Des malades atteints de glioblastome, une tumeur cérébrale très sévère ont vu leur traitement reporté. Les services d’oncologie des CHU, notamment celui de Toulouse, ont adapté la prise en charge de leurs patients en raison du Covid 19. Colère et incompréhension des patients.
En août 2019, le corps médical diagnostique un glioblastome à Jean-Pierre (*). Cette très grave tumeur au cerveau nécessite un lourd traitement et ce lot-et-garonnais suit une chimiothérapie afin de stabiliser la maladie. Début avril 2020, un IRM confirme qu’il réagit bien aux soins. Il doit poursuivre le protocole thérapeutique très strict mis en place pour ralentir l’évolution de cette pathologie incurable.
Chimio repoussé pour cause de Covid 19
Jean-Pierre (*) a rendez-vous dans le service oncologie du CHU de Toulouse le 1er avril 2020. Mais il reçoit un appel. Sa chimio est repoussée. Il devra attendre 3 semaines avant de pouvoir reprendre son traitement.Interrompre la chimio signifie un risque accru de récidive dans cette maladie : le glioblastome évolue très rapidement. L’espérance de vie médiane d’un patient est de 15 mois. Sa compagne Lucille (*) est sous le choc :
"Sa tumeur était stabilisée mais elle peut repartir très vite. Mon compagnon est un battant qui répond bien aux soins".
"Les troubles cognitifs associés à sa maladie comme ses difficultés à parler et la gestion de ses émotions vont en plus s’aggraver" raconte Lucille (*) qui ne comprend toujours pas les raisons de ce report de date que le CHU justifie en raison du Covid 19.Je crains que cette interruption en plein milieu de cycle ne compromette ses chances.
Oncologie à la carte
Lucille et Jean-Pierre (*) sont membres de l’association « des étoiles dans la mer », présidée par la montpelliéraine Laëtitia Clabé et qui compte 50 adhérents sur toute la France. Très active sur les réseaux sociaux elle cherche alors à savoir si d’autres familles sont concernées.
Une dizaine de patients lui font remonter les difficultés qu’ils rencontrent aussi dans la prise en charge de leur pathologie. Les cas de figure sont très variés. Des familles ont vu leur chimiothérapie décalé. D’autres n’ont pas pu réaliser les IRM nécessaires au suivi de l’évolution de la maladie. Et des patients n’ont pu recevoir la totalité de leur traitement.
«Ce sont des situations d’urgence. Nous avons dû mal à imaginer que les hôpitaux ne prennent pas en charge ces pathologies. Malgré le contexte de crise sanitaire, les soins d’oncologie devaient rester programmés. C’est très surprenant !» explique Laëtitia Clabé qui tient à préciser que son association a mis en place un soutien psychologique pour les patients et les aidants, isolés en cette période de confinement.
Protocole perturbé
«Les médecins nous expliquent que le glioblastome est une tumeur cancéreuse très grave et qu’il faut absolument respecter la périodicité des traitements pour espérer freiner la maladie et avoir une qualité de vie améliorée. Dans cette maladie, il n’y a pas de retour en arrière possible si la pathologie s’aggrave» raconte Maryse Gonzalez, membre de l’association qui accompagne une malade installée en région Paca ; « Dans son cas précis, cette patiente a sauté une étape. Elle a commencé directement par la chimiothérapie dont le but normalement est de compléter le travail préalable de la radiothérapie qui doit d’abord brûler la tumeur » .Dans cette maladie, il n’y a pas de retour en arrière possible si la pathologie s’aggrave complète Maryse Gonzalez, membre de l’association
Le risque du Covid-19
Selon le chef du pôle neurosciences du CHU de Toulouse, François Chollet, la prise en charge des patients atteints de glioblastome se poursuit mais elle a dû être adaptée à la situation sanitaire exceptionnelle que nous vivons.« Nous suivons les recommandations de l’association des neuro-oncologues français (l’ANOCEF). Nous évaluons au cas par cas le bénéfice/risque. Nous réévaluons la fréquence des traitements pour ne pas faire courir le risque aux patients d’attraper le Covid 19 en venant au CHU » explique t-il.
Car même si le circuit Covid est bien séparé des autres services, le risque zéro n’existe pas selon François Chollet. «Nous comprenons l’anxiété des patients mais chaque cas est étudié en commission multidisciplinaire. Nous adaptons le traitement pour que la prise en charge continue mais les patients atteints de glioblastome sont des patients fatigués et fragiles avec peu de défenses immunitaires » précise t-il.
Le ministère de la Santé alerté
Aujourd’hui l’association et les malades poussent un cri de détresse auprès des autorités de santé. Car si les CHU sont mobilisés sur le front du covid 19, les malades atteints de pathologies graves et chroniques ne comprennent pas cette réorganisation des soins. « Le gouvernement doit rétablir les soins car tous ces patients risquent eux aussi de mourir ! » s’insurge Maryse Gonzalez.Et pour se faire entendre, l’association s’est adressée à la sphère politique. Sa présidente, Laëtitia Clabé a saisi la députée du Val d’Oise de la majorité parlementaire Cécile Rilhac. Elle dit avoir fait remonter toutes ces informations au ministère de la santé et informé personnellement le ministre Olivier Véran sur cette problématique de santé publique.
"Il y a apparemment un trou dans la raquette. Les patients ne doivent pas se mettre en danger en interrompant leur traitement. Les CHU sont concentrés sur le Covid mais les maladies chroniques doivent continuer à être traité. Le ministre m’a assuré qu’il allait s’emparer du sujet. Il faudra en revanche donner aux CHU le temps nécessaire pour s’organiser" indique Cécile Rilhac.
Des fonds pour la recherche
L’association « des étoiles dans la mer » se mobilise aussi pour récolter des fonds et soutenir la recherche. Car le glioblastome qui touche 2 400 cas par an en France et représente 2% des cancers n’est pas une grande cause nationale. Sa présidente, Laëtitia Clabé a prévu une chaîne de nage solidaire sur 24h avec plusieurs distances entre le Grau d’Agde et Palavas-les-Flots dans l’Hérault. Un défi sportif qui aura probablement lieu à la fin de l’été et non fin mai à cause de la crise sanitaire. En 2019, elle avait mené plusieurs actions de sensibilisation et récolté 37500 euros. Cette année elle espère atteindre les 50 000 euros.(*) : Les prénoms ont été changé