Après avoir reçu des menaces de mort dans sa boite mail, la députée LREM de la 5e circonscription du Gard, Catherine Daufès-Roux, publie une lettre ouverte et dénonce la banalisation de la violence envers les élus dans un contexte de crise sanitaire.
Ce sont des mots d’une extrême violence : "Les corps des collabos vont s’entasser, car ce qui se prépare dépasse ton imagination, et c’est entièrement ta faute (…), si le sang coulera." La députée LREM de la 5e circonscription du Gard Catherine Daufès-Roux, a reçu ces menaces de mort en ouvrant sa boite mail de l’Assemblée Nationale, la première semaine de février.
Un mail anonyme, dont l’auteur visiblement antivax dénonce une certaine « dictature sanitaire », et une liberté par laquelle il justifie programmer des assassinats d’élus lors de la campagne présidentielle. "Je n’ai qu’une idée en tête, c’est de faire un carnage, et je vais me servir des meetings de la présidentielle pour tuer des candidats", ajoute-t-il. La députée a porté plainte à la gendarmerie d’Alès ce vendredi 7 février.
Je suis prêt à faire un véritable carnage comme la France n'en a encore jamais connu, je pense être capable de tuer un grand nombre de députés avec ma Zastava et peut-être même pouvoir atteindre des ministres..."
auteur anonyme
Profondément choquée, Catherine Daufès-Roux a par la suite dénoncé ces propos « qui nous font honte », en partageant publiquement les messages de menaces sur son compte Facebook. En colère, la députée s’exprime dans une lettre ouverte pour rappeler aux auteurs de menaces « le poids des mots ». L’emploi du mot « collabo » n’est en effet pas neutre pour Catherine Daufès-Roux qui dénonce une atteinte à la mémoire des victimes de l’holocauste.
Dénoncer la violence des mots dans une lettre ouverte
"Madame, Monsieur,
Il menace par mail, sans signer, ses mots m’ont fait honte et nous font honte. "Résistant" auto proclamé à une soit disant "dictature sanitaire", il accuse celles et ceux qui ne sont pas comme lui, de "collabo".
Ignore-t-il tout le poids de ces mots dans notre mémoire commune ? Ou les falsifie-t-il délibérément, en toute conscience ?
A-t-il ne serait-ce qu'un instant songé à ce que pouvait ressentir celui qui a expérimenté dans sa chair la traque, le port de l'étoile, la peur, les souffrances et le deuil quand l'État, antisémite et policier, avait perdu son visage Républicain et démocratique ?
Qu'il exprime ainsi son opinion, signe son renoncement à admettre la réalité telle qu’elle est, que toute ne se compare ou ne se vaut pas.
Qu'il cesse de convoquer l'histoire, de l'instrumentaliser et d'en vendre les contre façons au vide grenier de ses fantasmes haineux incitant à la violence.
Qu’il s’exprime ainsi signe une défaite de la pensée. C'est un abandon aux seules passions, les pires, qui éloignent d'un débat décent, en conscience et en responsabilité.
Alors comme vous tous, je ne peux m'empêcher de penser à celles et ceux qui, à raison de leur opinion politique, leur ethnie, leur culture, leur obédience ou encore leur combat héroïque pour les libertés et la dignité de l'Homme, ont subi d’atroces souffrances ou la mort, synonyme parfois de délivrance, à cause de la folie criminelle qui fait perdre à l'Homme sa conscience humaine.
Leur mémoire impose notre respect. "Il y a des moments où il est dit dans la parole, les morts vous écoutent. Croyez-vous qu'ils écoutent cela ?!" s'était exclamé Robert Badinter. Puissions-nous toujours être écoutés.
Nos Cévennes, terres de refuge, de tolérance et de résistance, portent un esprit qui fait corps avec ses paysages, et un silence qu’il est bon d’écouter. Puissions-nous ensemble, toujours savoir l’écouter : pour ne rien oublier des sacrifices passés, et regarder le présent et l’avenir lucidité. Et que nos paroles et nos actes parent et résistent sereinement aux exagérations, outrances de toutes les époques. En République et dans nos Cévennes, on ne bafoue pas l’idée de liberté, que l’on rattache toujours à l’exigence de responsabilité. On sait quel est son prix.
Catherine DAUFES-ROUX
Députée du Gard"
Des élus violentés depuis le début de la crise sanitaire
Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, les agressions physiques contre les élus ont augmenté de 47% sur les onze premiers mois de 2021, par rapport à la même période l'année précédente. 1 186 élus ont été pris pour cible dans les onze premiers mois de 2021, dont 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints victimes d'agressions physiques, soit une hausse de 47% par rapport à 2020. 419 outrages ont aussi été recensés (+ 30%).
Le contexte sanitaire explique en partie cette nette hausse des chiffres, avec des tensions à l'été 2021 pendant les débats sur le pass sanitaire. Un phénomène qui semble s’intensifier depuis décembre 2021 et l'annonce du pass vaccinal.
Ainsi, Patricia Mirallès, députée de l’Hérault, témoignait dans l’émission C Politique sur France 5, avoir reçu près de 21 menaces de mort après trois jours de débat 21 à l’Assemblée Nationale. Touchée par un covid long, la députée de l’Hérault, membre de la majorité, continue à défendre la vaccination.
Face à la multiplication des menaces et agressions, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait alors demandé le 29 décembre aux préfets de renforcer la protection des élus.