Gard : des tombes d'enfants harkis découvertes après des fouilles au camp de Saint-Maurice-l'Ardoise

Depuis 30 ans, les Français musulmans réfugiés d'Algérie du camp de Saint-Laurent-des-Arbres recherchaient le cimetière sauvage où des enfants harkis ont été enterrés entre 1962 et 1964. Grâce aux recoupements de plusieurs témoignages, le site a pu être identifié. Mi-mars, 27 sépultures ont été retrouvées.

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Le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise, dans le Gard rhodanien, a accueilli des harkis de 1962 jusqu'à sa fermeture en 1976. Cette année-là, 800 familles rapatriées y vivaient toujours.

Parmi elles, celle d'Hacène Arfi. Le président de la coordination harka du Gard a passé sa jeunesse dans le camp.

"Je suis arrivé d'Algérie via Marseille à l'âge de 6 ans et j'ai quitté le camp à 20 ans. En 1962, ici, nous avions froid, nous avions faim, et il y avait une épidémie de rougeole. Des enfants sont morts. Mais les communes voisines ne voulaient pas inhumer les réfugiés musulmans dans leur cimetière. Alors jusqu'en 1964, les militaires enterraient les cadavres dans le camp, sans sépultures et souvent sans prévenir les familles" explique Hacène Arfi encore ému.

27 sépultures et des ossements d'enfants

Sur plusieurs dizaines de mètres, suivant un alignement légèrement oblique, les sépultures se devinent, sous une terre à l'aspect et aux couleurs modifiés "par un creusement antérieur et par la décomposition des corps", prévient Patrice Georges-Zimmermann, archéologue à l'Inrap.

Nous avons la confirmation qu'il s'agit bien du cimetière recherché, puisque deux tombes, au moins, recèlent des ossements d'enfants.

Patrice Georges-Zimmermann, archéologue à l'Institut national de recherches archéologiques préventives.

Cette découverte historique est le résultat de fouilles sans précédent décidées pour la première fois par l'Etat français après la révélation de l'existence de ce cimetière par une enquête de l'AFP en septembre 2020 et le travail inlassable d'associations locales pour sortir de l'oubli ce pan tragique de l'histoire franco-algérienne.

Plusieurs piquets, oranges vifs, sont ainsi plantés signalant l'emplacement des tombes.

"Nous avons un certain nombre de fosses, ovales, assez étroites, dont la taille dépend de l'âge des individus placés dedans. Beaucoup sont des enfants, voire des bébés", poursuit l'expert.

Le témoignage d'un gendarme datant de 1979

C'est Nadia Ghouafria, fille de harkis, qui a découvert dans des archives le procès-verbal d'un gendarme rédigé en 1979, attestant que les autorités avaient eu connaissance de l'existence de ce cimetière mais n'en ont délibérément pas informé les familles des victimes.

Sur le registre d'inhumation des camps de Saint-Maurice l'Ardoise et Lascours, tombés longtemps dans l'oubli, tout comme le procès-verbal du gendarme, sont apposés 71 noms. 10 adultes et 61 enfants.

Dans ce cimetière sauvage enfin découvert, en contrebas d'une clairière à peine visible depuis la route, le registre annonce l'inhumation de 31 d'entre eux. Une première campagne de fouilles, menée en 2022, quelques centaines de mètres plus loin, n'avait rien donné.

Cette fois, c'est le bon endroit. Dès ma première lecture du procès-verbal, j'étais convaincue que le cimetière existait. Ça va aider beaucoup de familles à la recherche de leur défunt.

Nadia Ghouafria, association Soraya dédiée à la mémoire des enfants d'ex-combattants morts dans les camps.

La pelleteuse poursuit un méticuleux déblaiement. Sous la terre remuée, une dalle apparaît soudain. Le moteur de la machine est stoppé, les archéologues s'approchent. Patiemment, l'un d'eux dégage la surface à l'aide d'une rasette, un petit outil en fer. Deux pierres, plates, grises et rectangulaires, se révèlent.

"Ça ressemble vraiment à une pierre tombale", commente Patrice Georges-Zimmermann. A l'extrémité des autres fosses, seules quelques petites pierres avaient jusqu'ici été repérées, "probablement des stèles déposées au niveau de la tête du défunt", selon Bertrand Poissonnier.

"Rendre leur dignité aux victimes et aux familles"

Depuis 30 ans, des associations se battent pour rendre hommage aux victimes et aux familles qui ont vécu dans les camps du Gard. Souvent dans des conditions indignes...

Au départ, c'était un camp militaire. Nous étions enfermés, comme en prison. Jusqu'en 1970, il fallait une permission de sortie pour mettre les pieds hors du camp. Ici, des Français ont souffert, ici des Français sont morts, un peu comme dans un camp de concentration. Cela fait 30 ans que l'on réclame un mémorial.

Hacène Arfi, président de la coordination harka du Gard.

"Nous savons que les conditions d'accueil et de vie des Harkis ont été indignes et malheureusement, on le constate sur ce site du camp de Saint-Maurice l'Ardoise, elles l'ont été jusque dans les conditions d'inhumation", a réagi le secrétariat d'Etat français chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, interrogé par l'AFP à propos de la découverte du cimetière.

Ces recherches de tombes d'enfants harkis "étaient nécessaires, et répondaient aux demandes formulées par les associations. Nous continuerons d'accompagner les familles afin de leur rendre toute leur dignité, chaque fois que cela sera possible", a ajouté le secrétariat.

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