"Des feux dans ces mots" est une pièce de théâtre créée à partir des témoignages de victime et des récits de témoins, recueillis après l’assassinat de Jonathan, Gabriel, Arié Sandler et de Myriam Monsonego à l'école Ozar Hatorah. "Ce tissage de mots" mis en harmonie a donné naissance à un texte qui sera lu par des comédiens ce mardi 15 mars.
Le 19 mars 2012, à l'école juive Ozar Hatorah située rue Jules Dalou à Toulouse, Mohammed Merah assassinait Jonathan, Gabriel et Arié Sandler et Myriam Monsonego.
En préparation du 10eme anniversaire de cette tragédie, l’association "Militants des Savoirs" a souhaité mettre en œuvre un projet de recherche autour des témoignages des victimes et des récits de témoins. Anciens élèves, parents d’élèves, enseignants, habitants de la rue Jules Dalou. Ce travail scientifique de deux ans mené par Séraphin Alava, enseignant-chercheur à l’Université de Toulouse, et son équipe a été transmis à Gabriel de Richaud. Le dramaturge s’est emparé de ce projet autour du travail de mémoire et du vivre ensemble.
La première représentation "Des feux dans ces mots" a lieu ce mardi 15 mars à la cave poésie à 19h30, "une pièce de théâtre interprétée par les 6 comédiens de la compagnie Les Fabuliers. Un texte qui retrace seconde après seconde avec tous les angles de regard, la façon dont les personnes, le grand père Sandler, la tante mais aussi les étudiants qui étaient à l’école, des jeunes de l’école, des parents d’élèves, les voisins… ont vécu ce drame, rue Jules Dalou ce jour de l’attentat de Merah", précise Séraphin Alava. Gabriel de Richaud a réalisé "un tissage de mots" à partir de tout ce qui a été dit par les témoins.
"Résilience et vivre ensemble"
Ce travail de longue haleine financé par la région d’Occitanie a donné lieu à un travail artistique théâtral sur le thème de la résilience et du vivre ensemble. Deux ans de travaux pilotés par Séraphin Alava et menés par une équipe constituée de victimologues, sociologues spécialistes de la mémoire qui ont recueilli ces témoignages et récits.
Tout a débuté par un travail d’archivages des documents écrits, radio et vidéo qui ont fourni une information exhaustive sur l’attentat en lui-même, puis sur la période des procès en première instance et appel. Ce travail a permis d’identifier les victimes et témoins, entendus par une équipe de chercheurs.
"C’est toujours très difficile de recueillir ces témoignages, face à un attentat c’est une souffrance extrême. Il y a d’abord du mutisme par la violence des faits, c’est indicible et puis il y a les mots qui viennent. Les mots encore porteurs de souffrance, des feux qui sont à l’intérieur de ces mots. Donc il faut le temps du dialogue pour que la personne se mette à parler, et remette ainsi en action toute l’émotion. Cela permet d’apprivoiser la souffrance qui est là, la rendre plus sociable, plus partageable et aider à faire cette démarche de résilience", explique le professeur Avala.
"C'est une façon de montrer que l'humanité n'est pas assassinée"
Selon lui, 10 ans après les attentats, "il est temps d’engager le dialogue, d’écouter, d’échanger. Renvoyer à l’humanité à partir de ces éléments horribles. L’amie de Myriam par exemple quand elle témoigne, elle la ramène à son enfance, comment elle était. Quand une personne adulte parle de sa peur sur le moment et renvoie à cette humanité, c’est une façon de montrer que l’humanité n’est pas assassinée dans ces attentats, qu’elle est bien présente".
Le deuxième objectif de Séraphin Alava est "de montrer qu’un travail scientifique n’est pas seulement fait pour théoriser, c’est aussi un moyen d’accompagner cette activité de résilience individuelle et sociale". Redonner ainsi la place aux mots qui invitent à la compassion et à comprendre ce qu’il s’est passé. Après Toulouse, la pièce de théâtre "Des Feux dans ces mots" sera jouée à Paris puis Bruxelles. L’objectif de ce projet est "de créer des outils culturels au service d’une action citoyenne".
En octobre prochain, le texte sera présenté aux élèves des lycées d’Occitanie en présence de certains témoins.