximité et les victimes seront mieux traitées.  

Il y a aussi des mesures concernant les remises de peine et le travail en prison ?

S.M. Jusqu'à présent, quand vous êtes condamnés à 12 mois de prison, il y a une remise de peine automatique qui fait que vous n'en faites que 8. D'autres réductions sont possibles par exemple si le comportement du détenu est exemplaire. Le projet Dupond-Moretti va fondre ces 2 éléments pour ne garder que le second aspect du comportement. Ainsi, on responsabilise le prisonnier et on envoie un message clair à la victime pour dire que quand une personne est condamnée à 12 mois, c'est 12 mois et pas 8. Sur l'autre volet que vous évoquez, ce projet veut donner un statut au prisonnier qui travaille. On lui reconnaît des droits sociaux acquis par le travail (retraite, chômage) alors qu'auparavant, on n'en tenait pas compte. Ce sont des mesures pragmatiques pour redonner du sens à la justice. 

Où en est le texte dont vous êtes le rapporteur aujourd'hui ?

S.M. Le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres le 14 avril 2021 par le garde des Sceaux. Il a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 25 mai 2021, puis par le Sénat le 29 septembre 2021. La commission mixte paritaire a adopté le texte. Il sera représenté devant l'Assemblée Nationale le 16 novembre puis au Sénat le 18 afin d'entrer en vigueur avant la fin du quinquennat. 

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