Soutenue par ceux qui l'ont accueillie depuis un an dans les Cévennes, la famille syrienne Al Fakhry, originaire de Raqa, n'a pas ménagé ses efforts pour reprendre le cours d'une vie que la guerre a bouleversée à jamais.
Un an après leur arrivée à Quissac, à 35 km de Nîmes, dans le Gard, Asaad, 64 ans, libraire de Raqa (nord de la Syrie), sa femme Shiar, 51 ans, et trois de leurs enfants, l'aîné Haitham, 24 ans, et deux filles, Reham, 21 ans, et Rym, 20 ans, ont obtenu un statut de réfugiés assorti d'une carte de séjour de dix ans.
"Les papiers en France c'est très compliqué, même pour les Français !", résume Haitham, en souriant. "Ca a pris des mois mais ils ont obtenu le statut de réfugiés", se félicite le pasteur Christophe Cousinié de l'Eglise protestante unie. "Accueillir des réfugiés, ça demande un engagement assez fort pour ce qui est des démarches", ajoute le pasteur, l'une des chevilles ouvrières du collectif d'accueil.
Parlant d'une "belle expérience" mutuelle, il estime que la famille syrienne fait désormais "partie du village" de Quissac car elle a su "aller vers les autres".
Pour cela, les cinq membres de la famille, accueillis dans le presbytère vacant de la petite ville cévenole de 3.300 habitants à l'automne 2016, bataillent depuis un an avec la langue française qu'aucun d'entre eux ne connaissait.
Si les trois enfants et leur mère ont fait des progrès rapides, le père avoue "les énormes difficultés" qu'il éprouve à apprendre une nouvelle langue "à son âge". "Mais je ne vais pas abandonner !", promet-il en arabe.
Des études à Monptellier
Les deux aînés, eux, ont pris leur envol à l'université de Montpellier. "J'apprends le français, je voudrais étudier l'architecture l'année prochaine", explique Reham. Le frère et la soeur, qui ont grandi dans la grande cité syrienne au bord de l'Euphrate et dont la jeunesse a été "brisée par la guerre", sont "ravis de vivre à Montpellier, en résidence universitaire, d'étudier, de rencontrer des amis de toutes les nationalités". "On a été très bien accueillis à Quissac, mais c'est petit, il n'y a pas beaucoup de jeunes, pas de possibilités d'études", souligne encore Reham.
"J'ai repris des cours d'économie alors que cela faisait quatre ans que la guerre et l'exil avaient interrompu mes études", se réjouit Haitham, qui rêve de pouvoir obtenir à terme un doctorat de mathématiques.
Restée à Quissac, la petite dernière, Rym, suit des cours de français à Nîmes et espère pouvoir passer son baccalauréat l'année prochaine.
"On a presque hâte de voir ce qu'ils vont devenir et de les retrouver dans quelques années dans une situation professionnelle et familiale autre", anticipe Christophe Cousinié, conscient que "pour les parents, le parcours sera plus difficile", notamment en termes de perspectives d'emploi.
Après un refus de la préfecture du Gard de reconnaître son permis, Asaad, le père, enrage de ne pouvoir conduire la voiture qu'il a achetée pour être indépendant. "Cela complique tout", assure-t-il, "y compris pour aller prendre des cours de français à Nîmes". "On est contraint de dépenser les trois quarts de l'aide qu'on reçoit pour payer le bus", dit-il.
"Voir son avenir en France"
Asaad est avide d'informations sur la situation en Syrie. Selon lui, le récent revers de l'Etat islamique à Raqa, chassé de la ville mi-octobre 2017 par les combattants kurdes et arabes des Forces démocratiques syriennes, soutenus par la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis, ne change pas la donne. Cette famille de tradition musulmane a été directement "menacée de mort par Daech" et sa maison a été totalement détruite.
"Raqa passe d'une occupation à une autre et Bachar-al-Assad est toujours au pouvoir" à Damas, analyse Asaad, qui avait dû fuir en Turquie avec sa famille avant de rejoindre la France.
Pour l'heure, loin du fracas de la guerre, à l'unisson, la famille Al Fakhry dit "voir son avenir en France".