A bientôt 71 ans, Jean-Louis Anfossi de Rochefort-du-Gard, s'élancera, ce vendredi, pour la course de tous les extrêmes. 168 km et 9.600 mètres de dénivelé autour du Mont-Blanc, à travers trois pays, l'Italie, la France et la Suisse. "Une épreuve", reconnaît-il, sans frémir.
Comme les 2.300 autres participants moins âgés de l'Ultra Trail du Mont-Blanc (UTMB), il devra franchir des cols enneigés dans un vent glacial ou peut-être affronter des pluies torrentielles en pleine nuit. Le tout en 46 heures maximum.
Crâne dégarni, visage allongé, lunettes et sweat à capuche, Jean-Louis ne semble pas particulièrement effrayé par ce menu qui en rebuterait plus d'un. "Le seul truc, c'est ma malléole (blessée à l'entraînement, ndlr): j'espère qu'elle va me laisser tranquille", dit-il.
Cet ancien représentant de commerce, habitant de Rochefort-du-Gard, dans le Gard, n'a pourtant pas toujours été le marathonien et "trailer" accompli qu'il est devenu.
Jusqu'à l'âge de 46 ans, le sport se résumait pour lui à "jouer aux boules le dimanche après l'apéritif", raconte-t-il.
Puis il s'est mis à faire du jogging pour perdre son "embonpoint". Et s'est lancé dans une course de 10 km après un pari avec un ami d'un de ses fils. "Je suis arrivé avant-dernier", lâche-t-il.
Pris au jeu, il court "un ou deux marathons pour les sensations" et se convertit au triathlon sur le coup de la cinquantaine.
Jean-Louis court l'Ironman d'Embrun en 2000, un triathlon longue distance avec 3,8 km de natation, 186 km de vélo et 42 km de course à pied, puis celui d'Hawaï en 2009.
Le tout grâce à un régime de fer: des petits-déjeuners à base de riz complet et de blancs d'oeufs, ni café, ni viande rouge, ni fritures. Et trois heures de sport par jour, essentiellement course ou natation.
"Le trail, c'est quand même traumatisant. Il faut rester concentré jusqu'au bout, c'est ça qui est difficile", souligne-t-il.
Au marathon du Montcalm, dans l'Ariège, une erreur d'inattention lui est ainsi fatale et le force à parcourir les trois derniers kilomètres avec une double entorse.
"Peur de vieillir"
Peu porté sur la fanfaronnade, Jean-Louis se vante peu de ses exploits sportifs, peut-être par crainte de passer pour un extra-terrestre. Mais grâce au sport, il dit se sentir bien, "encore jeune".
"Est-ce que c'est la peur de vieillir qui nous dit: entretiens-toi? C'est un peu comme enlever la rouille d'un volet quand on voit qu'il est en train de se dégrader", sourit-il.
"Il faut continuer à entretenir son corps!", approuve René Bachelard, 82 ans, président des trailers du Mont-Blanc.
L'ancien général en retraite ne courra cette année "que" l'OCC (Orsières-Champex-Chamonix), dernière née des courses périphérique de l'UTMB qui compte tout de même 53 km et 3.300 mètres de dénivelé.
En 2009, à 77 ans, René avait bouclé la CCC: 101 km et 6.100 mètres de dénivelé. Mais il n'avait pu courir l'UTMB l'année suivante, annulé pour cause de mauvaise météo.
Lui aussi a commencé la course sur le tard, avec un premier semi-marathon à 60 ans. Puis au fur et à mesure, il a augmenté l'effort, toujours "étonné à chaque fois d'arriver à faire des trucs comme ça".
Doyen du dernier marathon du Mont-Blanc, en juin 2014, il a laissé une bonne vingtaine de personnes "beaucoup plus jeunes" derrière lui, et a amélioré son temps des années précédentes.
"Il a une pêche d'enfer, c'est fou! J'ai l'impression qu'il n'est jamais fatigué", s'étonne sa femme Dany.
Chaque année, de nombreux septuagénaires prennent le départ de l'UTMB ou d'une course annexe. Plus de 40% des participants arrivent à boucler le parcours.
"Il n'y a pas de contre-indication due à l'âge", remarque Laurence Poletti, coordinatrice de l'équipe médicale de l'UTMB.
"Les capacités cardio-respiratoires se modifient avec l'âge et on est plus à l'aise dans ces épreuves d'endurance douce", ajoute-t-elle même.