Depuis le 26 mars, les orthophonistes sont autorisés à exercer la télémédecine auprès de certains patients, mais pas de tous. Patients rééduqués pour des troubles de la voix ou malades du covid-19 autrefois intubés n'ont pas le droit de consulter. Leurs pathologies ne sont donc pas ou plus soignées.
Depuis le 26 mars dernier, le ministère de la santé autorise temporairement la prise en charge à distance, grâce à la télémédecine, d’actes d’orthophonie. Les patients atteints de troubles des apprentissages, de dyslexie, ceux qui ont besoin de rééducation de la graphie (écriture), peuvent ainsi consulter en télé-soin et être remboursés par la Caisse primaire d’assurance maladie. "Mais tous ceux qui auraient besoin d’être suivis en rééducation vocale sont exclus de ce dispositif ", dénonce Agnès Claret-Tournier, orthophoniste à Toulouse.
Nous avons des compétences essentielles et un rôle primordial à jouer dans la prise en charge des patients testés positifs.
Elle pense à tous ceux qui ont subi une intubation, qu’il est urgent d’accompagner "afin d’éviter l’installation durable de troubles de la déglutition, de la respiration et de la voix."
Eviter un handicap définitif
Orthophoniste libérale à Toulouse depuis 20 ans, Agnès Claret-Tournier est spécialisée dans les troubles de la voix et de la déglutition. Elle soigne tous ceux qui, après une opération des cordes vocales ou une chirurgie en cancérologie, ont besoin de rééducation vocale. Sans prise en charge rapide et adaptée, elle met en garde contre une évolution potentielle en « handicap définitif et avertit « ces patients ont besoin de nous ! ».
Elle est signataire avec plus de 200 orthophonistes, médecins ORL et phoniatres, d’un courrier envoyé au ministère de la santé, à la Fédération Nationale des Orthophonistes, la FNO, pour leur demander de réagir au plus vite et d’élargir le dispositif.
le courrier adressé par des orthophonistes au ministère de la santé
Des patients laissés de côté
Pierre est un patient d’Agnès Claret-Tournier. Deux cancers ont atteint successivement ses cordes vocales et sa langue. Lui qui avait rendez-vous chaque semaine avant le confinement et qui n’a donc pu pratiquer de rééducation depuis, a constaté une perte au niveau de sa voix et des problèmes de déglutition.
Mon larynx se rigidifie, perd de sa souplesse et ma voix s’en ressent. Avec la meilleure volonté du monde et les exercices données par mon orthophoniste, cela ne suffit pas.
Il regrette de ne pouvoir bénéficier d’un suivi en télémédecine. Cela l’aurait aidé de travailler avec elle, ajoute-t-il même par l’intermédiaire d’un ordinateur car "c’est difficile de juger de sa diction, on ne s’entend pas."
L’orthophoniste toulousaine a ainsi reçu plusieurs demandes de prise en charge qu’elle n’a pu honorer. Et cela pourrait continuer car même si les orthophonistes s’apprêtent à rouvrir leurs cabinets le 11 mai, ils ne pourront accueillir tout le monde. De 13 à 15 patients chaque jour avant le confinement, cette orthophoniste n’en recevra pas plus de 5 à 6 chaque jour pour éviter qu’ils ne se croisent.
Anticiper sur les masques
Depuis ce dimanche soir, les orthophonistes peuvent récupérer des masques en pharmacie. Mais en attendant cette autorisation que la fédération des orthophonistes juge tardive, de nombreux praticiens ont préféré se débrouiller seuls, même s’ils le déplorent.
J’ai passé commande de 50 masques FFP2 et 100 de masques chirurgicaux pour mes patients. Il faut que je puisse leur donner un masque neuf à leur arrivée au cabinet.
Les masques, le matériel de désinfection, les blouses, cette orthophoniste a dépensé plus de 1000 euros pour être prête à rouvrir son cabinet. Comme beaucoup, elle avoue avancer à l’aveugle, sans revenu depuis le 17 mars, et des frais, un loyer à payer mais ajoute "nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. Ce qu’on voudrait, c’est pouvoir soigner tous nos patients de nouveau."