Cold case : le tueur en série toulousain Patrice Alègre à nouveau dans le viseur de la justice

Le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) a ouvert une nouvelle information judiciaire visant trois tueurs en série, dont Patrice Alègre. Vingt ans après, la justice cherche à retracer le parcours du tueur toulousain et à vérifier s'il a fait d'autres victimes.

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Nordahl Lelandais, Willy Van Coppernolle... Et Patrice Alègre. Trois noms au palmarès sanglant, qui sont à présent entre les mains des juges d'instructions du nouveau pôle judiciaire national dédié aux "cold cases", ces dossiers n'ayant pas été résolus, complexes et enlisés. La création de cette juridiction nationale avait été annoncée en janvier, et était très attendue par les familles des victimes.

Les trois criminels, condamnés à la perpétuité, sont donc à nouveau dans le viseur de la justice. C'est ce qu'a révélé Le Parisien. L'objectif de cette nouvelle enquête : reconstituer les parcours de vie des tueurs en les croisant aux affaires non-élucidées et ainsi déceler de nouvelles victimes potentielles. Car si tous trois ont été condamnés à la prison à vie, ont-ils cependant révélé l'intégralité de leurs actes ?

Le tueur en série toulousain Patrice Alègre parmi les dossiers sélectionnés

Patrice Alègre, 54 ans, a été condamné en février 2002 à la réclusion criminelle à perpétuité pour cinq meurtres commis en 1989, 1990 et 1997, six viols et une tentative de meurtre.

Plus de vingt ans plus tard, les enquêteurs s'interrogent plus que jamais sur la période 1990-1997, soit sept ans sans aucun crime.

Qu'il y ait un trou de sept ans... Cela peut peut-être s'expliquer par un contexte différent, une vie différente, une accalmie de la part d'Alègre... Ce n'est pas à moi de le dire mais vu de l'extérieur, ce que je sais c'est que cet homme a toujours reconnu les faits qui lui étaient reprochés et au-delà. Je ne peux pas empêcher les forces de l'ordre de chercher. Ce qu'il y a de sûr, c'est que j'attends des réponses, et des réponses assez rapides.

Maître Pierre Alfort, avocat de Patrice Alègre

"On a été flingué en plein vol"

En 1999, la vice-procureur de Toulouse, Christiane Vignau-Rabastens charge la cellule Homicide 31 de la gendarmerie, d'enquêter sur les victimes potentielles du tueur, rouvrant ainsi en juin 2000 plusieurs anciens dossiers. Cinq mises en examen avaient été obtenues. Elles seront toutes classées sans suite après l'explosion de l'affaire Dominique Baudis, l’ancien journaliste et maire de Toulouse Dominique Baudis soupçonné d’être impliqué dans une sombre affaire autour du tueur en série Patrice Alègre.

On avait un tueur en série dans le secteur, de multiples disparitions et des suicides plus que douteux. On devait chercher ce qu'avait commis cet individu. On était en train de combler ce trou de sept ans lorsque j'ai reçu des ordres verbaux de clôturer en l'état les procédures, que je ne pouvais pas clôturer car les investigations étaient positives. Il y a eu un revirement à 180 degrés. J'ai refusé, il y a eu des tensions et j'ai préféré poser mon uniforme propre sur le bureau plutôt que de signer des documents qui auraient sali mon honneur, mes fonctions, mon institution... On a été flingué en plein vol.

Michel Roussel, ex-gendarme et ancien chef de la cellule Homicide 31

Aujourd'hui, le travail reprend. "C'était quelque chose qui n'aurait jamais dû être interrompu. A l'époque j'ai qualifié ça comme un déni de justice, aujourd'hui une équipe se remet au travail, je leur souhaite bonne chance. La justice ne fait que son devoir, tardivement. J'espère pas trop tard", regrette l'ex-gendarme.

L'ancienne vice-procureure du parquet de Toulouse, Christiane Vignau-Rabastens, ressent un sentiment partagé : "Je suis d'un côté satisfaite mais d'un autre, je suis amère. C'est ce qu'on avait fait avec la cellule Homicide 31. J'avais demandé qu'on recherche les victimes, (...) et en 2003 tout est parti sous forme de non-lieu".

Elle se rappelle du dossier Line Galbardi, cette prostituée de 28 ans retrouvée morte en janvier 1992 dans un hôtel de passe toulousain, et dont le meurtre avait été pendant un temps imputé à Patrice Alègre.

C'était une de ses connaissances. On pense qu'il l'a battue à mort dans la douche. Il y avait quatre témoins, dont un qui a disparu. Je ne sais pas pourquoi ça s'est arrêté net, c'est inexplicable. Quant aux autres, on n'a pas eu le temps de faire les enquêtes nécessaires.

Christiane Vignau-Rabastens, ancienne vice-procureure du parquet de Toulouse

Evolution des technologies d'enquête

Les nouveaux moyens d'investigation pourraient aujourd'hui permettre d'avoir de nouveaux éléments, "mais il y a quelques années, les moyens étaient déjà relativement efficaces notamment au niveau des empreintes. Jusqu'à preuve du contraire, je considère qu'il n'y a rien d'autre le concernant", affirme Maître Alfort.

Mais ces nouvelles technologies pourraient enfin apporter des réponses aux familles meurtries. "Je comprends que les familles de victimes aient besoin de la vérité mais que le travail soit bien fait et dans la bonne direction, qu'il ne consiste pas à simplement viser Patrice Alègre. Il y a eu des ratés au niveau de la police toulousaine, de l'institution judiciaire toulousaine mais ce n'est pas pour autant que Patrice Alègre est responsable des crimes et encore moins de ces ratés", conclue l'avocat.

Près de 200 dossiers susceptibles d'être rouverts

Patrice Alègre a purgé sa période de sûreté de 22 ans. En 2019, il a demandé sa libération, qui n'a pas abouti suite aux examens psychiatriques. L'homme est toujours incarcéré au centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure dans l'Allier (65), en Auvergne-Rhône-Alpes.

Au-delà de Patrice Alègre, Nordahl Lelandais et Willy Van Coppernolle, le pôle consacré aux "cold cases" étudie plusieurs noms de criminels susceptibles de les rejoindre. Ainsi, 193 dossiers ont déjà été identifiés et sont susceptibles d'être rouverts, parmi lesquels l'affaire Grégory Villemin ou encore le quadruple meurtre de Chevaline.

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