Le sénateur de l'Hérault Henri Cabanel (PS) et la sénatrice de la Marne Françoise Férat (UC) ont présenté devant le Sénat leur rapport sur la prévention du suicide chez les agriculteurs. Résultat d’un an de travail, il vise à soulager la détresse des agriculteurs. 

En 2015, chaque jour deux agriculteurs se suicidaient. Un drame quotidien répété dans le plus grand silence et mis en lumière en 2019 à travers le film Au nom de la terre. Suite à la sortie de ce long-métrage, le sénateur héraultais Henri Cabanel (RDSE) et la sénatrice de la Marne Françoise Férat (UC) lancent alors un groupe de travail sur la détresse des professionnels de la terre. 

“Un drame silencieux avait lieu dans nos campagne à la vue et au sus de tout le monde, sans réelle prise en compte du problème," explique Françoise Férat, sénatrice de la Marne. 

Un drame silencieux avait lieu dans nos campagne à la vue et au sus de tout le monde, sans réelle prise en compte du problème

Françoise Férat, sénatrice de la Marne

Après un an de travail, au contact des agriculteurs, des proches de victimes, et acteurs du monde agricole, les sénateurs ont recueilli de multiples récits sur le terrain, ainsi que 150 témoignages anonymes via une plateforme en ligne.  

“Mon mari est encore en vie mais je me demande jusqu’à quand.” (Témoignage anonyme d’une femme d’agriculteur)

Faibles revenus et agri bashing

Si les causes du suicides sont multi-factorielles, le travail de ces sénateurs a permis d’identifier les principales causes de détresse dans la profession : le manque de revenu et l’agri bashing. “Ils donnent tout, ils sacrifient tout, ils sont à bout, au bout, et malheureusement souvent d’une corde” alarme Henri Cabanel, l’un des rapporteurs du texte.

Ils donnent tout, ils sacrifient tout, ils sont à bout, au bout, et malheureusement souvent d’une corde

Henri Cabanel, sénateur de l'Hérault

Nombreux sont les professionnels contraints d’investir et de s’endetter pour augmenter les rendements mais sans pour autant améliorer leurs revenus. “Il est incompréhensible que des agriculteurs travaillent toute une journée pour perdre de l’argent”, déplore Françoise Férat, l’autre rapporteur du texte. “La baisse des prix les oblige souvent à une course à l’agrandissement et à l’endettement. La charge de travail augmente, les charges financières aussi mais pas le revenu.”

 

Un travail sur le terrain qui a également permis de mettre en lumière un fort sentiment de dénigrement. Au-delà des coups médiatiques d’associations militantes, l’agri-bashing est devenu leur quotidien. Selon une enquête de l’observatoire Amarok, 40% des agriculteurs ont vécu au moins une situation de harcèlement lors du dernier mois. 

63 propositions pour soulager la détresse des agriculteurs

Le résultat de ce travail, c’est 63 recommandations destinées à mieux identifier, prendre en compte et accompagner les agriculteurs en détresse. 63 recommandations qui permettraient de mettre en place une véritable politique publique de soutien aux agriculteurs.

 

Faire de l’avenir de l’agriculture une grande cause nationale

Première proposition et sûrement la plus emblématique : faire de l’avenir de l’agriculture française une grande cause nationale. Un acte fort qui permettrait de mieux communiquer autour de la question et de faire renouer société et monde agricole. 

Sur la soixantaine de mesures proposées, plusieurs visent à rendre compte du phénomène des suicides de cette catégorie de la population. Peu d’études existent sur le sujet et les données sont difficiles à trouver. Le rapport demande donc une dématérialisation des certificats de décès pour une meilleure transmission des données. 

Instaurer un droit au répit

Le rapport préconise la mise en place d’un budget afin de permettre une aide au répit, c’est-à-dire d’embaucher des remplaçants en cas d’épuisement professionnel. Une mesure afin de limiter les burn-out et donc de mieux prévenir les suicides. Il conviendrait également d’offrir de meilleures garanties de remplacement aux agriculteurs en cas de maladie ou d’accident. Les sénateurs demandent aussi un crédit d’impôts afin de financer les ouvriers agricoles venus à sur l’exploitation pour permettre à leurs propriétaires de partir en congés. 

Prévenir la détresse à l’aide de sentinelles

Proposition originale du rapport, la mise en place d’un réseau de sentinelles à travers tous les professionnels qui soient acteurs du monde agricole (agent administratif, vétérinaire…) ou non (facteur, mécanicien…) afin de pouvoir rapidement alerter sur la détresse d’un agriculteur. 

La mise en place d’une visite médicale obligatoire et gratuite tous les 3 ans pour les exploitants de plus de 40 ans vise le même objectif.

Humaniser les rapports administratifs

Beaucoup de propositions visent à humaniser les rapports avec l’administration et notamment la MSA (la sécurité sociale agricole). Une formulation plus personnelle, ou des visites sur l’exploitation plutôt que des courriers de mise en demeure lorsque les agriculteurs sont en difficultés permettrait de résoudre plus facilement les situations. 

Autre point important, les rapporteurs insistent sur la nécessité de transférer la gestion des redressement judiciaires aux tribunaux administratifs (comme c’est le cas pour les commerçants). Actuellement, ils sont jugés par le tribunal judiciaire, ce qui accentue profondément leur mal être (se sentant traités comme des criminels).

Ce rapport sera présenté au ministère de l’agriculture dans les prochains jours. Henri Cabanel et Françoise Férat espèrent voir leurs propositions retenues et la mise en place d’une politique forte en faveur des agriculteurs en détresse.

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