"Il faut sortir de la politique pansement, court-termiste" : pour révolutionner l'agriculture, les pistes de l'agroclimatologue Serge Zaka

Nouvelles cultures, gestion de l'eau, travail du sol : face aux pertes de plus en plus importantes des agriculteurs, l'agroclimatologue Serge Zaka nous présente ses solutions pour faire face au changement climatique dans la région.

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Serge Zaka est agroclimatologue. Au sein de sa société Agroclimat 2050, il modélise l'impact du changement climatique sur le long terme. À l'occasion du forum "Le monde nouveau" sur la transition écologique, nous l'avons interrogé sur l'avenir de l'agriculture en Occitanie.

Quels sont les impacts déjà visibles et futurs du changement climatique sur l'agriculture de notre région ?

Le premier impact, c'est le gel. On l'a vu en 2021, avec 2 milliards d'euros de perte de rendement sur la vigne et sur l'arboriculture. En fait, le problème n'est pas le gel mais les floraisons qui sont de plus en plus précoces, et donc de plus en plus sensibles au gel en avril.

Le deuxième impact, ce sont les sécheresses et les canicules. Ça, on l'a eu en 2022 avec plusieurs centaines de millions d'euros de dégâts au niveau de la France.

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Le dernier point, pour l'Occitanie, c'est l'excès d'eau, même si on est moins impactés que le reste de la France. L'excès d’eau, notamment pendant les périodes de semis, en octobre-novembre, ou les périodes de moissons, peut provoquer des maladies ou des pourrissements.

Ce sont des pertes de rendement qui peuvent être spectaculaires

Serge Zaka, agroclimatologue

Ces dommages représentent des pertes de production énormes : en 2022, le Languedoc et les Midi-Pyréneés ont perdu 54% de leur production de maïs non irrigué. Cette année, début avril, du côté de Béziers, on a eu des dégâts majestueux.

Économiquement parlant, pour les agriculteurs, ce n'est pas viable dans les années à venir. Donc se pose la question de l'adaptation. Nous ne pouvons pas garder la même agriculture avec un climat qui évolue.

Quels sont les changements à adopter ?

Dans le sud de la France, il devient extrêmement important de considérer l'arrivée de nouvelles cultures plus résistantes au climat. Nous allons avoir l'arrivée dans les prochaines années de la pistache, de la grenade, de la figue, de la figue de barbarie, du pois chiche, ou encore de la cacahuète.

On parle de la création d'une nouvelle filière, c'est-à-dire des milliards d'euros injectés sur 30 ans minimum pour avoir un tissu économique, une consommation qui se met en place, pourquoi pas des plats régionaux ou peut-être même nationaux qui peuvent se créer, des AOP, des IGP. Tout ça ne se fait pas en trois ans.

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Le sol est aussi très important pour faire face aux changements climatiques : un sol vivant permet de mieux retenir l'eau, et donc de faire face aux sécheresses.

Il faut aussi revoir notre gestion de l'eau au niveau d'un paysage : on parle d'hydrologie régénérative, c'est-à-dire de gérer le chemin de l'écoulement de l'eau pour le ralentir et lui laisser le temps de s'infiltrer. Cela peut se faire avec des haies, ou des systèmes de petites collines à l'intérieur des parcelles, pour freiner l'eau sur le territoire.

Ce n'est pas un seul élément isolé, comme une réserve en eau ou un OGM, qui permettra de faire face au changement climatique. C'est un puzzle de solutions qui se complètent, voire même se multiplient, avec des résultats plus intéressants.

Serge Zaka, agroclimatologue

Tous ces éléments-là font l'agriculture de demain.

Comment y parvenir à long terme ?

Il faut un vrai engagement politique, une volonté de réaliser cette transition agricole. Et c'est ça qui bloque. En réalité, pour faire face au changement climatique, il faut un leader politique qui mette en place des politiques fortes sur le terrain.

Il faut regarder le long terme, il faut sortir de la politique du pansement, court-termiste, basée sur la production, l'irrigation et la génétique.

Serge Zaka, agroclimatologue

En parallèle, il faut le sol, il faut les paysages, il faut les filières, il faut des espèces qui consomment moins d'eau. Ça, c'est du long terme, et ça n'intervient pas forcément dans le cadre d'une période électorale de cinq ans, ça intervient sur 30 ans.

Écrit avec Tristan Vyncke.

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