Un brocanteur avait acheté une relique de l'Afrique coloniale 150 € à un couple de retraités du Gard, pour en tirer par la suite 4,2 millions d'euros aux enchères de Montpellier. L'affaire a été portée en justice mais le tribunal d'Alès n'a pas annulé la vente, ce 19 décembre. L'avenir de l'objet reste néanmoins incertain.
La "légèreté blâmable" du couple Fournier semble avoir été un argument retenu par les magistrats d'Alès. Dans l'affaire du masque Fang, le tribunal vient de donner raison au brocanteur, ce mardi 19 décembre.
Ce dernier avait acheté le masque à M. et Mme Fournier en septembre 2021, pour la modique somme de 150€, et l'avait par la suite revendu 4,2 millions d'euros aux enchères de Montpellier. S'estimant lésés, les Fournier ont porté plainte.
Le tribunal n'a pas annulé la vente. Le brocanteur devrait garder son argent mais cette décision n'est pas définitive. Les Fournier feront appel tandis qu'au pénal, l'Etat du Gabon a entamé une autre procédure pour la restitution du masque à Libreville.
Parole contre parole au tribunal d'Alès
L'affaire est jugée au tribunal d'Alès le 31 octobre dernier. Un procès lors duquel les deux parties disent ignorer la valeur du bien au moment de la transaction.
Les Fournier ont réclamé l'annulation de la vente et 300 000€ de dommages et intérêts. Après l'audience, leur avocat a rappelé "la bonne foi de ses clients" et blâmé l'acheteur : "un professionnel, un connaisseur qui doit avoir une déontologie", selon Maître Mansat-Jaffré.
De son côté, le brocanteur a maintenu qu'il n'avait pas idée de la rareté du bien au moment de la transaction. Une fois le masque expertisé, il a assuré avoir proposé 300 000€ aux Fournier. Offre qu'il aurait retirée une fois la plainte déposée.
Au procès, son avocate a plaidé "une légèreté blâmable" de la part des Fournier. "Quand on a ça chez soi, on fait en sorte d’être un peu plus curieux avant de le mettre de côté et le céder", développe Maître Pijot au micro de France 3 Occitanie.
Un objet rare et mystique
La relique a été ramenée en France par le grand-père de M. Fournier, ancien gouverneur du Gabon colonial. Il s'agit d'un objet mystique : l'arme de justice de la société Ngil. Dissimulé dans la demeure des chefs de cette communauté, il était sollicité secrètement, dans le cas d'un litige insolvable entre deux habitants.
Avec l'interdiction de ces rites par la métropole, la construction des fétiches prend fin dans les années 1920. Les reliques en deviennent d'autant plus rares et précieuses.
"Ce masque ne devrait pas être disputé des millions d'euros mais retourner à la maison", affirme de son côté le collectif Gabon Occitanie, première association à se manifester pour la restitution de l'objet à Libreville.
L'État du Gabon s'est joint au collectif pour porter plainte au pénal. Cette nouvelle procédure judiciaire pourrait de nouveau faire voyager le masque, qui dort pour l'instant dans la propriété de son dernier acheteur, à ce jour encore inconnu.