Au troisième jour du procès en appel d'Abdelkader Merah, c'est son frère aîné, Abdelghani, qui est venu à la barre. En rupture totale avec sa famille, le témoignage a démontré aussi certaines incohérences.
A son entrée dans la salle d’audience, Abdelghani Merah ne jette pas un regard à son frère, Abdelkader, installé dans le box des accusés. Après avoir présenté ses condoléances aux familles des victimes, le fils aîné de la famille Merah se lance dans un récit à l’opposé de la version « idyllique » offerte, la veille, par son cadet. « Qui doit-on croire ? » questionne la présidente de la cour spéciale d’assise d’appel. Abdelghani raconte cette violence constante au sein de l’unité familiale, venant de son père, de sa mère, entre frères et soeurs ou encore l’antisémitisme.
Je sais qu’il ment ou se ment à lui-même sinon le traumatisme de la violence, de mon père frappant ma mère, a dû bloquer tout ça. On pleurait beaucoup, il pleurait beaucoup, Aicha pleurait beaucoup, Souad pleurait beaucoup" dit Abdelghani
"Pour connaître la famille #Merah il faut naître dans le même seau de haine. Moi j'ai pu m'en sortir, même si j'ai baigné dedans". Abdelghani parle bcp par formules.
— corinne audouin (@cocale) 27 mars 2019
La question du salafisme arrive rapidement dans les échanges. Sa soeur, Souad, serait la première a l’avoir embrassé. La conversion d’Abdelkader n’est arrivée qu’après sans qu’Abdelghani ne sache réellement comment et pourquoi.
En tout cas le témoin en est sûr : « A l’époque où il s’est converti, il rêvait de se faire exploser comme sa soeur. Plus il est monté en grade, plus il a pris de l’importance. Olivier Correl est vieux et ligoté par la police. Aujourd’hui, on fait le procès du nouveau Olivier Correl. Notre Ben Laden Français. Abdelkader Merah a un rôle majeur dans la dérives de Mohamed Merah. Ils nous ont tous dupé. Ils nous ont fait croire qu’ils se détestaient mais ils étaient très complices dans leur religion. »
Une longue série de questions-réponses s’engage, entre la présidente Xavière Siméoni et Abdelkader Merah, sur ce point :
« - C’est bien vous qui vouliez que l’on vous surnomme Ben Laden dans le quartier ? interroge la magistratre»
« Non cela a duré 3-4 mois car pendant l’après-midi du 11 septembre, de 14h à 16h, j’ai crié « Ben Laden, Ben Laden, Ben Laden ». C’était l’adolescence. J’avais 19 ans et je vivait dans un monde de violence. Après on m’appelait Ben Ben. », explique l’ancien du quartier des Izards avant de rependre. Vous savez, si l’on prend un grand braqueur qui fait un braquage. Il tue 10-12 personnes, moi ce qui m’aurait intéressé c’est le mode opératoire, pas les morts. »
A ces propos, Abdelghani Merah lance « Il a quand même voulu se faire tatouer « Ben Laden » dans le cou ! ».
"J'ai dénoncé toute ma famille, ça m'a coûté une fatwa" dit Abdelghani avec des tremblements dans la voix; "Abdelkader #Merah cherche à tout prix à me faire liquider". Dans le box l'accusé imperturbable étire ses bras.
— corinne audouin (@cocale) 27 mars 2019
Quelques minutes plus tard, Maître Francis Szpiner renchérit dans une phrase pleine de sous-entendus à l’attention de l’accusé, « Vous admirez Ben Laden car Ben Laden c’est quelqu’un qui envoie les autres mais qui ne fait pas ! »
Ce passage à la barre d’Abdelghani Merah est l’occasion pour la défense de mettre en avant les incohérences et les imprécisions du frère aîné de la famille Merah notamment sur son « pressentiment » sur le fait que Mohamed serait le « bras armé » d’Abdelkader. « Vous êtes le seul à savoir que Mohamed possède un Colt 45, le seul à savoir qu’il a la haine des militaires, la haine des juifs, le seul à savoir qu’il cherchait à se procurer une kalachnikov. » détaille Me Archibald Celeyron. « Vous sous entendez que je suis complice ? » lui répond Abdelghani. « Pas du tout ! réplique l’avocat. Mais si un seul de ces éléments concernait Abdelkader Merah, ce serait du pain béni pour l’accusation. »