Une étude récente révèle que le changement climatique affecte la rotation de la Terre en allongeant très légèrement la durée du jour. Cette question du ralentissement de la rotation de la Terre revient régulièrement. De quoi s'agit-il exactement ? Le point avec un spécialiste de la Cité de l'espace à Toulouse.
Le changement climatique, en faisant fondre la glace aux pôles, ralentit très légèrement la rotation de la Terre. D'après une étude publiée dans l'été, la durée du jour croît de quelques millisecondes. Les eaux des banquises et des glaciers rejoignent en partie les régions équatoriales, ce qui change la répartition des masses sur la planète et impacte la façon dont la Terre tourne. Mais d'autres phénomènes sont aussi à l'œuvre. De quoi parle-t-on exactement ? Est-ce que ça a un impact sur nos vies ? Le point avec Olivier Sangui, rédacteur en chef à la Cité de l'Espace.
France 3 : On entend parler à nouveau du ralentissement de la rotation de la Terre. De quoi s'agit-il exactement ? Est-ce que c'est de nature à modifier des données importantes ?
Olivier Sangui : De façon générale, la rotation de la Terre ralentit donc la durée du jour augmente puisqu'elle met plus longtemps à tourner sur elle-même. Par exemple, il y a des gens qui ont fait des calculs : il y a deux milliards d'années c'était 2 heures voire moins encore.
La tendance, c'est que la Terre tourne de moins en moins vite sur elle-même. Cela s'explique très bien par les mécanismes de formation de la Terre. À cela s'ajoute aussi son noyau qui éventuellement tourne un peu moins vite. Il y a aussi l'influence du couple Terre-lune qui est un couple dynamique. La Lune s'éloigne de la Terre, il y a des effets de marée entre les deux. Et donc ça aussi, ça ralentit la Terre.
C'est une conjonction d'éléments, c'est multifactoriel. En fait, le sujet est simple au départ, mais plus compliqué dans les détails. Il y a les facteurs que l'on vient d'évoquer mais aussi la dynamique de la Terre en tant que tel, objet céleste qui ralentit. Et après il y a des tas d'éléments dont on parle au gré des études, éléments qui ralentissent, éléments qui accélèrent. Au final, le ralentissement est la tendance générale dominante.
France 3 : De quel ordre de grandeur parle-t-on ? Est-ce inquiétant ?
Olivier Sangui : On parle de millisecondes par siècle, de secondes par millénaire. C'est de cet ordre-là. Imaginez, vous êtes à 130 sur l'autoroute, vous levez à peine le pied, vous allez descendre à 129 mais la voiture avance toujours. C'est un peu ça. Alors, il y a de multiples études. J'ai lu, par exemple, que le barrage des Trois-Gorges en Chine, quand on le remplissait, il ralentissait la rotation de la Terre. C'est réel mais est-ce que ça a un sens quand on parle de 10 secondes perdues sur un an ?
Pour les personnes qui, compte tenu de leur profession, ont besoin de faire un suivi du temps extrêmement précis, le calibrage des horloges atomiques par exemple, que cette mesure du temps soit exacte, c'est important. Qu'elle soit en phase avec les réalités physiques dans lesquelles on vit, on le comprend. Mais dans la vie de tous les jours, ça n'a strictement aucune influence.
C'est important de le suivre, c'est important de dire "tiens, il y a ce ralentissement", ça permet de comprendre certains phénomènes physiques. Mais dans l'application pratique, il ne faut pas se dire que dans 10 ans, la journée aura une seconde de plus. Ce n'est même pas le cas. Il s'agit vraiment de travaux ultra-précis qui n'ont d'intérêt quasiment que pour la science fondamentale. On n'est pas du tout dans un rattrapage de l'ordre de celui qu'avait décidé le pape Grégoire VIII en 1582 quand on a supprimé 10 jours du calendrier. On n'est pas du tout dans quelque chose de cet ordre-là.
France 3 : On a le sentiment de parler presque d'une autre dimension...
Olivier Sangui : oui mais ça fascine, c'est la mesure du temps. C'est quelque chose qui est fondamental la durée du jour, c'est aussi bête que ça. C'est l'environnement dans lequel on est. On n'a qu'à voir quand vient l'hiver, les jours vont ralentir, c'est quelque chose qu'on vit. C'est normal.
Et depuis des millénaires, nous, en tant qu'humains, on suit le cycle des saisons, du jour, de la nuit, parce que c'est avec ça qu'on vit. Donc, dès qu'on parle du changement de la rotation de la Terre, on se dit "non ça ne peut pas changer" parce qu'on imagine que c'est quelque chose qui est immuable.
C'est comme le fait que la Terre tourne sur elle-même, d'ailleurs, pas en 24 heures comme on le croit, mais 23h56... Mais entre-temps, elle bouge sur son orbite, donc les journées, c'est 24 heures. Donc, on se dit, c'est immuable, ça ne bouge pas. Et on découvre que ça peut changer. C'est comme quand on dit que le Père Noël existe, et vous apprenez, non, ce n'est pas le Père Noël. C'est tellement ancré dans notre vécu l'alternance jour-nuit et ces cycles... Que ça puisse bouger, ça fascine !
Il existe beaucoup de travaux qui se penchent là-dessus. On se rend compte finalement que rien n'est immuable dans l’univers. Ça fait très longtemps que je lis des papiers sur ces variations de vitesse de rotation avec des tas de facteurs différents. Mais en revanche, il se dégage une tendance, c'est que les jours rallongent mais pas dans nos existences...