638 amendements ont été déposés contre la proposition de loi d'Aymeric Caron pour abolir la corrida. La députée EELV Marie-Charlotte Garin a publié un "florilège" des pires amendements déposés sur le texte qui doit être présenté à l'Assemblée jeudi 24 novembre 2022
Ce n'est pour elle qu'"obstruction, caricature et mauvaise foi". Marie-Charlotte Garin ne cache pas son exaspération sur Twitter. Selon la jeune députée EELV du Rhône (27 ans), la grande majorité des amendements déposés par les défenseurs de la corrida, 638 au total, n'ont pour unique but que "de faire durer les débats et d'empêcher le vote final qui doit avoir lieu en séance -impérativement- avant jeudi minuit". Et l'élue lyonnaise d'en donner pour preuve ce florilège des "pires amendements" déposés sur le texte. Un top 7 dans lequel figurent plusieurs députés d'Occitanie, farouchement opposés à cette interdiction.
"Un grand pas pour... le moustique" pour Patrick Vignal
Car l'article unique de la proposition de loi du député LFI de Paris Aymeric Caron stimule visiblement l'imagination des députés. Yoann Gillet, député RN du Gard, propose par exemple de remplacer tout simplement le titre "Abolir la corrida : un petit pas pour l'animal, un grand pas pour l'humanité" par "Imposer l'idéologie des mangeurs de graines aux habitants du sud de la France". Un titre plus "cohérent" justifie l'élu RN. Les socialistes David Habib, député des Pyrénées-Atlantiques (non inscrit) et David Taupiac, député du Gers (groupe LIOT) aimeraient également remplacer la seconde partie du titre par "imposer un mode de vie parisien".
Patrick Vignal, le député Renaissance (ex-LREM) veut remplacer dans le texte les mots "l'humanité" par "le moustique". Et très sérieusement, le député de l'Hérault argumente qu'Aymeric Caron a en effet "à plusieurs reprises, fait part de sa volonté d'aboutir à l'interdiction de toute activité humaine pouvant nuire d'une quelconque façon à un animal ou un insecte, même nuisible". Pour le macroniste, ce titre serait "plus représentatif de l'idéologie qui la motive réellement." Dans un autre amendement, Patrick Vignal va jusqu'à proposer une "formation sur le bien-être animal" pour les toreros au sein des élevages de taureaux.
Le danger de "l'anthropomorphisme" pour Emmanuelle Ménard
Emmanuelle Ménard, députée Divers droite de l'Hérault, propose quant à elle de remplacer "l'humanité" par "l'anthropomorphisme". Car pour l'épouse de Robert Ménard, le maire de Béziers, ville de feria, la proposition d'Aymeric Caron "tire ses fondements d'une philosophie anthropomorphique qui projette sur l'animal l'image que l'homme se fait de lui-même".
A l'appui de son propos, Emmanuelle Ménard cite plusieurs déclarations du député LFI : "ce n'est pas parce qu'une espèce ne sait pas compter jusqu'à 100 qu'elle n'a pas de facultés mentales tout aussi intéressantes que les nôtres" ou encore "le fait qu'un bovin passe ses journées à brouter au lieu de surfer sur Internet et aller boire des coups avec ses potes ne rend pas sa mort moins problématique que celle d'un Homo sapiens."
Pour elle, "cette vision du monde n'est pas sans danger". Et de conclure avec philosophie à son tour : "en voulant faire de chaque animal une personne, et non plus un individu appartenant à une espèce, l'auteur tend à réduire l'Autre au Même."
De "l'obstruction pure et simple" selon Aymeric Caron.
Des banderilles qui, selon les partisans de l'interdiction, cacheraient surtout une tactique pas très fairplay des défenseurs de la corrida, pour esquiver tout débat dans l'arène parlementaire. En témoigne encore, selon Marie Charlotte Garin, ces 45 amendements venus d'un collectif du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), mené par Florence Lasserre, avec des noms de villes ou régions différentes pour proposer de maintenir la corrida seulement dans ces lieux.
Aymeric Caron a lui aussi condamné cette "obstruction pure et simple", avec "certains amendements qui s'en prennent à moi" personnellement, en citant autre amendement de Yoann Gillet, qui souhaite rebaptiser le texte en une proposition visant à "promouvoir la carrière d'un seul homme". Si la discussion ne peut pas démarrer, "je dirai que c'est dramatique, c'est une honte pour l'Assemblée nationale" mais "le combat continuera dès le lendemain" contre la corrida avec une autre initiative, a assuré l'ancien journaliste, à la tête désormais du micro parti "Révolution Écologique pour le Vivant" (REV).
La colère du groupe LFI
Lundi, c'est La présidente du groupe LFI à l'Assemblée, Mathilde Panot, qui a fustigé une "obstruction anti-démocratique" contre les textes insoumis à l'ordre du jour pour interdire la corrida ou constitutionnaliser l'interruption volontaire de grossesse.
"Mon groupe déplore l'obstruction anti-démocratique des macronistes, des lepénistes et de la droite qui main dans la main ont déposé des centaines d'amendements sur les textes qui doivent être examinés en premier", afin "d'empêcher tout débat", s'est émue Mathilde Panot. "Ces amendements par centaines dénaturent complètement le déroulement de niches parlementaires", a-t-elle critiqué, alors que le groupe LFI dispose d'une journée réservée dans l'hémicycle pour défendre ses textes.