"La direction estime pouvoir encore fermer des lits" : patients abandonnés, manque de personnel, un hôpital psychiatrique pointé du doigt

À l'heure où les soignants du Centre Hospitalier spécialisé en psychiatrie du Gers expriment leur colère face au manque de personnel, la Cour régionale des comptes d'Occitanie a rendu un rapport qui pointe du doigt les difficultés financières et humaines de l'établissement.

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Une situation financière préoccupante, un pilotage lacunaire, un manque de lits. La Cour régionale des comptes d'Occitanie a rendu mercredi 20 décembre 2023 un rapport sur le Centre hospitalier spécialisé en psychiatrie (CHS) du Gers, à Auch, seul établissement public du département spécialisé en santé mentale. 

Dans son rapport, la Cour régionale des comptes pointe du doigt des lacunes importantes dans la gouvernance de l'hôpital. À commencer par un manque de structure "dans son management médical et administratif". Le rapport souligne également le "fonctionnement isolé" de l'établissement. 

Surtout, la juridiction administrative observe une "forte tension" entre les besoins des patients et les limites de capacité d'accueil de l'hôpital. Depuis 2016, on assiste à une diminution de 25% du nombre de lits. La juridiction encourage l'hôpital à avoir plus souvent recours à l'ambulatoire, c’est-à-dire l'hospitalisation d'un patient pour moins de 12h sans nuit passée à l'hôpital. 

Un manque de moyen humain trop important

L'établissement doit aussi faire face "à des difficultés de recrutement de psychiatres, d’infirmiers et de cadres de santé". Le rapport évoque des heures supplémentaires effectuées et un recours à l'intérim qui coûtent cher. 

"Il y a un manque criant de personnel, se désole Angèle Léger, secrétaire adjointe CGT de l'hôpital. À ce jour, il manque 8 psychiatres sur les 15 prévus, mais aussi des infirmiers, aides-soignants, psychologues... On a le sentiment que la direction ne sait pas comment faire pour les retenir." 

Indigné de la situation, le personnel de l'hôpital a organisé quatre actions ces derniers mois pour faire entendre sa colère. La dernière remonte à mardi 19 décembre 2023, avant le conseil de surveillance. 30 minutes de silence, lourdes, pesantes. Derrière, aucune réponse de la part des membres du conseil. 

"On voudrait qu'ils recrutent, explique Angèle Léger. On leur a suggéré d'organiser des job dating, une bourse de l'emploi, de rendre notre hôpital attractif mais ils ne font rien. Alors on se fait voler le personnel par des cliniques privées et l'hôpital général."  Elle ajoute : "La direction estime qu'on peut encore fermer des lits mais ça signifierait fermer des postes et ça c'est impossible." 

Des patients laissés-pour-compte

Un manque de personnel qui se répercute directement sur la prise en charge des patients. La syndicaliste évoque le cas d'une patiente qui "ingère tout ce qu'elle trouve : cailloux, gants en latex..." Comme personne ne peut la surveiller toute la journée, elle est obligée de porter une muselière. 

Autre cas, une jeune fille arrive aux urgences après avoir subi un viol. Après avoir été examinée par les médecins urgentistes, elle n'a pas pu voir un psychiatre : tous étaient débordés. Au bout de 48h, aucun n'a pu se rendre disponible et la jeune fille a dû sortir, sans suivi, avec des idées suicidaires. 

Et puis il y a ceux qui ont passé de nombreuses années dans l'établissement, et qui se retrouvent dehors, du jour au lendemain, car ils ne sont plus assez de soignants pour s'en occuper. "Un homme, qui a été hospitalisé ici presque toute sa vie, a dû sortir." Sans logement, il a vécu plusieurs mois dans une chambre d'hôtel qu'il ne pouvait pas payer et a maintenant une dette de 10 000 euros. Un autre encore, édenté, fait la manche dehors, devant l'hôpital. Ils sont un certain nombre d'anciens patients à continuer de traîner aux abords de l'établissement, sans vraiment savoir où aller. 

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