À Toulouse, depuis lundi 30 mai, la Commission reconnaissance et réparation de l'Église catholique auditionne les victimes d'abus sexuels de religieux appartenant à la congrégation des frères Dominicains. L'objectif : réparer ce qui peut l'être et replacer les victimes au cœur de l'attention.
Depuis sa création en novembre 2021, la Commission reconnaissance et réparation (CRR), mise en place par l’épiscopat pour entendre les victimes de religieux, est au travail. Après avoir rencontré 400 personnes à travers toute la France, c’est à Toulouse (Haute-Garonne) que se rend l’instance indépendante afin de rencontrer des victimes d’abus sexuel de religieux appartenant à la congrégation des frères Dominicains. "Nous attendons 5 à 6 victimes au cours de ces deux jours, explique Antoine Garapon, ancien magistrat et président de la Commission reconnaissance et réparation. C’est un maximum, car cela demande du temps si l’on veut faire cela bien. Mais je ne serais pas surpris que d’autres victimes se signalent après notre départ de Toulouse."
Chose exceptionnelle, ce sont les Dominicains eux-mêmes qui ont lancé l’appel. "La Ciase nous a obligés, nous a permis, de chercher dans nos archives et de voir que depuis 80 ans, plus de frères que nous le croyons étaient mis en cause pour des faits d’agressions sexuelles, constate Frère Olivier de Saint Martin, Prieur provincial. Il s’est posé une question morale : fallait-il rester avec les victimes qui avaient eu le courage de témoigner de ce qu’elles avaient subi ou est-ce que nous allions mettre réellement les victimes au centre et donc dire : si vous avez été victime d’un frère Dominicain, osez venir nous le dire !"
Entre 1950 et 2020, les Dominicains de Toulouse ont identifié une trentaine de victimes d'abus sexuels
Aller chercher les victimes
Victimes et proches, souvent enfermés dans leur solitude, dans leurs secrets, peuvent venir témoigner de leur vécu. Un travail indispensable pour la congrégation. "Nous sommes tenus d’écouter. Ce sont des personnes dont la vie a été fracassée. Il y a la justice civile et cette autre justice qui pose la question de savoir comment on peut réparer. L’Évangile et l’Humanité nous obligent à mettre ces personnes au centre" assure le Frère Olivier de Saint Martin.
"Quand on les a entendues, on a commencé quelque chose, complète Antoine Garapon. Ce que l’on a compris à la commission, c’est que si l’on veut une véritable reconnaissance et réparation, il faut construire une relation, gagner la confiance des victimes, mais aussi des congrégations."
La question de la réparation
Cette phase de réconciliation terminée, il faudra passer à la réparation. Pour le président de la CRR, "il y a une dimension symbolique de la réparation. La réparation commence lorsque l’on manifeste le désir de réparer donc de s’effacer devant les victimes. Ensuite, il y aura une réparation individualisée une fois que les victimes auront rempli un questionnaire." Une somme d’argent sera alors versée "en soutien d’un processus de réparation" avec la certitude que l’argent ne répare pas tout.
L’argent ni le temps d’ailleurs. Antoine Garapon témoigne ainsi de l’une de ses rencontres au sein de la commission : "Je disais à une victime : « Votre agresseur est aujourd’hui décédé. » La victime m’a répondu « Ah non Monsieur ! Il n’est pas mort. Il vit toujours en moi. » Le propre de l’agresseur sexuel, c’est qu’il s’installe en vous, au plus profond de notre intimité. Et il prend la place. Toute la place. Et cela peut durer des années. Ce qui pose la question de la prescription, au regard des victimes."
Des victimes qui parfois s’impatientent face à la longueur de ce processus mis en place par l’Église et qui doivent faire face également aux congrégations souhaitant tourner enfin la page de ces années sombres.