Fermeture de l'unique clinique du Gers : "l'impact psychologique est énorme" témoignent soignants et patients démunis

Depuis la fermeture de la clinique de Gascogne, le 16 mars 2023, une petite partie des patients a pu être opérée à l'hôpital d'Auch. La grande majorité a dû repousser les interventions faute de places. Quant aux soignants de la clinique, ils ont reçu leur lettre de licenciement et réalisent difficilement la situation.

Un mois après sa fermeture, la clinique de Gascogne n'a plus rien à voir avec l'établissement que les Gersois ont connu. Seule activité encore maintenue pendant deux mois seulement : les consultations d'urologie, de stomatologie et d'orthopédie. Hormis quelques allées et venues de patients, c'est le calme plat. 

Plus d'opérations depuis un mois

Mikael Secco, chirurgien urologue n'a opéré aucun patient depuis un mois. Il est en discussion avec des cliniques privées de Toulouse pour transférer son activité "mais ça ne se fait pas comme ça. Il faut obtenir des autorisations du conseil de l'ordre, s'ajuster avec les plannings des autres chirurgiens...". L'urologue ne cache pas son amertume. 

C'est démentiel d'être lâché dans la nature. Depuis la fermeture, nous n'avons aucun retour de l'ARS et de la Préfecture. On ne peut compter que sur nous même. C'est un stress pour tout le monde !

Mickaël Secco, chirurgien urologue

Certains patients ont pu être pris en charge à l'hôpital d'Auch. Mais la plupart se dirige désormais vers d'autres cliniques privées situées hors du département.

C'est le cas de Gilberte, 82 ans : "Mon mari va finalement se faire opérer à la clinique des Cèdres à Cornebarrieu près de Toulouse. Cela reporte l'intervention de quinze jours. C'est ma fille qui va l'amener et le récupérer. Sans elle, nous aurions dû prendre les services d'une ambulance."

"L'impact psychologique est énorme"

Justine Boyer n'a pas revêtu sa blouse d'infirmière depuis le 16 mars 2023. La représentante du personnel de la clinique de Gascogne rumine encore ce "PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) catastrophique bouclé par le liquidateur en 18 jours !"

"Les salariés de la clinique se rendent compte qu'il n'y a pas de blanc B et l'impact psychologique est énorme" poursuit Justine Boyer. Chacun est rentré chez lui avec sa lettre de licenciement. La moitié du salaire de mars a été versée. Et le groupe Clinavenir, propriétaire de l'établissement de santé a donné 500 euros de prime supra légale à l'ensemble des salariés.

L'antenne de Pôle emploi dans le Gers a communiqué une information aux 94 salariés sur leurs droits et leurs devoirs et indique pouvoir les recevoir individuellement dans une seule agence du département afin de centraliser les dossiers.

Les salariés réfléchissent à une action collective pour obtenir de meilleures indemnités de licenciement.

"On a injecté 3,7 millions d'euros dans cette clinique"

Sollicité par France 3 Occitanie, le groupe Clinavenir a accepté de sortir de son silence. Jean-François Potel, chirurgien orthopédiste et actionnaire du groupe tient d'abord a rappelé l'histoire de la clinique de Gascogne. "Nous avons racheté l'établissement en 2018 au groupe Elsan. La clinique était en mauvais état global. Nous avons alors investi 2 millions d'euros dans du matériel et embaucher du personnel." 

Mais Jean-François Potel explique que la clinique n'a jamais trouvé l'équilibre financier. Les raisons sont multiples : un loyer exorbitant, 900 000 euros/an. (Le bâtiment appartient à Icade, filiale de la Caisse des dépôts et consignations) "Soit 15% du chiffre d'affaire de la clinique. Normalement le loyer ne doit pas excédé les 6%." Le non renouvellement par l'ARS de l'autorisation de médecine qui représentait 1 million du chiffre d'affaire, a également joué en défaveur de la clinique. Enfin, l'épidémie de covid et le Ségur de santé n'ont fait qu'accroître les difficultés selon le groupe Clinavenir. 

Fin 2021, nous avons réinjecté 1,7 million d'euros sur nos fonds propres. Je rappelle que Clinavenir est l'alliance de cliniques indépendantes en Occitanie. Les actionnaires sont des médecins.

Jean-François Potel, actionnaire de Clinavenir

L'ARS (Agence Régionale de Santé) a également versé 2 millions d'euros. Mais ces subventions n'auront pas suffit à redresser la barre. "On demandait de l'aide jusqu'en 2026. Mais on n'a pas senti de soutien politique notamment" explique Jean-François Potel. "C'est une grosse perte financière. Mais c'est d'abord triste pour les patients et pour les salariés."

Clinavenir a prévu une enveloppe de 80 000 euros pour abonder le PSE. La moitié sous forme d'une prime versée à chaque salarié, l'autre moitié pour l'aide à la recherche d'un emploi, d'un déménagement,...

Les soignants prioritaires dans les autres cliniques du groupe

Jean-François Potel assure qu'une liste de postes à pourvoir a été établi dans chaque clinique du groupe (Pasteur, Rive Gauche, Médipôle,...). "Les portes sont ouvertes. Nous avons toujours besoin de personnel. Ceux de la clinique de Gascogne seront prioritaires".

Même discours du côté de l'Agence Régionale de Santé d'Occitanie. Didier Jaffre, son directeur général assure qu'une liste de postes à pourvoir est en train d'être établie sur l'ensemble des sites médicaux et paramédicaux du département. Une dizaine de personnels de la clinique de Gascogne se serait déjà positionnée. 

Partenariat public-privé

Didier Jaffre affirme que l'ARS, l'hôpital d'Auch et les médecins libéraux "travaillent d'arrache-pied" pour maintenir une offre de soins dans le Gers par le biais d'un groupement de coopération sanitaire. 

5 à 10 médecins de la clinique de Gascogne ont rejoint ou vont bientôt rejoindre les équipes de l'hôpital d'Auch. Cela concerne les services d'ophtalmologie, d'ORL, de gastro-entérologie et de radiologie. Pour l'instant, nous n'avons pas trouvé de solution pour le service d'urologie mais le travail est en cours.

Didier Jaffre, directeur de l'Agence Régionale de Santé d'Occitanie

Le sort de la clinique de Gascogne paraît désormais scellé. Les patients gersois doivent donc faire une croix sur cette offre de soins. David Taupiac député LIOT du Gers l'avoue "le dossier est réglé. C'est irrémédiable malheureusement". "Le pire c'est que selon des estimations, le transport des patients vers d'autres établissements va coûter à l'assurance maladie plusieurs centaines de milliers d'euros chaque année."

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