Condom, Saint-Gaudens ou encore Albi se font épingler par l’enquête du magazine Marianne qui mesure l’ampleur des déserts médicaux dans 314 villes françaises. Elles figurent en bas du classement, enregistrant parfois des délais d’attente record pour obtenir un rendez-vous chez des spécialistes.
Impossible de prendre un rendez-vous chez un pédiatre à Condom. 138 jours d’attente pour inscrire son nom dans l’agenda d’un ophtalmologue à Saint-Gaudens. 356 jours pour consulter un gynécologue à Albi. Ces délais d’attente parfois effrayants, bien au-dessus de la moyenne nationale en tous les cas, démontrent l’ampleur des déserts médicaux dans ces communes de l’Occitanie. Ces inégalités d’accès aux soins ont bien évidemment des conséquences directes sur la santé publique.
Dans son enquête, le magazine Marianne daté du 1er octobre 2021 "mesure l’ampleur des déserts médicaux dans 314 villes françaises à travers les délais d’attente requis pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste ou un spécialiste". Les villes de Condom dans le Gers et Saint-Gaudens en Haute-Garonne sont très mal classées, elles se situent au bas du tableau, respectivement à la 265ème et 239ème place. Pire encore, la ville d’Albi est même classée 269ème.
En Occitanie, le phénomène des déserts médicaux en milieu rural ne date pas d’hier, l’enquête montre cependant que "les déserts médicaux ne se trouvent pas forcément dans des zones faiblement peuplées, mais s’étendent désormais dans des villes plus denses".
Dans une ville sur neuf, il faut attendre en moyenne 21 jours pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste pour un nouveau patient, sans notion d’urgence. Pour les consultations chez les spécialistes, les délais augmentent, jusqu’à plus de 5 mois d'attente chez un ophtalmologue. Plus grave encore dans 81 villes de France, aucun pédiatre ne prend de nouveaux clients à une trentaine de kilomètres à la ronde.
Les généralistes partent à la retraite, et c'est la pénurie
A Saint-Gaudens, ville de plus de 11000 habitants en Haute-Garonne, le maire et conseiller départemental, Jean-Yves Duclos, ne dément pas les chiffres avancés par l’enquête. "C’est effectivement un problème national qui concerne aujourd’hui beaucoup de régions."
Nous avons installé des maisons de santé multiservice pour permettre l’accès aux soins à des personnes qui n’ont pas de médecins généralistes, mais cela n’est pas suffisant.
L’élu met en avant le Centre hospitalier de sa commune, modernisé il y a plus d’un an. "On essaie de travailler en étroite collaboration pour attirer des généralistes et de spécialistes sur notre territoire, on y travaille", précise l'élu.
Mais l’exercice est compliqué, difficile de remplacer un médecin généraliste qui part à la retraite. La solution selon Jean-Yves Duclos serait de créer un Centre départemental de santé comme il en existe en Saône-et-Loire. "Le département recrute des médecins. Salariés, ils sont alors répartis sur le territoire, là où il y a des besoins. Cela permettrait d’éviter de mettre en concurrence les communes en matière de recrutement", explique le maire de Saint-Gaudens.
La pénurie de médecins généralistes est avérée en France. Selon l’Atlas de démographie médicale 2020 du Conseil national de l’Ordre des médecins, l’effectif des retraités actifs a augmenté de 225% en dix ans.
Inégalités territoriales
Même constat à Condom dans le département du Gers, commune de 6800 habitants, où la situation est tendue. Deux médecins généralistes viennent de prendre leur retraite et d'ici 5 ans ce sera le tour de deux autres praticiens. Pour consulter un spécialiste il faut se déplacer à Auch ou Agen, "nous sommes à flux tendu" explique le maire François Rousse :
Il y a plein d’initiatives, notamment les maisons médicales mais elles sont vides au bout de six mois, les médecins ne restent pas, les jeunes ont une autre approche de l’exercice de la médecine généraliste. Heureusement, nous avons conservé les urgences qui fonctionnent 24heures sur 24.
Il faut se battre et la situation est de plus en plus complexe avoue l’élu.
"Quand on voit les directives de l’Agence Régionale de Santé (ARS) et la politique de santé, on est loin de coller à notre problématique. Les soins sont regroupés sur des villes plus importantes, c’est vrai pour les maternités. Pas plus tard que la semaine dernière, une personne a accouché dans la voiture des pompiers car le premier hôpital est à 45 minutes. Cela peut mettre en danger les personnes, c’est problématique, une situation très compliquée à résoudre".
"Peut-être faudrait-il comme pour les enseignants, imposer des nominations sur des territoires en sous-effectifs", questionne le maire de la commune, Condom où il faut attendre, selon l'enquête de Marianne, en moyenne 167 jours avant de décrocher un rendez-vous chez un dentiste.
L’inégalité territoriale est flagrante selon l'Association des citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM). Pour le traitement du cancer, plus on est en milieu rural et plus on est à distance des centres dotés de traitements innovants.
Un homme vit en moyenne un an et 8 mois de moins dans les départements ruraux par rapport aux autres zones très urbaines.
"En situation d’urgence sanitaire, c’est délirant"
Pour réduire la fracture sanitaire, les syndicats de médecins mettent l’accent sur "une hausse du nombre de praticiens" mais pour la pharmacienne de la commune de Lacaune dans le Tarn et membre de l’Association des citoyens contre les déserts médicaux, la réalité est tout autre.
Officiellement, le 15 décembre prochain, la commune de 6500 habitants n’aura plus de médecin généraliste. Une catastrophe pour la population, "une situation délirante", explique Sandrine Marchand.
Ici, c’est tout sauf la désertification rurale. Nous avons un dentiste, une sage-femme, une centaine de résidents en EHPAD, des structures d’accueil d’adultes handicapés, des écoles… c’est un territoire qui vit. Sans médecin généraliste, c’est tout le parcours de soin des patients qui est à l’arrêt. Il n’ y a plus d’orientation vers des spécialistes, les protocoles de coopération stoppés, tout est figé !
Saturés de clientèle, les médecins des communes alentours ne prennent plus de patients et dans certains cas la solution est de se rendre à l’hôpital de Castres situé à 45 minutes.
"C’est délirant... Faute de médecin, une maman dont l’enfant avait de la température a dû se rendre à l’hôpital de Castres. En terme de coût c’est du délire. Et des situations comme celle-là on va en avoir d’autres, c’est impensable", rajoute Sandrine Marhand.
La pharmacienne ne décolère pas : "je ne comprends pas pourquoi les médecins ne sont pas attirés par notre territoire, touristique l’été et dynamique, qui se bouge dans tous les cas. Il faudrait peut-être obliger les jeunes à s’installer chez nous et arrêter de saturer les zones déjà pourvues comme la région PACA".
"La situation est politique et justement nous n’allons pas baisser les bras, avec d’autres communes du Tarn on va essayer de faire bloc pour trouver des solutions, c’est une urgence sanitaire".
Selon l’enquête publiée par le magazine Marianne, certaines villes d'Occitanie sont, elles, mieux classées dans le palmarès. La ville de Montpellier par exemple arrive en deuxième position, Rodez est 56ème, Millau 27ème et Toulouse 100ème sur les 314 villes étudiées.
À noter enfin que la ville de Castres, dans le Tarn, est dans le Top 2 des villes où le temps d'attente pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste est très court : un jour contre 21 pour la moyenne nationale.