Manadiers et élus ont adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron, pour tenter de sauver cette filière ancestrale. Ils demandent la prolongation du fond de solidarité de l’Etat et une véritable reconnaissance de leur métier.
"Certaines manades risquent de disparaître définitivement" : dans une lettre ouverte, adressée au président de la République et aux membres du gouvernement, les éleveurs de taureaux de Camargue lancent un appel au secours.
Cette missive, co-signée par 180 maires, députés et sénateurs, est à l’origine d’André Brundu, président de la communauté de communes Petite Camargue, et Florent Lupi-Chapelle, président de la fédération des manadiers qui regroupe environ 120 éleveurs du Gard, de l'Hérault et des Bouches-du-Rhône. "Nous avons perdu en moyenne 80% de notre chiffre d'affaires. Certains manadiers pensent à trouver un deuxième emploi pour vivre", affirme-t-il.
Réévaluer les tarifs de la filière
Ils demandent notamment un gel immédiat de leurs charges structurelles, et l’officialisation du taux de TVA 10 % sur les courses camarguaises et les activités traditionnelles. Le sénateur Gérard Larcher et le ministre de l’Agriculture Nicolas de Normandie, rencontré à Paris le 18 mai dernier, ont également soutenu leur demande de prolonger le fond de solidarité de l’Etat, comme pour tous les acteurs du tourisme.
"Tout ce que nous demandons, c’est que l’art de vivre et la culture camarguaise puisse renaître."
La crise du covid a mis un coup d’arrêt brutal aux manades, qui subsistent en grande partie grâce au tourisme et aux activités de loisirs. "Beaucoup de manadiers se sont endettés pour pouvoir payer les charges fixes", rappelle Florent Lupi-Chapelle. Selon lui cette crise n’a fait que révéler des fragilités structurelles existantes, depuis de nombreuses années déjà. "Notre modèle économique est obsolète. Les tarifs de la filière n’ont pas évalué depuis trente ans."
En effet pour une bandido ou abrivado, l’éleveur perçoit 500 à 600 euros. Une somme largement sous-évaluée selon lui, car les charges elles, ont considérablement augmentés ces dernières années. "Nous demandons une réévaluation des tarifs, de façon progressive, pour atteindre les 800 euros dans deux ans."
Un statut spécifique
Les manadiers demandent aussi au gouvernement un nouveau statut, afin de reconnaître la spécificité de leur métier à la croisée de plusieurs domaines. À la fois éleveurs, agriculteurs, restaurateurs, gérants de gîtes ou loueurs de salles, les manadiers ont en effet largement diversifié leurs activités au fil des ans. "Officiellement, nous sommes considérés comme de simples éleveurs, rappelle Florent Lupi-Chapelle. Mais les manadiers transmettent aussi un savoir-faire et des traditions ancestrales. Tout ce que nous demandons, c’est que l’art de vivre et la culture camarguaise puisse renaître."
Quel protocole pour la reprise des fêtes votives ?
Pour cela, il faudrait que les activités taurines reprennent. Les fêtes votives devraient normalement débuter à la mi-juin et début juillet dans le Gard. Mais le protocole sanitaire à suivre n’est toujours pas connu. « On nous dit que les gens pourront se contaminer en touchant les barrières. Je ne comprendrai pas que le tour de France soit maintenu et que nos traditions locales soient sacrifiés » s’exclame Florent Lupi-Chapelle.
Malgré la fin annoncée de l’état d’urgence sanitaire le 30 juin, la situation pour les manadiers reste encore très floue. Certaines communes, comme Meynes, Remoulin ou Aubord, ont tout de même affirmé leur volonté d’organiser leurs traditionnelles fêtes votives. Une rencontre avec la préfète du Gard fin juin devrait éclaircir la situation.