Un "cancer du sport" pour l'accusation, un dossier gonflé pour "faire le buzz" aux yeux de la défense, le tribunal correctionnel de Paris rend ce jeudi son jugement dans l'affaire des soupçons de matches arrangés de Ligue 2 en 2014. 9 personnes ont comparu en juin 2018 dans cette affaire.
Neuf hommes ont comparu en juin devant la 32e chambre correctionnelle, la plupart pour association de malfaiteurs en vue de la constitution du délit de corruption sportive, parmi lesquels les anciens propriétaires du club de Nîmes. L'affaire porte sur 6 matchs.
Jean-Marc Conrad, ex-président du Nîmes Olympiques, et Serge Kasparian, alors actionnaire principal, sont soupçonnés d'avoir cherché à arranger plusieurs matches de la fin de saison 2013-2014 afin d'éviter une relégation en National du club qu'ils venaient de reprendre, aidés par un patron de club amateur, Franck Toutoundjian.
De nombreuses écoutes téléphoniques attestent selon le Parquet national financier (PNF), une "volonté déterminée" du trio d'arranger la série de matches restant à jouer, avec l'aide parfois d'intermédiaires.
Des réquisitions jusqu'à 2 ans de prison ferme
Les procureurs financiers avaient demandé des peines allant jusqu'à deux ans de prison ferme contre huit des prévenus, dénonçant une "tricherie" et s'élevant contre la corruption, "cancer du sport".
Contre Jean-Marc Conrad et Serge Kasparian a été requise la peine la plus importante, trois ans dont un avec sursis et 50.000 euros d'amende. Et deux ans, dont un avec sursis, ainsi que 5.000 euros d'amende contre M. Toutoundjian.
Aux yeux de l'accusation, six matches ont fait l'objet de tentatives d'arrangements: les rencontres de Nîmes contre Bastia (0-0), Dijon (défaite 5-1), Brest (1-1), Laval (victoire 2-1), Caen (1-1) et Créteil (1-1). Mais pas Nîmes-Istres (1-0).
Les tentatives alléguées avaient cependant échoué: il n'est pas reproché aux prévenus d'avoir altéré l'issue des rencontres, mais d'avoir essayé.
"Café des sports" et buzz médiatique ?
Il subsiste toutefois des "doutes" quant au match central du dossier, un nul 1-1 contre Caen le 13 mai 2014, qui avait permis aux Normands de monter en Ligue 1 et à Nîmes d'éviter la relégation, avaient estimé les procureurs du PNF.
Si Jean-Marc Conrad et l'ancien patron du club de Caen, Jean-François Fortin, respectivement jugés pour corruption active et passive pour ce match, avaient évoqué au téléphone l'intérêt d'un nul, "aucun élément ne permet d'affirmer que les tentatives nîmoises ont réussi", avaient estimé les magistrats. Les joueurs avaient clairement levé le pied, mais rien n'établit que M. Fortin le leur avait demandé.
Toutefois, le simple fait que M. Fortin ait "agréé" par téléphone à la proposition nîmoise suffit, pour le PNF, à le condamner à un an avec sursis et 10.000 euros d'amende.
"Ce besoin impérieux de se rassurer sur le fait que chacun jouait le match nul, c'est de la corruption", avait insisté l'un des procureurs.
Cinq à dix mois avec sursis ont été requis contre quatre autres hommes soupçonnés d'avoir joué le rôle d'intermédiaires ponctuels.
Le parquet a également demandé des interdictions d'exercer toute fonction dans un club pendant une durée allant jusqu'à cinq ans. Et la relaxe de l'ancien joueur Abdelnasser Ouadah, écartant toute tentative d'arrangement de la rencontre Nîmes-Istres.
Les prévenus ont nié toute intention corruptrice et leurs avocats ont plaidé la relaxe, dénonçant une affaire gonflée artificiellement.
Dans le cas de M. Fortin, "on nous transforme une conversation de +café des sports+ en un pacte de corruption. Ce n'est pas possible", avait soutenu l'un de ses avocats.
"J'ai vraiment un sentiment de procédure arrangée", avait lâché un autre de ses défenseurs, accusant enquêteurs et parquet d'avoir voulu "faire le buzz" et créer une "jurisprudence" sur le délit de corruption sportive créé en 2012.
Plusieurs avocats de la défense ont attaqué ce délit en estimant qu'il s'applique aux paris sportifs et non au cas présent.
La Ligue de football professionnel et de la Fédération française de football se sont constituées parties civiles.