Le député de Haute-Garonne Christophe Bex (LFI), président d'un groupe d'études sur le cannabis à l'Assemblée nationale, critique les annonces du président Emmanuel Macron visant à renforcer la répression de la consommation de cannabis. L'élu d'Occitanie soutient au contraire sa dépénalisation, mettant en avant des arguments de santé publique et de lutte contre les réseaux criminels.
Lors de son déplacement à Marseille, lundi 26 juin, Emmanuel Macron a annoncé que les amendes pour possession ou consommation de cannabis "pourront être payées immédiatement", par carte bancaire ou en espèces afin d'améliorer le taux de recouvrement de ces amendes, inférieur à 35%. Une mesure dénoncée par le député (La France Insoumise) de la 7e circonscription de Haute-Garonne, Christophe Bex. Au début de l'année 2023, l'élu est devenu en début d’année président d’un groupe d’études sur le cannabis à l’Assemblée nationale et prône, au contraire, la dépénalisation du cannabis.
France 3 Occitanie : Comment réagissez-vous aux annonces du président de la République ?
Christophe Bex : Nous continuons à aller vers la culpabilisation et la pénalisation du consommateur. C’est à contre-courant de ce que l’on préconise. Emmanuel Macron ne s’attaque pas à la racine même du problème. Nous sommes en France le pays le plus répressif d’Europe. Comment se fait-il que nous échouions à ce point depuis 50 ans avec une telle politique ? Moi, ce qui m’alerte, c’est surtout la question de la jeunesse. Cette politique de prohibition ne fonctionne pas. Cette politique est dénoncée par de nombreuses associations. Avec Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, nous sommes retombés 50 ans en arrière, on revient en 1970. Pourtant, j’étais persuadé, un peu naïf, en pensant qu’en étant un président jeune, au contact des évolutions de la société, Emmanuel Macron irait vers une légalisation ou tout du moins vers une dépénalisation du cannabis. Je m’aperçois que je me suis trompé.
France 3 Occitanie : De nombreuses études publiées ces dernières années démontrent que le cannabis est un risque, notamment pour les plus jeunes. Est-ce à dire que selon vous, il faut relativiser ces constats ?
Christophe Bex : Non, pas du tout. Mon discours sur le cannabis est avant tout un discours de santé publique et de sûreté. Comment faisons-nous pour empêcher des jeunes de consommer ? Actuellement, c’est un échec complet. Pour l’anecdote, j’étais parent d’élève dans mon collège. Deux jeunes sont passés au conseil de discipline, car ils vendaient de l’herbe devant le collège. C’étaient des jeunes de 6e qui vendaient de l’herbe. C’est une histoire vieille de plus de dix ans. Cela vous montre à quel point il faut réagir, et toutes les politiques qui sont actuellement menées ne fonctionnent pas. Il y a un problème de santé publique qu’il faut résoudre. Comment le résoudre si c’est le ministère de l’Intérieur et non pas celui de la Santé qui gère ce problème-là ? Je rappelle que le cannabis est une drogue, qu’il est dangereux et qu’il faut justement réguler la production, la distribution et la commercialisation par l’État, sinon on ne s’en sortira pas.
France 3 Occitanie : Justement, que préconisez-vous ?
Christophe Bex : Ce que je préconise, c’est la dépénalisation pour permettre qu'il y ait un encadrement de la santé publique et la légalisation. Légaliser, c’est permettre une production locale, avec un taux de THC régulé et avec une distribution dans des établissements régulés par l’État, fermés aux mineurs, pour décourager les gens à consommer. L’idée ce n’est pas de faire des campagnes de légalisation comme aux États-Unis. Le système qui m’intéresse, c’est le système portugais. Avec l’argent dégagé par cette légalisation, nous pourrions réinvestir au plus près des populations qui subissent le trafic dans les banlieues. Qui s’occupe du trafic dans les banlieues ? Ce sont les mafias. Quelles sont les premières victimes ? Les populations. Ce sont des gamins de 12 ans qui vont "chouffer" (surveiller) dans les quartiers pour les dealers et qui vont gagner entre 10 et 30 euros par jour, et on va les mettre en danger et les faire connaître la prison. Il faut sortir de ce système d'économie parallèle. Cela libérerait des forces de police, mais aussi des places de prisons occupées par des personnes qui n'ont rien à y faire.
France 3 Occitanie : Vous êtes député. Allez-vous faire une proposition de loi à ce sujet à l'Assemblée nationale ?
Christophe Bex : Je pense qu'il y a une fenêtre de tir pour faire passer une loi, notamment en raison de la majorité relative. La précédente mission sur le sujet était portée par un député de La République En Marche. C'était transpartisan et les générations évoluent. La société a évolué. Un Français sur deux a goûté une fois dans sa vie de l'herbe ou du cannabis. Nous sommes prêts à avancer sur ces questions. Nous nous battons contre une idéologie du tout répressif et nous n'en avons pas besoin sur un tel sujet. Je vais proposer dans le groupe d'étude transpartisan de rédiger une proposition de loi. Nous n'y allons pas la fleur au fusil, c'est une démarche sérieuse. C'est une proposition de loi de santé publique. J'en ai assez de voir des jeunes qui sont sur le quai de la gare et qui fument un joint en allant au collège. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas tenable. On n'accepterait pas qu'un jeune prenne une bouteille de whisky sur le quai d'une gare. Là, c'est la même chose. Le système actuel permet cela. Personne n'est en capacité d'enrayer le trafic. La prohibition n'a jamais fonctionné. J'envisage à la rentrée de faire un tour de France, de rencontrer les associations, de rencontrer les députés qui sont favorables à cette dépénalisation et d'expliquer au plus près des gens ce que nous soutenons.