Après le double meurtre dans une scierie des Plantiers, le tireur présumé est toujours recherché par les gendarmes dans la forêt cévenole. Sur les réseaux sociaux, l'homme de 29 ans ne cache pas son attrait pour les armes et s'était plaint du classement sans suite de ses nombreuses plaintes.
Les recherches se poursuivent sans relâche dans la forêt cévenole depuis maintenant près de trois jours. Mardi matin, un homme de 29 ans a mortellement tiré sur son patron et sur l'un de ses collègues dans une scierie des Plantiers, à l'ouest d'Alès dans le Gard, avant de prendre la fuite.
Ce jeudi, les investigations se sont concentrées au nord de la commune, autour de Saint-André-de-Valborgne qui se situe à une dizaine de kilomètres. Les forces de l'ordre ont procédé à des vérifications sur place après avoir reçu des signalements : selon des habitants, plusieurs coups de feu auraient été entendus en fin de matinée.
"Ces hypothèses sont tombées à l'eau", explique jeudi soir le Général Philippe Ott, qui co-pilote le dispositif, lors d'une conférence de presse. Les gendarmes n’excluent pas la théorie selon laquelle le fugitif serait sorti du périmètre de recherche défini. Mais Philippe Ott reste persuadé qu'"il n’est pas loin”.
C’est un solitaire, il ne parle à personne. Nous ne pensons pas qu’il ait un complice et c’est ce qui tient aujourd’hui la majorité de nos hypothèses. Et l’issue malheureuse n’est également pas écartée.
Depuis mardi, Valentin Marcone n'a donné aucun signe de vie. Les enquêteurs ont peu d'informations sur son état de santé et sur son équipement. Mais une chose est sûre : ils n'attendent pas de "l'avoir à l'usure". "Clairement, on va le chercher", poursuit le Général. "Nos forces sont engagées dans des chemins escarpés, des vallons. On va le chercher et on veut le trouver."
Un homme "apte à la survie en milieu hostile"
Egalement présent lors de la conférence de presse jeudi soir, le procureur de la République de Nîmes, Eric Maurel, révèle de nouveaux éléments sur le profil du mis en cause. S'il n'établit pas de lien direct avec la mouvance survivaliste, il assure que le tireur est "apte à la survie en milieu hostile".
Peu d'éléments sur la psychologie de Valentin Marcone ont été recueillis à cette heure. On apprend seulement que le jeune homme avait changé de comportement une semaine avant de passer à l'acte.
Il venait au travail avec un gilet pare-balles. Il y a eu un basculement qui inquiétait particulièrement sa femme. Quelque chose en lui avait changé mais on ne sait pas encore quoi.
Mardi, jour du double meurtre, Claude Legrand a vu le jeune homme quitter précipitamment la scierie en voiture. "Il faut passer devant chez moi pour aller chez lui. Il roulait comme un fou alors que d'habitude, il roule à 30 km/h."
Cet entrepreneur en BTP est persuadé que l'acte était prémédité. "Mes collègues l'ont vu dès 8 heures moins le quart devant le portail de la scierie : il aurait pu dégainer et tuer son patron une demi-heure plus tôt, mais non, il attendait ses confrères", explique-t-il.
Un grand dispositif mobilisé
Un large dispositif a été déployé pour tenter de retrouver la trace du tireur : 300 gendarmes (350 à partir de jeudi soir) ont été mobilisés pour quadriller le secteur de l'Aigoual, zone dans laquelle il se serait retranché. Mais cette traque s'avère complexe, confiait mercredi soir le Colonel Laurent Haas, notamment au vu de la largeur du périmètre de recherche.
Il s'agit d'une surface de 225 kilomètres carrés. On est sur un terrain de montagne où le couvert forestier est extrêmement dense avec beaucoup de cavités, qui sont autant de points à contrôler.
Par ailleurs, le fugitif possède un avantage de taille : il connaît parfaitement le terrain.
Un individu "déterminé"
Le dispositif mis en place par la gendarmerie a aussi un autre objectif : protéger la population, explique le Colonel Haas. Le gendarme décrit l'individu comme "déterminé" et "lourdement armé".
Selon le procureur de la République de Nîmes, le tireur serait en possession d'au moins deux armes, dont une arme de poing et une arme longue.
Les perquisitions menées à son domicile ont mené à la découverte d'une douzaine d'armes et de 3 300 munitions tout calibre. Adepte du tir sportif, l'individu possédait les autorisations nécessaires pour détenir une arme.
Il utilise ses armes en tant que tireur sportif depuis un certain temps déjà et on a des raisons de penser qu'il sait s'en servir.
Fasciné par l'armée et les armes
L'individu possède un casier judiciaire vierge et ne faisait pas l'objet de soupçons. Le procureur de la République de Nîmes reconnaît cependant que ses publications sur les réseaux sociaux, et notamment sur Facebook, soulèvent des questionnements.
Les photographies et les éléments retrouvés sur ce compte tendent à confirmer la potentielle dangerosité criminologique de cet individu.
Le profil Facebook de Valentin Marcone est en effet illustré par l'image d'une carabine. Toujours d'après Eric Maurel, l'homme a tenté d'intégrer l'armée en tant que tireur d'élite dans le passé, mais a été recalé en raison d'un problème de vision. Ce qui n'a pour autant stoppé sa fascination pour les armes.
Sur sa chaîne Youtube d'ailleurs, le Cévenol partage des vidéos de ses sessions de tir.
Engagé dans des procédures judiciaires
Cet ancien employé de mairie était en conflit avec l'ancienne municipalité des Plantiers, contre laquelle il avait lancé une procédure aux Prud'hommes. Sur le net, une pétition relate en détails les faits qu'il reproche à l'ancien édile Francis Maurin qui, visiblement sous protection, n'a pas souhaité s'exprimer au micro de France 3 Occitanie.
Interrogé mercredi soir, le maire actuel Bernard Mounier n'en sait pas beaucoup plus. "J'ai entendu parler de cette histoire : je sais qu'il avait une relation tendue avec l'ancienne municipalité, mais je suis incapable de vous dire précisément à quel sujet."
La plupart des plaintes de Valentin Marcone ont été classées sans suite. Sur Facebook, il accuse les autorités et la gendarmerie d'avoir abusé de leur pouvoir pour court-circuiter ses accusations. Le dernier post à ce sujet date du 1er mai 2021, dix jours seulement avant le double meurtre de la scierie.
Le fugitif était également remonté contre d'autres habitants, à l'image de la directrice du Centre communal d'action sociale. Contactée, la structure ne souhaite pas faire de commentaire.
Une personnalité discrète
Julie a tenu le bar du village jusqu'en 2017, lieu de réunion dans cette petite commune de 250 âmes. Elle explique y avoir très peu croisé Valentin Marcone. "Les jeunes venaient beaucoup au bar, c'était le point de rassemblement et il n'en faisait pas partie. Il ne fréquentait pas l'établissement."
Installé depuis une petite dizaine d'années aux Plantiers, l'homme de 29 ans était plutôt discret.
On l'a déjà vu car il travaillait à la mairie. On avait entendu parler des plaintes, qui n'étaient pas appropriées a priori. Mais il n'était pas plus sociable que ça : on ne le voyait pas, même quand il y avait des fêtes du village. Ce n'était pas quelqu'un qui fréquentait trop les autres apparemment.
"Vivi", qui travaillait avec lui à la mairie, parle également d'un homme réservé. "Quand je le voyais le matin, je lui parlais mais il ne répondait pas trop, il était très timide." Son compagnon "Bernard" approuve : "Les gens qui le connaissaient bien disaient qu'ils ne le sentaient pas trop, qu'il était bizarre".
Même son de cloche du côté du maire actuel, qui décrit un homme "effacé". Un appel à témoins a été lancé par la gendarmerie du Gard ce jeudi matin pour tenter de le retrouver : il reste à cette heure infructueux.