À Nîmes personne n'échappe au trafic de drogue, même les écoles. Élèves et professeurs se barricadent contre les intrusions et balles perdues, dans un quartier devenu zone de non-droit. « Des trafiquants aux portes de l’école », un reportage d’Envoyé spécial à voir ce soir sur France 2.
Des cris déchirent le quartier de Chemin-Bas d’Avignon, à Nîmes. Des adolescents vêtus de noir, sous leurs capuches, crient « Arah Arah ! » à gorge déployée pour prévenir du passage de la police. En plein jour, sans aucune réaction des forces de l’ordre. « Voilà, il n’y a rien pour eux ! » se vente un des guetteurs devant la caméra d’Envoyé spécial lors du tournage « Des trafiquants aux portes de l’école » à voir ce soir sur France 2, à 21h.
Des images fortes, qui dès les premières minutes, nous font comprendre que le rapport de force s’est inversé. Les dealers sont chez eux, et leur emprise sur ce quartier n’a plus de limites.
Des trafiquants dans la cour d’école
Les écoles, considérées jusque-là comme des sanctuaires, ne sont plus en sécurité. C’est le cas de l'école élémentaire Georges Bruguier, située au coeur du quartier prioritaire du Chemin bas d'Avignon à Nîmes.
Chaque jour, des guetteurs sont postés aux quatre coins de l’école, même lors des récréations. Un jour de décembre c’est la panique : deux hommes cagoulés sautent du toit et fuient dans la cour au milieu des élèves paniqués pour échapper à la police.
Un épisode traumatisant pour tous les parents et enseignants. Depuis l’école s’est barricadée derrière des grilles de trois mètres de haut. Mais rien ne semble arrêter les trafiquants. Depuis le début de l’année, 3 fusillades, qui ont fait un mort, ont éclaté à quelques mètres de l’école.
Des policiers dépassés
Devant les caméras, alors qu’ils viennent de trouver du cannabis sur le toit de l’école les policiers le reconnaissent : « Le trafic est plus fort que nous ». Malgré l’arrivée en renfort de 10 policiers à Nîmes, le rapport de force semble inégal. Les voitures de patrouilles, repérées par les guetteurs, sont régulièrement caillassées. En mars dernier, des camions de CRS sont attaqués au mortier d’artifice, et sont obligés de faire demi-tour.
[#AntiStups] Plusieurs mois d'investigations menés par les enquêteurs de la Sûreté Départementale du #Gard ont permis avec l'appui du #RAID l'interpellation à #Nimes de 6 personnes impliquées dans un trafic de #stupefiants sur les réseaux sociaux.#GAV pic.twitter.com/mrKbzFMfu7
— Police Nationale 30 (@PoliceNat30) May 27, 2021
Cet abandon des forces de l’ordre est édifiant. Faute de moyens, le quartier est devenu une zone de non-droit, laissé aux mains des trafiquants de drogue. Des trafiquants bien conscients de leur position de force, qui craignent bien plus les règlements de compte entre bandes que la police. « Le trafic de drogue ça ne s’arrêtera jamais. Tout le monde le sait. Il y a du sang qui a été versé pour ça » affirme l’un d’eux.
Des habitants menacés
On se croirait dans un mauvais film, mais cette violence est bien réelle, et les habitants du quartier la subissent tous les jours. Les équipes d’Envoyé Spécial ont pu obtenir le témoignage précieux d’une mère.
Celle-ci décrit le trafic de drogue comme une toile d’araignée. Un réseau extrêmement bien organisé, où tout le monde se connaît ou presque, mais où la menace est quotidienne. "Par exemple, il y a une maman, son fils guettait, raconte-t-elle. Il a voulu arrêter. Ils lui ont défoncé la porte. Ils ont tout saccagé chez elle, en sa présence. Le petit, ils l'ont mis en sang, il s'est retrouvé aux urgences, et la maman, elle était impuissante. Elle n'a jamais porté plainte parce qu'elle savait ce qui allait se passer derrière. Tout le quartier le sait."
Des enfants enrôlés comme guetteurs
Un climat de peur, jusqu’au sein de l’école. C’est l’heure de la sieste pour les enfants de l’école maternelle. Les petits s’endorment avec les « Arah » des guetteurs. Une scène glaçante. Car pour ces enfants, cette violence est devenue la norme. Et ce reportage pose la question : quel sera leur avenir ?
Selon cette maman, les trafiquants recruteraient désormais les enfants à la sortie des écoles. "Ils les abordent, ils leur proposent, ils leur montrent des billets, donc forcément, ça les tente." Des enfants recrutés par des trafiquants de drogue, un scénario terrible et pourtant inéluctable. Car dans ce quartier, 60 % des familles vivent sous le seuil de pauvreté, le trafic est une manière simple de se faire de l’argent : environ 100 euros par jour pour un guetteur.
Une situation qui inquiète Christophe Boissier, le directeur de l'école élémentaire Georges-Bruguier : « Comment leur dire de respecter la loi, alors que sous leurs yeux des individus bravent les forces de l’ordre et la loi tranquillement ? »
Le 4 janvier 2021, les responsables d'écoles du Chemin-Bas et du Clos-d'Orville, à Nîmes, ont adressé une lettre ouverte au président de la République, restée pour le moment sans réponse. Le 12 février 2021, la préfecture du Gard a signé une convention pour renforcer la collaboration entre les différents services de l'Etat, notamment entre l'Education Nationale et la Justice.