Le virus H5N1 continue de se propager dans les élevages de volailles. Une pandémie plus forte que les précédentes qui frappe désormais la région des Pays de la Loire. Comme elle fournit entre 60 et 70% des canetons qui sont ensuite élevés et gavés dans le sud-ouest, il y aura forcément une incidence sur la production pour les prochaines fêtes de fin d'année.
Plus de 120 nouveaux foyers de grippe aviaire ont été identifiés la semaine dernière dans la région Pays de la Loire. Le vendredi 11 mars, le ministère de l'Agriculture annonçait 187 foyers contre 60 seulement cinq jours auparavant. C'est le cœur même des éleveurs naisseurs de canards qui est touché de plein fouet dans une période où le virus d'habitude est quasi-inexistant. De quoi inquiéter toute la filière de production de canards et de volailles.
Un 4e épisode de grippe aviaire sans précédent
La première épizootie de grippe aviaire version H5N1 est survenue lors de l'hiver 2015-2016. Un an plus tard, l'influenza aviaire sévit de nouveau en mode H5N8 suite au transport de volatiles contaminés du Tarn à destination d’éleveurs du Gers. La troisième crise en 2020-2021 marquera la fin des productions en extérieur et l'identification de zones de production trop denses qu'il faut réduire pour éviter la propagation. Quant au 4e épisode et le retour du H5N1 :
C’est un coup de semonce, une situation inédite. Les équations à inconnue se multiplient. Il faudra faire une analyse avec les scientifiques pour comprendre.
Marie-Pierre Pé, directrice du Comité interprofessionnel du foie gras (Cifog)
Le ministère de l'Agriculture estime que 3M d'animaux devront encore être abattus, ce qui porterait le chiffre à 4,2M soit quasi 1M de plus que lors du de la précédente vague. "Malgré une baisse de la densité des animaux de 25%, cela n'a pas empêché la pandémie d'être encore plus forte. D'habitude, elle sévit du 15 novembre au 15 janvier. Là, elle a commencé vers le 15 octobre et à la mi-mars, elle est toujours là. C'est très inquiétant, concède Marie-Pierre Pé.
Dans le sud-ouest (Landes, Gers, Pyrénées-Atlantiques), la grippe aviaire est à peu près contenue. "Les éleveurs ont réagi de suite. Ils ont respecté les feuilles de route. Des plateformes de dépeuplement ont été mises en place pour abattre les animaux immédiatement en cas de problème. Sur la situation de vide sanitaire, nous sommes en avance d'un mois par rapport à l'an dernier", affirme la dirigeante du Cifog. Le 29 mars prochain, les éleveurs seraient prêts à recevoir leur nouveau cheptel de canards. Mais beaucoup laisseront leur bâtiment vide : par choix ou par contrainte.
La région Pays de la Loire, et surtout la Vendée principale pourvoyeuse de canetons
Les Pays de la Loire fournissent 70% des canetons qui sont ensuite élevés et gavés dans le sud-ouest. Les autres 30% sont des petits canards nés sur place dans les départements du Gers, des Landes ou des Pyrénées-Atlantiques. Alors l'explosion des foyers de contamination ces dernier jours en Vendée et dans la région Pays de la Loire n'est pas une bonne nouvelle pour les producteurs du sud-ouest.
Pourtant un nouveau protocole a été signé le vendredi 11 mars. Il renforce les conditions de livraison des canetons en sécurisant encore plus le process avec par exemple, l'obligation de passer le camion en station de lavage en sortie de zone, le chauffeur doit aussi se changer. "Il n'y a jamais eu de transmission d'infection dans le sud-ouest par le biais des canetons. Après leur naissance, ils sont toujours dans les couvoirs chauffés à une température telle, qu'elle tue le virus", selon Marie-Pierre Pé.
Pas trop d'inquiétude donc de contamination, mais plutôt un risque de pénurie. Les canetons sont livrés 1 jour après leur naissance. Il faut compter entre 3 et 3 mois 1/2 d’élevage, puis entre 10 et 15 jours de gavage. La flambée pandémique observée en Vendée aura forcément un impact sur la production. "On ne peut pas donner de chiffres. C'est la grande prudence dans le sud-ouest. On est dans l’expectative, il y a des études en cours pour comprendre. Comme le virus se diffuse de manière aéroportée, la tempête du 18 février 2022 peut être un début d'explication. Il va falloir renforcer les règles."
Devant tant d'incertitudes, beaucoup d'éleveurs préfèreront ne pas rentrer de canards pour l'instant. Au Cifog comme au ministère de l'Agriculture, beaucoup attendent avec impatience un vaccin.
La question du vaccin
Pour limiter l'abattage des animaux et limiter la propagation du virus, certains pensent au vaccin. Jusqu'à présent, il n'y en avait pas, mais désormais deux laboratoires (dont le Ceva spécialisé dans la santé animale basé à Libourne) ont élaboré un vaccin. Avant d'être mis sur le marché, ce candidat vaccin doit être challengé avec des tests expérimentaux grandeur nature. Ce travail va demander du temps et même dans un cas de figure idéal, il ne sera pas disponible pour l’hiver prochain.
Une majorité d'éleveurs et d'organismes avicoles seraient plutôt favorables à la vaccination des canetons, mais plusieurs problèmes se posent dont celui du coût. De plus, la plupart des pays d’Asie ne veulent pas consommer des canards gras ayant été vaccinés. Or, certains producteurs comptent sur l'exportation pour réaliser leur chiffre d'affaires.
Il y a urgence au moment où 60% des pays européens sont touchés par le virus et que l'Italie vient de supprimer 18M de volatiles.
Seule éclaircie au tableau sombre du moment : la côte d’amour du canard ne change pas. Le bilan des fêtes est bon : foie gras, magrets, aiguillettes se sont très bien vendus. Les ventes ont même augmenté.
D'où l'intérêt de trouver des solutions durables pour lutter efficacement contre la grippe aviaire.