En 1922, près de Lespugue, un village de Haute-Garonne, est retrouvée une sculpture de femme, réalisée en ivoire de mammouth. Une révélation pour de nombreux spécialistes dont Nathalie Roquerol, une préhistorienne qui lui a dédié sa vie. Le documentaire nous emmène à la découverte de cette figurine dénommée "Vénus de Lespugue" et considérée comme la Joconde de la préhistoire.
La Vénus de Lespugue est aujourd’hui une des plus célèbres représentations féminines de la préhistoire. Mais, comme le suggère l’historienne Nathalie Rouquerol, comment parler de la Vénus sans s’imprégner d’abord des lieux exceptionnels où elle a été retrouvée ?
En Occitanie, la Save, affluent de la Garonne, a creusé son lit dans les falaises calcaires. Tout autour de ce paysage escarpé de la Haute-Garonne, une nature sauvage, les collines de Gascogne et au loin, les Pyrénées. Le village de Lespugue (nom qui vient de Spulga, grotte fortifiée en occitan), est implanté dans ce décor.
Dans ces imposantes falaises, existent de nombreuses cavités. Des abris ou grottes qui ont gardé les traces d’un lointain passé, les populations préhistoriques s’y étant installées.
Amélie Vialet, paléo-anthropologue au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN), dirige un chantier de fouilles pas très loin, dans la grotte de Coupe-Gorge. Elle explique "Ici, on va du paléolithique supérieur, autour de 50 000 ans, à plus de 350 000 ans. Et nous, ensuite à la fouille, on dégage chacun de ses niveaux".
Les vestiges trouvés donnent une indication sur le comportement des hommes et le passage des carnivores. Les strates sont associées à différentes époques : "sur le haut de la stratigraphie, on va sur une période très froide. On retrouve beaucoup de rennes, un peu de mammouths et de rhinocéros laineux. on est dans un cortège de faune qui sont des animaux du froid" explique la spécialiste.
C'est dans ce contexte que la Vénus a été découverte. A 15 cm de profondeur, à Lespugue et à quelques mètres de la grotte des rideaux. L’auteur de cette fabuleuse trouvaille s’appelle René de Saint-Périer et nous sommes le 9 août 1922.
Sculptée dans un fragment d’ivoire provenant d’une défense de mammouth, la précieuse statuette a été datée d'environ 25 000 ans. "En préhistoire, on sait que l'ivoire était une matière hors du commun, toujours utilisée pour des éléments symboliques ou des objets un peu exceptionnels" raconte Roland Lespoulet, en charge des collections de préhistoire au muséum (MNHN).
Dégradée, noircie par le temps et les dépôts d’oxyde métallique, la Vénus de Lespugue fait 14 cm de hauteur et 6 cm de largeur. Ses formes sont amples et spéciales, son visage est lisse, sans yeux, ni nez, ni bouche, ni oreille. Ses cheveux sont plaqués sur le visage et elle est dénudée.
Nathalie Rouquerol, préhistorienne passionnée, habite à côté de la grotte des rideaux. Elle s’est rapprochée de cette sculpture enigmatique. Elle le dit haut et fort : c’est la plus belle découverte de sa vie.
Une femme tour à tour, si petite, si vivante. Surprenante par ses formes généreuses et menues, puissantes et retenues. Au visage sans regard mais néanmoins expressif.
Nathalie Rouquerol, préhistorienne
La Vénus a façonné son destin. Elle l'a ramené à ses premières amours de petite fille : l’archéologie.
La sculpture est aujourd’hui conservée et exposée au musée de l’homme à Paris.
Tandis que la question se pose : mais qui est réellement cette femme, étrange et minuscule, qui a suscité tant de controverses et fasciné tant de scientifiques, d'historiens et même d’écrivains ou artistes, de Malraux à Picasso ? Nathalie Rouquerol s’entoure de plusieurs personnalités, spécialistes de l’histoire, de la science ou des arts, pour percer le mystère et nous livrer enfin au grand jour, les secrets de la dame de Lespugue.
"La Vénus de Lespugue, Joconde de la préhistoire", un documentaire d’Anaïs Enshaian, à voir le jeudi 23 février 2023 à 22h50.
Une coproduction La voie lactée, le LoKal et France Télévisions. Un film écrit par Nathalie Rouquerol et d’Anaïs Enshaian.