Cancer. "Discuter avec des biotechs pour pouvoir aussi ouvrir de nouveaux essais" des scientifiques de l'Oncopole participent à un colloque incontournable réunissant 35 000 chercheurs

Au Etats-Unis, c'est le colloque international sur la recherche concernant le cancer. L'Asco, réunissant 35 000 oncologues du monde entier, se termine mardi 4 juin 2024. Parmi es participants, le Dr Victor Sarradin, oncologue médical et membre du comité ORL à l’Oncopole, qui travaille au développement d'un vaccin prometteur contre la rechute des cancers ORL.

L'Asco, un colloque international réunissant 35 000 oncologues du monde entier se termine mardi 4 juin 2024. Un rendez-vous incontournable pour le secteur de la recherche dans le domaine du cancer. Une délégation de l'Oncopole de Toulouse (Haute-Garonne) y est présente. Parmi eux, le Dr Victor Sarradin. L'oncologue médical et membre du comité ORL à l’Oncopole travaille au développement d'un vaccin contre le cancer ORL, présenté comme très prometteur. Le chercheur nous explique en quoi l'ASCO est un rendez-vous incontournable aussi bien pour les projets de recherche que pour les patients. 


France 3 Occitanie : quelle est l'importance pour vous de participer à l'ASCO 2024 ?

Dr Victor Sarradin : c’est un événement très important puisque 30 000 oncologues du monde entier s’y rassemblent. Ils viennent des États-Unis, de toute l'Europe, d'Asie aussi, d'Inde, de Chine, du Japon. Toutes les études conduites dans l'année y sont présentées. Au cours des tables rondes, les résultats sont discutés avec les plus grands experts internationaux dans les domaines. Donc, pour nous, oncologues, c’est essentiel d'y être. Par la suite, cela nous permet de les appliquer à nos patients dès notre retour. C'est vraiment une façon d’être à la pointe de l'actualité. Par exemple, le laboratoire Moderna, connu pour avoir développé des vaccins ARN messagers pour le Covid-19, a étendu sa technologie et présenté un vaccin anticancéreux.

France 3 Occitanie : personnellement, quel a été l’objectif de votre présence à cet évènement ?

Dr Victor Sarradin : Nous sommes une petite délégation de l'Oncopole : cinq oncologues, une chirurgienne, une radiothérapeute et même un médecin anapath. Pour nous, ce déplacement a deux intérêts :

  • Le premier aspect est celui précédemment évoqué, obtenir les résultats des études d’autres chercheurs afin de pouvoir les appliquer à nos patients, de leur faire bénéficier des nouveaux traitements, des nouveaux protocoles.
  • Le deuxième est également de discuter avec des biotechs pour pouvoir aussi ouvrir des nouveaux essais dans nos différents centres. Nous avons donc beaucoup de réunions et de discussions dans ce sens-là. Ainsi, pour ma part, j’ai discuté avec une biotech qui développe un nouveau traitement dans les cancers ORL. Ces échanges vont nous permettre d’ouvrir un essai clinique au mois de septembre à l'Oncopole. C’est important pour nous de pouvoir voir ce qui se passe, quels sont les essais en cours.

France 3 Occitanie : cela doit vous permettre de mieux connaître le marché et de vous positionner afin de créer des partenariats ?

Dr Victor Sarradin : exactement.

France 3 Occitanie : de votre côté, où en êtes-vous de votre vaccin ? La phase 1 est terminée. A quoi correspond concrètement la phase 2 ? Elle va servir à quoi concrètement.

Dr Victor Sarradin : dans la recherche clinique, on a trois phases pour un développement initial. De la première injection chez l'homme jusqu'à la commercialisation, la mise en place, l'autorisation, le remboursement.

L'objectif de la phase 1, c'est de montrer qu'il y a une efficacité déjà biologique, c'est-à-dire qu'on produit un effet chez les gens. Le deuxième objectif, c'est de montrer qu'on n'induit pas d'effet secondaire important, c'est-à-dire que le traitement doit être bien toléré. Et ensuite, on essaie de voir s'il y a des premiers signaux d'efficacité. Ces objectifs de la phase1 ont été atteints. Nous avons vu que chez les patients qui ont été vaccinés, donc chez la quasi-totalité, c'est-à-dire 15 sur 16, on a montré qu'ils avaient des réponses immunitaires et surtout que ces réponses immunitaires restaient de longue durée. 7 mois, après avoir débuté la vaccination, nous avions toujours une réponse immunitaire forte. Cette dernière laisse supposer qu'ils ont une protection un peu à long terme contre leur tumeur. Deuxième chose, le vaccin a été bien toléré. On n'avait pas eu d'effet secondaire fort. On a eu quelques réactions. Au point d'injection, mais comme un vaccin classique. Et la troisième chose, c'est qu'on a des premiers signaux d'efficacité qui sont encourageants puisque chez les 16 patients qu'on a vaccinés, après un an et demi, enfin 18 mois de recul, on n'a eu aucune rechute.

L’idée de la phase 2, c'est d'inclure un nombre plus important de patients, environ une cinquantaine de patients supplémentaires. Nous allons vérifier sur un plus grand nombre de malades si le nombre de rechutes se réduit et ceci avec un recul supérieur. Nous allons prendre deux années après la vaccination pour regarder si, effectivement, nous réduisons le nombre de rechutes.

France 3 Occitanie : l'espoir, c'est de trouver un vaccin pour empêcher la récidive ?

Dr Victor Sarradin : c'est en effet pour empêcher la récidive, pour la prévenir. Les patients sont opérés et ont leur radiothérapie. Le risque de rechute dans cette situation est assez élevé. Il est de l'ordre de 40% à deux ans. L'idée est donc de réduire ce chiffre et de prévenir que les patients ne rechutent pas et qu'ils soient guéris.

France 3 Occitanie : la prochaine étape, c'est la commercialisation ?

Dr Victor Sarradin : non. Avant de commercialiser, il faut faire une phase 3, celle que l’on appelle "d'enregistrement". Avec plusieurs centaines de patients, nous réalisons une comparaison en aveugle. La moitié des gens a le nouveau traitement. L’autre moitié des gens a le traitement standard ou un placebo. Nous comparons ensuite, il faut démontrer qu'il y a un bénéfice significatif qui puisse justifier qu'il y ait une prise en charge par l'assurance-maladie. Si tout fonctionne bien le vaccin sera sur le marché d’ici 5 à 10 ans.

France 3 Occitanie : 5 à 10 ans, c'est long.

Dr Victor Sarradin : d’autres vaccins développés par d'autres entreprises avec d'autres technologies devraient arriver, je pense, un peu plus vite. Il y a par exemple Moderna, dont je vous ai parlé, qui développe son propre vaccin anticancéreux dans le mélanome, donc dans les cancers de la peau. Pour leur part, la phase 2 est déjà terminée. Leur produit devrait sortir d’ici 5 ans.

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