Un nouvel article du quotidien Le Monde, daté de ce jeudi 18 juillet, revient sur l'affaire de l'aide de 1,3 million d'euros qu'Alexandre Allegret-Pilot avait accordé à une société inexistante. L'enquête des journalistes révèle des pratiques surprenantes, des pressions qui peuvent laisser suspecter une tentative d'escroquerie.
Il y a quelques jours, nous évoquions un arrêté ministériel du 5 juillet 2024 relatif au versement d'une aide au soutien de la trésorerie de la société Vitis Gallica, d'un montant de 1,3 million d'euros.
Un arrêté signé entre les deux tours des législatives, par Alexandre Allegret-Pilot, juste avant que le haut fonctionnaire de Bercy ne devienne député LR-RN du Gard.
Puis 48 heures plus tard, nous apprenions que le ministère de l'Economie avait abrogé l'arrêté dans une parution au Journal officiel, en clair que le prêt d'Etat était annulé. Et Bercy de préciser à l'AFP : "Des vérifications internes sont en cours et aucun argent n'a été versé".
Depuis, une enquête interne a été lancée pour comprendre les agissements d'Alexandre Allegret-Pilot qui a quitté son poste à la "mission de restructuration des entreprises", le 7 juillet 2024.
Dans le même temps, un recours devant le Conseil constitutionnel a été formé pour demander l'annulation de l'élection législative dans la 5e circonscription du Gard. Nordine Tria, un candidat malheureux, estimant que le député élu était inéligible.
Mais ce jeudi, Le Monde fait de nouvelles révélations.
Une aide pour un viticulteur en difficulté
Ayant des problèmes financiers depuis 2019, un viticulteur de l'Ain décide de venir exposer son cas à Bercy. A l'été 2023, il rencontre Alexandre Allegret-Pilot qui lui dit qu'un prêt de 500.000 euros est possible.
Le vigneron explique que le 22 décembre 2023, le versement est autorisé par un arrêté au Journal officiel. Mais les semaines passent et il ne reçoit pas l'argent.
Financièrement à bout, le vigneron relance Alexandre Allegret-Pilot qui aurait fini par lui proposer "un pacte".
Il a voulu que je cède la totalité des parts de ma société pour pouvoir bénéficier de ce prêt à la restructuration.
Thierry Troccon, viticulteur dans l'Ain.Interview Le Monde.
Un homme de paille interviendrait dans l'affaire avec une société de conseil basée au Maroc et bizarrement domicilié en Haute-Savoie, chez le père d'Alexandre Allegret-Pilot. Mais le viticulteur, sceptique, demande des garanties et prend conseil auprès de son avocat et de son expert-comptable.
Les deux hommes sont formels et lui déconseillent de donner suite.
Pendant ce temps, le fonctionnaire de Bercy aurait alterné périodes de silence et échanges par SMS et par téléphone, à des horaires suspects, avec le vigneron, le pressant de se décider.
Mais le viticulteur, comprenant que le dossier n'aboutira pas, s'acharne à trouver de l'argent et de l'aide. Il multiplie les démarches auprès d'Emmanuel Macron, de Bruno Le Maire, du ministre de l'Agriculture et même de la FNSEA.
Une rencontre le 16 juillet ?
Toujours selon l'enquête signée Vanessa Schneider et Ivanne Trippenbach dans Le Monde, les deux hommes se seraient rencontrés en début de semaine.
Alexandre Allegret-Pilot, devenu député du Gard, aurait tenté de dissuader le viticulteur de parler aux journalistes "en lui faisant miroiter un nouveau prêt de 1,3 million d'euros grâce à l'arrêté qu'il a signé le 5 juillet au bénéfice de la société Vitis Gallica", un prêt qu'il sait pourtant annulé officiellement depuis le 12 juillet.
Pour cela, il aurait fallu que Thierry Troccon monte une nouvelle société au nom de Vitis Gallica pour percevoir l'aide.
Vous l'aurez compris, l'affaire est complexe, floue et sensible. Si elle s'avère exacte, il pourrait y avoir tentative d'escroquerie.
De son côté, Bercy a ordonné une enquête interne pour retracer le parcours de ce dossier. Le cabinet de Bruno Le Maire aurait qualifié l'affaire de "riche en zones d'ombre". Enfin, d'autres dossiers gérés par Alexandre Allegret-Pilot feraient aussi l'objet de vérifications.
Le ministère précise, après des "investigations internes", avoir repéré des "agissements justifiant d’être portés à la connaissance du procureur de la république au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, (...) même en l'absence de préjudice financier".
L'intéressé, sollicité par Le Monde, n'a pas souhaité répondre aux questions des journalistes.