Ils campent depuis trois jours dans des salles emblématiques de France. Les intermittents du spectacle souhaitent au plus vite la réouverture des lieux dédiés à la culture dans le strict recpect des règles sanitaires.
Et nous ? Les supermarchés sont ouverts, les transports en commun fonctionnent. Et nous ? C'est le cri d'alarme de la culture.
Cela fait un an que les théâtres et en général tous les lieux dédiés à la culture sont fermés. Un an que les comédiens n’ont pas foulé les planches, ni fréquenté le moindre festival. Alors aux quatre coins de France, ils ont investi des lieux culturels emblématiques (l'Odéon à Paris, le centre national chorégraphique à Montpellier).
A Nîmes, une vingtaine d’artistes campent toutes les nuits depuis ce week-end dans la grande salle de Paloma « pour respecter les gestes sanitaires . La journée, ils organisent leurs assemblées générales dans le patio à l’extérieur », précise Frédéric Jumel, son directeur.
Même si nous avons des créations en résidence, le fait de de pas pouvoir se produire, de n’avoir aucune perspective de réouverture, d’être dans le brouillard est compliqué à vivre. Je comprends le mouvement
A bout de nerfs
Jean-Christophe Coutaud, comédien et clown de la compagnie Spectra, a perdu son sens de l’humour. «J’avais un bon mental mais je commence à être très préoccupé par ce qui arrive".
On est tous à bout psychologiquement. On n'arrive plus à en vivre et à subsister.
Le comédien n’a plus joué devant un public depuis un an.
Année blanche
Le monde du spectacle, qui vient de vivre une année blanche, demande au gouvernement que celle-ci soit prolongée. Ils demandent également qu’une attention plus importante soit accordée au statut des femmes au niveau de la parité.
« Il faut assouplir les règles pour que l’on puisse retourner au spectacle. La santé mentale et physique des gens en dépend », ajoute Jean-Christophe Coutaud.
Les manifestants s’organisent pour tenir. « On tourne, on dort à tour de rôle à Paloma. On a mis en place des groupes de travail".
Embouteillages
« Là on créée et on attend. En temps normal, c'est déjà l’embouteillage car il y a énormément de créations et c’est très difficile de se placer dans les programmations… Mais là c’est plus qu’une angoisse, on risque de ne plus pouvoir jouer pendant plusieurs années. Ce n’est pas sur six mois ni sur un an. Et en plus on ne sait rien des effets collatéraux du covid au niveau de l’économie et des retombées sur la culture".
Plan social sans précédent
"Le social va exploser, la dette va exploser. Que vont décider les gouvernements ? Quelle sera la politique culturelle de demain ?" s'inquiètent les comédiens. Un mouvement qui s'inscrit dans un contexte global, "une convergeance des luttes connectée avec la société. Nous ne sommes pas un mouvement à part. Les salles de sport mais aussi les restaurants doivent rouvrir égaleement".
Selon le SFA, syndicat des français des artistes, 40 000 intermittents sur 276 000, soit près d’un quart de la profession, vont perdre leurs droits au 1er septembre. Du jamais vu. "Un licenciement massif de la profession. Des gens vont perdre leur activité. Certains seront en dépression et vont abandonner car ce n’est plus possible" s'inquiète le comédien.
Santé mentale
"Plus généralement les Français qui ne peuvent plus aller au restaurant, dans les salles de sport ou au spectacle, cela va créer d’autres problèmes sanitaires : dépression, troubles physiques….
Si on ouvre les lieux de culte et les hypermarchés, il faut aussi que l’on pense à la santé mentale et physique des Français… Il faut que l’on ouvre des lieux de culture avec les bons protocoles, le respect des précautions sanitaires..." ajoute Jean-Christophe Coutaud.
Il est déterminé comme ses pairs à se faire entendre. Le mouvement a été reconduit. Cette nuit encore, lui et d'autres intermittents du spectacle camperont dans la salle Paloma de Nîmes.
"Je fais de l'enduit, je ramasse des asperges" : Amélie Zaroukian, comédienne
Elle est chanteuse, comédienne... Et depuis peu elle a profité de la crise pour avoir une nouvelle corde à son arc, la voix off. Amélie Zaroukian travaille avec les associations... A l'arrêt ou presque depuis un an, elle n'arrive plus à vivre de son métier. "Il faut bien manger, alors mon frère qui a une entrepise de peinture m'a embauchée. Je fais de l'enduit. J'ai aussi ramassé les asperges au moment de la récolte", soupire la jeune femme. "C'est épuisant moralement. Nous n'avons pas de visibilité. Nous ne savons pas si nos droits seront prolongés. J'ai 1000 euros par mois au lieu du double habituellement. Mon mari (qui est aussi intermitent du spectacle) et moi ne savons pas si nous allons continuer dans ce métier ou pas".