On lui donnait cinq ans à vivre. C'était en 2014. Dix ans plus tard, le myélome n'a pas vaincu l'écrivain sétois Olivier Martinelli. "La vie dévorée" (Kubik Editions) raconte comment l'écriture l'aide à tenir le cancer à distance. Cette suite poignante et lumineuse de "L'Homme de miel" figure parmi les cinq finalistes du prix littéraire de l'Académie Nationale de Médecine.
Les médecins lui ont interdit le foot, trop risqué quand on a, comme lui, des os fragilisés par un myélome et une cervicale en titane à la place de celle que le cancer a rongé. Alors, il court quand même, le Sétois Olivier Martinelli. De salons littéraires en séances de dédicaces, entre deux lectures publiques de l'un de ses douze récits parus depuis dix ans. Une décennie de combat contre une maladie qu'on ne sait pas guérir, mais avec laquelle il apprend à vivre à coups de plume portés dans ses plaies.
Petite victoire en ce mois de mai : "La vie dévorée" (Kubik Editions), suite de son témoignage entamé en 2017 avec "L'Homme de miel", vient d'être sélectionnée parmi les cinq finalistes du prix littéraire de l'Académie Nationale de Médecine. Un texte bouleversant, caustique et résolument optimiste qu'il a adapté en neuf chansons. Neuf morceaux de rock pur, son autre passion, à paraître dans quelques jours.
Avant sa participation à la Comédie du Livre de Montpellier, du 17 au 19 mai, l'écrivain nous a accordé un entretien.
"La vie dévorée" est la version remaniée et augmentée de "L'Homme de miel", qui racontait déjà votre combat. Tout n'avait pas été dit ?
Je n'ai pas choisi d'écrire : les textes s'écrivent tous seuls, quand je suis dans la salle d'attente, en traitement ou en examen, dans l'ambulance. Par exemple, lorsque je me retrouve en radiothérapie, que la manipulatrice croit me détendre en mettant un morceau de musique et qu'elle choisit "Not Dead" des Girls In Hawaii, ce qui veut quand même dire "pas mort" en Anglais ! Je sors de là et un texte surgit en deux minutes.
C'est une sorte de thérapie, ça m'aide à tenir la maladie à distance. J'essaie toujours de trouver un angle humoristique. Je suis un incorrigible optimiste. Quand j'ai contracté le myélome, aucune guérison n'était possible, alors je ne m'en sors pas si mal et pendant ce temps, la médecine progresse. Même si on n'en guérit toujours pas, on observe des premiers cas de rémission très récents.
Être finaliste du prix de l'Académie Nationale de Médecine, est-ce une consécration ? Une reconnaissance ?
Oui, parce que c'est avant tout un prix littéraire, il ne couronne pas qu'un témoignage de malade. Et surtout, disons-le, ça aide à la promotion. Plusieurs médias ont fait des demandes à mon éditeur depuis cette annonce. Il n'est plus seul à croire en mon texte, c'est une spirale positive.
Au-delà de ça, beaucoup de médecins m'ont remercié parce qu'ils comprenaient enfin ce qui se passait dans la tête de leurs patients. Une praticienne sétoise m'a dit que, depuis, elle était davantage en empathie avec ceux qu'elle soigne. Et une professeure d'école d'infirmières veut faire travailler ses élèves dessus.
Parce que c'est un livre qui donne de l'énergie, de l'espérance ?
C'est un hymne à la vie, un livre qui fait du bien, et d'abord à moi-même. Je n'envisageais pas de publier ces textes. Et puis, j'en ai posté un extrait sur Facebook et j'ai eu tellement de retours ! J'ai vu que ça leur faisait du bien à eux aussi, et pas seulement à des gens malades.
Depuis dix ans, vous vivez avec la maladie et vous avez publié douze romans, récits, polars et même contes dans le style "heroic fantasy". Qu'est-ce qui a changé dans votre écriture ?
Avant, du temps de "L'Homme de miel", je roulais des mécaniques, je voulais me prouver que j'allais m'en sortir et je pensais que si je l'écrivais, ça arriverait. Aujourd'hui, je m'autorise à me montrer plus fragile, plus sincère. Je suis davantage dans la lassitude, j'ai envie d'en sortir. Et je ne perds plus de temps en futilités : je suis beaucoup plus pressé.
Mais mes auteurs fétiches restent Charles Bukowski et John Fante. Il y a donc toujours beaucoup d'autobiographies dans mes écrits, notamment dans "Mes nuits Apache" (paru chez Robert Laffont) et "La nuit ne dure pas" (paru chez 13e Note). La "fantasy", si on m'avait dit que j'en écrirais un jour, je ne l'aurais pas cru. C’est un pas de côté que me réclamait mon fils Dan, qui est fan de ce genre littéraire. Mais finalement, cette forme donne plus de liberté parce qu'on peut tout raconter sous forme de conte. Là, les deux tomes du "Livre des Purs" (Editions Leha) sortent rassemblés en Livre de Poche et en septembre paraîtra "Le Livre des Cendres", qui peut se lire sans avoir lu les deux premiers.
Et puis il y a cet album de rock qui sort à la fin du mois de mai. C'est votre autre passion ?
C'était mon fantasme d'enfant. J'aurais aimé être star du rock plus qu'écrivain. Au départ, j'écrivais des textes de chansons. Et là, "La vie dévorée" s'est bien prêtée à ce format. Je me suis rendu compte qu'en les réarrangeant, je pouvais les faire rimer, même en alexandrins. Sur neuf morceaux, huit sont des extraits de ce livre. Ce projet de disque, je ne l'aurais jamais réalisé sans mon myélome et là, ça va exister en CD et sur les plateformes de streaming ! Par exemple, "Arabesque", composé avec Dominique Pascaud et mis en musique avec David Neerman, fait un parallèle entre cette lourdeur, cette douleur que je ressens dans mon corps et la grâce, la légèreté de ma fille Liz, qui est ballerine. On en a fait un vidéoclip à voir sur You Tube.
Parlons chiffres : vivez-vous de vos publications ?
Non, je n'en vis pas, je suis toujours professeur de mathématiques au collège Paul Valéry de Sète. On ne touche que 8% de la vente d'un livre ! À une époque, j'étais focalisé sur les chiffres de ventes. Depuis quelques années, je ne les regarde plus et ça se passe mieux ! Aujourd'hui, il n'y a plus de "vendeurs moyens", le marché est très focalisé. Il y a les "petits vendeurs" et les "gros", dont les tirages augmentent toujours plus.
Mais l'important, c'est de toucher les gens.