Le 11 mai 2021, Luc Teissonnière et Martial Guérin étaient abattus dans leur scierie des Plantiers (Gard). Un mois après, le village des Cévennes tente de reprendre sa vie sociale d'avant le drame. "On alterne entre la tristesse et d'intenses moments de joie et d'amour," confie le maire.
Un mois après le double meurtre perpétré par Valentin Marcone, Les Plantiers se relève peu à peu. "Nous traversons une période de fragilité", observe Bernard Mounier, le maire du village cévenol de 260 âmes. Pour l'élu, la vie ne reprendra que si le village se projette vers l'avenir et "ne ressasse pas en permanence ce qui s’est passé".
On alterne entre des moments de tristesse - car le souvenir de ce qu’on a vécu refait surface - et des moments d’intenses émotions, de joie, d’amitié, d’amour. Nous avons la brutalité de l’absence qui vient choquer de plein fouet ces moments intenses.
Ces absences, ce sont celles de Luc Teissonnière et Martial Guérin. Le dirigeant et l'employé de la scierie située à la sortie du village ont été abattus le mardi 11 mai 2021 par Valentin Marcone. Interpellé le 14 mai, le jeune homme est aujourd'hui mis en examen pour "assassinats".
Luc Teissonnière "avait créé cette scierie spécialisée dans le bois de châtaignier, de qualité. Cette entreprise était exceptionnelle. On a tous chez nous une poutre, une porte qui provient de chez lui Martial aimait beaucoup son métier, le travail du châtaignier, raconte la gérante de la Sarriette, l'auberge du bourg. Aujourd'hui, c'est finalement logique qu'il reposent tous deux sous des châtaigniers."
Coexister dans le village
Bernard Mounier estime que son village est parti "pour un long voyage". Il s'explique : " On va rentrer dans une période d’expertise, de contre-expertise pour arriver jusqu’à un procès, donc tous ces évènements vont faire qu’à chaque fois la mémoire de ces évènements-là va ressurgir et va peut-être de nouveau créer quelques traumatismes." Une cellule médico-psychologique continue d'ailleurs d'accompagner les Cévenols les plus touchés par la tragédie. "C'est présent dans les têtes, mais on n'en parle pas beaucoup entre nous. On essaie de vivre, mais on n'oubliera pas," confie de son côté l'aubergiste.
Pour le moment, les familles des victimes n'ont pas été mises en confrontation avec celle de Valentin Marcone. Aucune ne compte quitter Les Plantiers : elles ont décidé d'entamer un dialogue ensemble, pour continuer à coexister sereinement dans le village, en attente du procès.
C’est ce que j’appelle la dignité. Ces familles ont posé la barre de la dignité assez haut, et nous on ne veut pas être en dessous. On ne peut pas être plus forts que ces familles-là. Nous, on se doit de ne pas se manifester par des propos ou des éléments de langage qui seraient outranciers. Il faut que l’on soit aussi dignes que ces familles-là.
Se reconstruire
Bercé par l'Euro 2020 et une festival de musique avec un repas commun, l'été pourrait redonner aux Plantiers une vie sociale. Le village cévenol est prêt à accueillir des touristes. Et même les plus morbides, ceux qui viennent pour découvrir le théâtre d'une tuerie.
"Je ne crains pas ces touristes. Si je les croise, ça me donnera l’occasion de parler à ces personnes, leur expliquer comment on se reconstruit. Ça ne me gêne pas. (...) Mais tout voyeurisme peut provoquer une réaction violente de la part de certains habitants, souligne Bernard Mounier. Ce qui me gênerait c’est de laisser passer ces gens sans pouvoir échanger avec eux. C’est important pour moi en tout cas. On doit sortir de tout ça grandis, gagnants."