Rémy Giacobbo, un étudiant de l’école nationale supérieure (ENS) de Toulouse a participé en tant qu’observateur à la COP 27 en Egypte. Il revient sur les moments qui l'ont le plus marqué.
Rémy Giacobbo, 23 ans, est étudiant à l'ENS. Il a été sélectionné avec 6 autres étudiants français pour observer les négociations internationales sur le climat à Sharm el-Cheykh en Égypte. "Je suis parti avec un peu d'espoir et pas grand-chose à en dire. Je reviens sans espoir mais avec beaucoup de choses à en dire" résume-t-il en préambule.
L'étudiant a été marqué par le lieu. Arrivé de nuit, il s'est repéré grâce aux énormes enseignes lumineuses des marques internationales. "Pas besoin des noms des rues. Sharm El Sheikh est une ville fantôme. Les énormes allées sont vides", relate-t-il.
Décor de carton-pâte
"On voit des routes à 4 voies bordées de bancs où personne ne s'assied. C'est un décor de carton-pâte, la version moyen-orientale de Los Angeles. Dans le Sinaï, qui est une région en stress hydrique, on voit des plages privées se succéder et, à l'arrière, d'énormes piscines... Ce mode de développement n'est pas éco-compatible. C'est un sommet qui se déroule dans un éco-système qui est tout ce que le sommet combat... ça donne le "la" !"
Pour autant, l'étudiant n'associe pas l'Égypte à cette ville "bâtie sur du faux". Le pays s'est, pour lui, montré compétent dans l'organisation de ce sommet international. Il a même trouvé remarquable son expertise dans ce domaine "d'autant que les candidats ne se bousculent pas au portillon".
Pays qui polluent versus pays qui souffrent
Si désillusion il y a, c'est bien sur les avancées des négociations. "Je vois la lenteur des négociations climatiques et, malgré toute l'agitation autour de la COP, très peu d'actions se mettent en place".
Rémy Giacobbo estime qu'une avancée majeure a néanmoins eu lieu. "Les négociations étaient pourtant mal embarquées, le texte sur les "pertes et préjudices" a été signé entre 3h30 et 9h30 au tout dernier moment, le dimanche matin. C'est important pour les pays qui souffrent du réchauffement comme le Pakistan avec : combien coûte le fait de déplacer des millions de personnes à cause des sécheresses et des famines ? Qui paie ? Les pays qui polluent le plus, ceux qui sont en cours de développement comme la Chine ?...".
Le fait qu'un accord pour la création d'un fonds commun à destination des pays les plus vulnérables ait été trouvé, est un évènement remarquable selon lui. Même s'il sait qu'une signature de principe n'est pas une ratification de traité... "Ce sont les exécutifs qui signent mais le budget est voté dans la plupart des États par des assemblées. La mise en oeuvre des agendas est donc le fait de la souveraineté à l'échelle nationale. Donc il y a peu d'espoir d'un accord international de principe".
Une arme pour les luttes futures
Parmi les évènements qui l'ont marqué, Rémy Giacobbo retient une négociation sur l'article 6 concernant le crédit carbone. "Certains pays poussaient à ce que le texte mentionne la défense des droits de l'homme. J'ai vu des délégués du Mexique tomber dans les bras l'un de l'autre à l'obtention de cette mention".
"C'est là qu'on prend conscience qu'au détour d'une phrase peut se jouer le sort de milliers de personnes... C'est faire reconnaître, dans le droit, la lutte pour une justice climatique. Ce texte sanctionne l'exploitation des pays par les grandes compagnies, ces entreprises s'exposent à de graves sanctions. ça m'a ému, je comprends l'enthousiasme de ces délégués qui y voient une arme pour les luttes futures".
Pour l'observateur français, participer aux négociations pourrait être stimulant intellectuellement. "Mais on réalise qu'on est au coeur de ce qui attend la société future qui est déjà en train de souffrir de son inaction".
S'il ne met pas en question l'échelle d'action de la COP qui reste pertinente, car un pays seul ne peut mener le combat contre le réchauffement, les discussions à 197 autour d'une table l'ont "refroidi".
Cabinets d'investissement et banques d'affaires
Les acteurs de la société civile étaient présents, tout comme des ONG mais aussi les cabinets d'investissements et les banques d'affaires. "Autant la présence des premiers m'a parue pertinente, autant j'ai pu me sentir désespéré par ces structures qui font du greenwashing à grande échelle. Tout comme la présence de certains journalistes qui se gargarisent de connaître tel ou tel... On se demande si ces gens ont les pieds sur terre."
"J'ai discuté avec des participants de plus longue date qui m'ont expliqué que la présence des cabinets de conseils et autres lobbys date de la COP 21, l'accord de Paris et le crédit carbone. C'est le rachat des émissions carbone à un pays qui n'a pas d'argent, mais ne pollue pas. Ces banques d'investissement, ces cabinets de conseil comme MacKinsey sont des garants de l'ancien monde qui essaient de se placer dans le nouveau monde".
Au final, pour Rémy Giacobbo, la grande tragédie est que les États qui ont les moyens d'agir (les plus riches ou ceux qui polluent le plus) ne souffrent pas encore assez et n'agissent pas. "Ceux qui souffrent sont les plus fragiles et ne sont pas en capacité d'agir : les îles Tuvalu dans le Pacifique par exemple n'existeront plus si le réchauffement dépasse 1,5°. Débloquer des milliards, ça sert à quoi si on est sous l'eau ?".
À la question "garde-t-il espoir ?", l'étudiant répond : "l'espoir n'est pas une catégorie sérieuse en politique. Ce n'est pas parce qu'on a une pleine conscience des obstacles qu'il faut se décourager. J'opte pour un pessimisme de raison mais un optimisme de volonté. Ce n'est pas parce que je n'ai plus d'espoir que je n'agis pas. Je n'ai pas le choix".