48 heures après les révélations concernant les seuils de pollution exceptionnels aux PFAS, des polluants éternels, autour de l'usine Solvay de Salindres, dans le Gard, l'inquiétude des riverains s'accroit et nombre de questions restent sans réponses concernant les conséquences sur leur santé.
Remplir une casserole d'eau pour cuisiner : depuis la publication d'une étude de Générations futures sur la présences de polluants éternels dans les cours d'eau, ce petit geste du quotidien suscite aujourd’hui des craintes chez certains habitants de Boucoiran-et-Nozières, village des Cévennes gardoises:
"Cela m’inquiète, parce que l’eau, on s’en sert tout le temps, moi ça fait 41 ans que j’habite ici et ça fait 41 ans que j’en bois", raconte une riveraine à notre équipe de France 3 Pays Gardois.
L’étude menée par l’ONG Générations futures a révélé des taux élevés de TFA, un polluant éternel : 19 000 ng par litre d’eau, une eau puisée dans le lit du Gardon. Des taux au moins 30 fois supérieurs à la future directive européenne sur l’eau potable qui doit entrer en vigueur en janvier 2026 et qui doit les limiter à 500 ng/L.
Pour apaiser les inquiétudes de ses administrés, le maire de la commune rappelle que ses analyses d’eau potable sont pourtant conformes. Mais en France, les TFA, soupçonnés de provoquer des cancers du cerveau, entre autres, ne sont pas mesurés.
Moi, je me retourne vers l’État, j’attends des réponses. On est un pays développé, il faut faire plus d’analyses pour rassurer la population !
Jean Jacques Vidal, maire de Boucoiran
Le TFA, petit et insaisissable
Le TFA (acide trifluoroacétique) est le plus petit des PFAS que l'on nomme "polluants éternels". Utilisé dans l’industrie agrochimique pour fabriquer des pesticides ou des produits pharmaceutiques, le TFA s'insinue partout, trop petit pour être filtré dans les stations d’épuration des eaux usées et de traitement de l’eau potable.
La commune voisine, Moussac a, elle aussi, été testée par l'ONG et affiche des taux similaires : 18 000 ng/L. Pourtant, dans cette commune, l’eau n’est pas puisée dans le Gardon mais dans une nappe phréatique indépendante. A priori, sans aucun lien avec l’usine chimique de Salindres.
"On ne sait pas ce qu’est le TFA exactement, on ne connaît pas la dangerosité à ce taux-là, et on n’a pas de raison à Moussac d’en avoir plus qu’ailleurs. Donc si on en a trouvé à Moussac, parce qu’on a cherché à Moussac. On en chercherait partout ailleurs on en trouverait aussi sûrement plus en se reprochant de Salindres, si Salindres en est l’émetteur !", estime Fréderic Salles Lagarde, le maire de cette commune gardoise.
Des TFA détectés à 20 km à la ronde de l'usine de Solvay
L’usine de Salindres est l’un des cinq sites de production de ces substances en France. Mais, comme il n’existait aucune information sur les niveaux de contamination dans les alentours, l’association Générations Futures a mené ses propres analyses pour en savoir plus.
Dans une enquête de France 3 Occitanie, Le Monde et la RTBF, le TFA de l'usine Solvay s’est répandu dans les cours d’eau avoisinants : il est présent dans l’Arias, l’Avène et le Gardon, jusqu’au robinet des citoyens des villages de Moussac et de Boucoiran-et-Nozières, situés à plus de 20 kilomètres du pôle chimique.
La semaine dernière, le maire de Moussac a demandé à un laboratoire agréé par l’ARS de procéder à des analyses complémentaires de l’eau de sa commune. Pour le moment, il n’a pas encore obtenu de réponse.
Santé Publique France a annoncé le 6 février 2024 le lancement d'un comité d'experts pour évaluer si les cancers du cerveau, dont le taux est trois fois plus élevé à Salindres qu'ailleurs, ont un lien avec les rejets de TFA. Pour l'heure, ce lien n'est pas scientifiquement établi.