En Occitanie, l'association Solidarité Paysans propose un accompagnement personnalisé aux agriculteurs en difficulté. Avec pour objectif d'éviter les gestes désespérés, de maintenir les terres agricoles et de lutter contre l'exclusion en milieu rural.
Fiers et taiseux, des mots qui reviennent souvent pour décrire les paysans. Une profession qui n'est pas du genre à se plaindre, même quand elle est victime d' "agribashing", ce dénigrement systématique du monde agricole dénoncé par leurs syndicats. Pas de plainte non plus quand les difficultés financières arrivent, quand le couple va mal. Ce n'est pas un hasard si 400 agriculteurs se suicident chaque année.
Un travail en binôme
Pour éviter ces drames, pour intervenir avant que la détresse ne s'installe, l'association Solidarité Paysans d'Occitanie a mis au point un accompagnement personnalisé et soutient l'agriculteur en difficulté aussi longtemps que nécessaire.
Cet accompagnement, Cécile et Christian Rucat en bénéficient depuis plusieurs années. A Meynes, près de Beaucaire dans le Gard, leur exploitation maraîchère familiale est un choix de vie. Depuis 30 ans, le couple travaille ensemble, dans le bio. En 2013, après une succession de difficultés, les retards de paiements s'accumulent, notamment auprès de la Mutualité sociale agricole (MSA). Leur endettement s'emballe. Cécile ose finalement confier ses difficultés à une amie agricultrice et membre de l'association Solidarité Paysans du Gard. Elle sait que Jocelyne Fort a elle aussi vécu des années compliquées, qu'elle a connu le surendettement, avant de devenir bénévole à Solidarité paysans du Gard. "Quand l'association a fait le calcul, elle a situé qu’on était au-delà de ce qui était vraiment raisonnable", raconte Cécile Rucat, "on l’a entendu par eux, qui en ont fait d’autres des dossiers, qui ont déjà vécu ça, ensuite ils ne nous ont plus lâchés."
Depuis 8 ans, Jocelyne Fort, aujourd'hui retraitée, accompagne les Rucat avec Joëlle Salze, salariée de l'association. De l'évaluation de leur situation jusqu'à la présentation d'un plan de redressement judiciaire devant le tribunal de Nîmes, un moment toujours délicat à vivre. La spécificité et l'efficacité de l'accompagnement de Solidarité paysans est là, dans ce binôme agriculteur bénévole - salarié.
Le paysan va parler à l’autre paysan, au bénévole paysan et ça c’est important.
"Quand il parle production de courgettes par exemple, moi j’étais maraîchère, je sais comment on fait du début à la fin, la récolte, la plantation tout et là il a l’impression de parler à un copain, pas à quelqu’un qui est en train de voir si on peut l’aider et ça c’est important", explique Jocelyne Fort, aujourd'hui co-présidente de Solidarité paysans d'Occitanie, dans un reportage de France 3 Occitanie.
Des situations d'urgence
Dans le Gard, l'association Solidarité Paysans compte une dizaine de bénévoles : viticulteurs, maraîchers, arboriculteurs, éleveurs, retraités ou encore en activité. Et une salariée, qui partage un bureau avec la Confédération paysanne du Gard à Saint-Génies-de-Malgoirès.
C'est Joëlle Salze qui prend les premières informations, par téléphone ou mail, organise les rendez-vous le plus rapidement possible puis monte les dossiers. Un soutien administratif et juridique essentiel dans des situations d'urgence.
On arrive très peu à faire de prévention parce quand les agriculteurs appellent, ils y a dejà les huissiers devant la porte ou de gros retards de déclarations, la difficulté est déjà bien installée.
"On arrive dans des situations de grande détresse, on rencontre des personnes au bord du suicide", renchérit Jocelyne Fort. "C’est important de les convaincre qu’ils vont s’en sortir."
Les accompagnements s'adaptent au choix des agriculteurs. Ceux qui approchent les 65 ans souhaitent prendre leur retraite, quelques-uns veulent cesser leur activité et passer à autre chose. La plupart veulent continuer à exploiter leurs terres, il faut alors les aider à trouver d'autres circuits de vente ou une autre façon de produire pour continuer à bien s'en sortir après la période de redressement judiciaire.
A Meynes, pour Cécile, le plus dur est passé. L'exploitation s'est agrandie de 8 hectares pour augmenter la production et mieux rentabiliser les investissements.
Je suis imposable, c'est super. Mon mari râle parfois mais je lui dis non, on paie des impôts c’est super et on s’en est sorti.
Comme les Rucat, 70% des agriculteurs accompagnés par Solidarité Paysans réussissent à sauver leurs exploitations. Mais l'association croûle sous les demandes et suit aujourd'hui 3 fois plus de dossiers qu'il y a 15 ans.