Des agriculteurs de toute l'Occitanie et des départements voisins ont mené une double action coup de poing ce dimanche 6 octobre à Balma et Toulouse. À l'appel de la coordination rurale du Gers, ils sont intervenus devant l'ASP et la Maison de l'environnement pour dénoncer les retards des versements PAC et des promesses non tenues depuis leur blocage l'hiver dernier.
Les agriculteurs de la coordination rurale se sont donné rendez-vous à Toulouse ce dimanche 6 octobre pour manifester contre le retard des versements PAC (les aides de la Politique Agricole Commune de l'Union européenne) et l'absence de réaction suite aux promesses de l'ancien Premier ministre lors du blocage de l'hiver 2024.
Mobilisation devant l’ASP
“Pas de dégradation, on ne met pas le feu au bâtiment.” En quelques mots, le président de la Coordination rurale du Gers donne le ton de la mobilisation aux agriculteurs présents. Pas d’incendie, mais des poubelles et un portail bâché, des bottes de paille déposées et des banderoles pour crier une nouvelle fois leur détresse. Leur première cible : l’ASP de Balma, l’Agence de Service et de Paiement de l’Etat, responsable des versements de la PAC. “Nous sommes là ce soir parce que nous nous sommes aperçus très récemment que beaucoup d’entre nous étaient contrôlés et qu’ils n’avaient pas commencé à instruire les dossiers PAC déposés en mai dernier”, dénonce Lionel Candelon, le président de la Coordination rurale du Gers. “Ils attendent que les contrôles soient faits et renvoyés pour commencer l’instruction et donc retarder la mise en paiement.”
Une PAC conditionnée aux résultats des contrôles
Marius Boutonnet est éleveur dans le Tarn, il est pleinement impacté par cette situation. “J’ai été contrôlé le 18 septembre, c'est-à-dire un mois avant le premier versement de l'acompte PAC” , raconte-t-il. “Je sais pertinemment que je ne serai pas payé suite à mon contrôle parce qu’ils ont trouvé une anomalie par rapport à des cartes vertes suite à un changement de destinataire pour mes vaches.” Une perte qui s’élève à 15 000 euros, cette somme était pourtant destinée à régler les dernières factures de ses fournisseurs et de lancer ses prochaines cultures. “Ils ont aussi et surtout contrôlé les légumineuses. Mais je les ai récoltées en mai et j’ai déjà remis en culture les terres qu’ils voulaient contrôler. Ils sont complètement en déconnexion par rapport à la réalité du terrain”, s’indigne-t-il.
Des retards de paiement aux conséquences désastreuses
Pour les agriculteurs, ces suspensions ou retards de paiement sont très difficiles à encaisser. “Nous avons fait des crédits à court terme à la banque en comptant sur ces avances PAC”, explique l’un d’entre eux. “Ces crédits doivent être remboursés au 17 octobre, date à laquelle nous devons toucher ces avances. Si nous ne les touchons pas, les intérêts de la banque vont courir, tout comme les pénalités et la facture va s’alourdir. Notre trésorerie va encore continuer de s’enfoncer.”
Il y a 15 ans nous avions deux trésoreries d’avance, aujourd’hui nous en avons une de retard.
Lionel Candelon, président de la Coordination rural du Gers
D’après la coordination rurale, les agriculteurs ont perdu l’équivalent de 3 années de trésorerie en 15 ans. Une situation aujourd’hui devenue intenable. “Il y a 15 ans nous avions deux trésoreries d’avance, aujourd’hui nous en avons une de retard. On n’en peut plus”, alerte Lionel Candelon. En Aveyron, une centaine de dossiers sont en attente de versement. Ils sont 150 dans le Gers.
Le combat pour l’eau au cœur de la mobilisation dans la Maison de l’environnement
Deuxième étape de cette action coup de poing : la Maison de l’environnement à Toulouse, siège de la FNE (France Nature Environnement). Jets d'œufs sur les vitres, banderoles, et pendaison de mannequin représentant les suicides des agriculteurs (près de 2 par jour).
Les agriculteurs dénoncent les actions en justice de l’association environnementale notamment contre la construction de retenues d’eau, pour la baisse des quotas et des volumes d’eau accordés. “Il est hors de question de laisser passer de telles actions, nous voulons leur montrer qu’on peut aussi aller chez eux”, insiste Lionel Candelon. “S'il faut recommencer, nous reviendrons avec des moyens beaucoup plus gros. Aujourd’hui, il faut laisser les agriculteurs travailler comme ils l’entendent et surtout il faut de l’eau et des ressources en eau, pouvoir les stocker pour pouvoir travailler.”
L’attente des mesures promises
Eloi Nespolous a participé à toutes les mobilisations de l’hiver dernier. Mais cet éleveur bovin aveyronnais ne voit que peu de promesses tenues. “La TIPP sur le gazole nous a fait du bien”, analyse-t-il. “Elle nous a permis un peu plus d’avance sur la trésorerie mais après, je ne vois pas d’amélioration.” Un ressenti partagé par l’ensemble des agriculteurs présents. “Le blocage des routes n’a pas marché puisque nous n’avons obtenu aucune mesure et que nous attendons toujours les mesures promises par l’ancien premier ministre”, argue le président de la CR. “On espère que certaines seront mises en application avant l’hiver. Aujourd’hui, nos trésoreries sont à sec.”
En attendant, ils promettent d'entourer les radars de pneus et de revenir à Toulouse, en tracteur cette fois pour bloquer la ville si c’est leur seul moyen de se faire entendre. Des actions qui pourraient s’intensifier dans les mois à venir : les élections syndicales à la chambre d’agriculture auront lieu en janvier prochain.
Écrit avec N'daricaling Loppy.