Les 98.971 électeurs de la 5e circonscription du Gard vont-ils devoir revoter ? Pour Nordine Tria, avocat et candidat (DIV) éliminé au 1er tour de l'élection, la réponse est oui car le député (LR-RN) élu, Alexandre Allegret-Pilot, était selon lui inéligible. Un recours en annulation a été déposé devant le Conseil constitutionnel.
Dimanche 7 juillet au soir, Alexandre Allegret-Pilot était élu député de la 5e circonscription du Gard (Alès, Anduze, Sauve, Le Vigan, Bessèges) avec 51,58% des suffrages. Il devançait le député LFI sortant, Michel Sala, de 1.995 voix.
Quatre jours après cette élection, des révélations du quotidien Le Monde expliquaient que le candidat en campagne, également haut fonctionnaire au ministère de l'Economie à Bercy, avait signé, entre les deux tours des législatives, une aide financière de l’Etat de 1,3 million d'euros à une entreprise non enregistrée au registre du commerce.
Prêt immédiatement annulé en 48 heures par Bercy. "L'arrêté du 5 juillet 2024 relatif au versement d'une aide au soutien de la trésorerie de la société Vitis Gallica est abrogé", selon le Journal officiel.
Et le ministère confirmait : "Des vérifications internes sont en cours et aucun argent n'a été versé".
Un recours en annulation devant le Conseil constitutionnel
C'est cette affaire et le statut professionnel d'Alexandre Allegret-Pilot au ministère de l'Economie et des finances qui ont poussé Nordine Tria, avocat et candidat malheureux aux législatives (1,12%) à demander l'avis du Conseil constitutionnel sur la légalité de l'élection.
Pour lui, le candidat Alexandre Allegret-Pilot était inéligible.
"Les résultats de ces élections, proclamés le 7 juillet 2024, ont déclaré Mr. Alexandre Allegret-Pilot élu député de la 5e Circonscription du Gard. Toutefois, je considère que son élection est entachée d'irrégularités en raison de son inéligibilité selon les dispositions du 4° paragraphe 2 de l'article L.O.132 du Code Électoral".
Il a expliqué sa démarche dans un post Faceobook, en date du 17 juillet 2024.
Mr. Allegret-Pilot, administrateur civil, occupe les fonctions de chef de la mission de restructuration des entreprises et délégué interministériel adjoint aux restructurations d'entreprises. Ses fonctions lui confèrent une autorité et des responsabilités qui le rendent inéligible. En position de chef de service des administrations civiles de l'État, il a autorité sur des antennes régionales (DREETS Occitanie par ex) et donc le département concerné, ce qui constitue selon moi un motif d'inéligibilité.
Nordine Tria, candidat sur le 5e circonscription du Gard.Communiqué sur Facebook.
Nordine Tria revient aussi sur l'affaire du prêt accordé entre les deux tours à une entreprise "fantôme". Une aide d'Etat finalement annulée par Bercy.
"En tant que chef de la mission de restructuration des entreprises, Mr. Allegret-Pilot a signé plusieurs arrêtés relatifs à des aides et prêts pour des entreprises, dont certaines sont peut-être situées dans le Gard. Cette proximité et ces actions récentes (jusqu'au 5 juillet 2024) renforcent l'argument de son inéligibilité" a-t-il déclaré pour justifier son action devant le Conseil constitutionnel qui est le juge électoral.
Quelles conséquences ?
L'élection d'un député peut être contestée devant le Conseil constitutionnel par tout électeur de la circonscription intéressée ou par toute personne qui y a fait acte de candidature, dans les 10 jours suivant la proclamation des résultats. Ce recours n'est pas suspensif.
Le Conseil constitutionnel a la possibilité de rejeter, sans instruction contradictoire préalable, toute requête manifestement irrecevable ou fondée sur des griefs sans influence sur le résultat de l'élection.
Dans tous les autres cas, la requête est instruite par une section d'instruction composée de trois membres nommés du Conseil constitutionnel ou par le Conseil lui-même.
Le Conseil constitutionnel peut soit rejeter la contestation et valider l'élection, soit prononcer l'annulation de l'élection. Il peut aussi réformer les résultats et proclamer élu un autre candidat (ce qu'il n'a jamais fait à ce jour pour une élection législative mais pour une élection sénatoriale).
Ses décisions sont souveraines et revêtues de l'autorité de la chose jugée. En effet, aux termes de l'article 62 de la Constitution "les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.