Réchauffement climatique : des pêcheurs en tête d’une filière de recyclage dans un océan de plastique

Depuis 10 ans, les pêcheurs du Grau-du-Roi traquent les ordures de la mer. Celles qui souillent et défigurent la Méditerranée. Chaque jour, ils remontent dans leurs filets des dizaines de kilos de plastique. Triés à bord, ces déchets sont recyclés. Un engagement efficace pour sauver les océans. 

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Quand on voit tous les déchets qu’on pêche en pleine mer, si nous on ne les ramasse pas, qui le fait ? 

Sur le quai du port du Grau-du-Roi, dans le Gard, Dominique Duprat manifeste sa colère.
Ces pêcheurs ne supportent plus de travailler dans l’une des mers les plus polluées du monde. Ils sont devenus les premiers maillons d’une chaîne d’économie circulaire. Au milieu des maquereaux et dorades, chaque jour, ils remontent dans leurs filets des dizaines de  bouteilles, barquettes alimentaires, résidus de sacs et emballages, et couverts et pailles en plastique.
Depuis 10 ans, 22 équipages de chalutiers récupèrent tous ces déchets plastiques pour les rapporter à terre. Une initiative qui existe aussi dans d'autres ports européens.

Dominique Duprat est l’un des plus engagés dans cette démarche. Ce qui le motive ? 

On veut montrer que les pêcheurs contribuent à pérenniser les fonds marins en les nettoyant.

Des pêcheurs qui veulent à tout prix « redorer le blason d’une profession  accusée de vider la Méditerranée. »Leur tâche exige rigueur et connaissances.A bord, avec son équipage, Dominique Duprat sélectionne les plastiques adaptés au recyclage.Il doit mettre de côté polystyrènes, plaques de plastique durs et épaisses, contenants de produits toxiques. Des pêcheurs qui s'engagent pour la planète.

A quai, il verse sa récolte dans des conteneurs placés sur le port par l’Institut marin du « Seaquarium », l’aquarium du Grau du Roi.

Pauline Constantin et Julie Maheut sont souvent sur les quais pour leur donner des conseils. Elles sont respectivement responsable et ingénieur de l’Institut marin du Seaquarium.
 L’association de défense du milieu marin de l’aquarium du Grau du Roi a initié l’opération «  Reseaclons. »
Un projet soutenu par la communauté de communes « Terre de Camargue «  et le port de pêche, la marina et la municipalité  du Grau du Roi.
 
Son ambition : « On veut fédérer les professionnels de la mer, entreprises et société civile, pour réduire la pollution plastique, et développer une filière de  recyclage. », explique Pauline Constantin.
Conditionnés dans d’immenses sacs, les plastiques repêchés en mer prennent la direction de la « Plastic Vallée » près d’Oyonnax, dans l’Ain, à 400 km du Grau-du-Roi. Elle abrite la plus grande concentration d’entreprises spécialisées dans le plastique en Europe.
Les « déchets des mers » seront recyclés dans  l’entreprise « Triveo », spécialisée dans le traitement des déchets plastiques. Sollicité par l’équipe du Seaquarium du Grau du Roi, son fondateur Hervé Vion-Delphin a immédiatement accepté de recycler les collectes des pêcheurs.L’un de ses ingénieurs a inventé une technique qui permet d’amalgamer des plastiques de différentes natures. Une première mondiale. Jusqu’alors, il était impossible de mélanger les quelques 30 espèces de plastiques que l’on trouve en mer.

 les déchets sont broyés, transformés en granulés et compressés et frictionnés à l’intérieur même du moule. Ce qui permet aux diverses molécules de plastique de s’amalgamer.

On n’en saura pas plus…Secret industriel oblige, bientôt breveté. Seule contrainte : Les capacités physico-chimiques des plastiques sont altérées par la mer et le soleil. Impossible de les transformer en contenants alimentaires ou en  matériel médical. Les plastiques récupérés au fond de la mer deviennent donc des pots de fleurs ou des pots à crayons.

Hervé Vion-Delphin est fier de cette réussite technologique et écologique.

On aura recyclé 1000 tonnes de déchets qui étaient destinés à l’enfouissement. Parallèlement, on se dit que cet océan de plastique n’est pas irréversible. Les hommes doivent une réparation à notre planète.

Pour ce chef d’entreprise engagé, ces pots ont une valeur symbolique : le déchet flottant est devenu un objet utile. « En les achetant, on fait un acte militant. » Ces objets seront commercialisés à partir de fin novembre par l’aquarium du Grau du Roi. L’équipe du  Seaquarium vient d’achever la phase pilote de l’opération « Reseaclons ».

Pauline Constantin, la responsable de l’Institut marin est ambitieuse: «  Nous espérons promouvoir ce modèle dans d’autres territoires de la façade méditerranéenne. Pour que d’autres ports et communes s’engagent eux aussi, dans une revalorisation des déchets plastiques récoltés en mer ou sur les plages. »
 L’opération « Reseaclons » fait déjà des émules. D’autres pêcheurs imiteront sans doute bientôt ceux du Grau du Roi, notamment à Agde. Des communes de la Grande Motte, Port La Nouvelle ou Sète pourraient bientôt se lancer, elles aussi, dans cette aventure.
 
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